Matricule « 45 176 » à Auschwitz

Aloyse Arblade © DAVCC
Aloyse Arblade le 8 juillet 1942 à Auschwitz
Aloyse Arblade : né en 1901 à Montpellier (Hérault) ; domicilié à Malakoff (Seine) ; manœuvre spécialisé chez Citroën ; conseiller municipal communiste ; arrêté le 26 octobre 1940 ; interné aux camps d’Aincourt et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 13 janvier 1943.

Aloyse, Numa Arblade, fils d’un maçon, est né le 18 août 1901 au 2, rue Condorcet à Montpellier (Hérault).
Il habite au 20, rue Augustin Dumont à Malakoff (Seine / Hauts-de-Seine) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Léonie, Clotilde Dantoni, 20 ans, ménagère et de Jean, Numa Arblade, 30 ans, maçon, son époux.
Il a 5 sœurs et frères (Rose, Emile, Louis, Ulysse).
Leur père est décédé le 30 décembre 1914 au Maroc, sa mère le 28 avril 1935 à Marseille.

« Monté » en région parisienne, il y est recensé dans le département de la Seine pour le service militaire (matricule 5409). Son registre militaire nous apprend qu’il mesure 1m66 ales cheveux blonds, les yeux gris, le front ordinaire, le nez fort, le visage ovale. Il travaille comme manœuvre spécialisé et habite chez M. Dantony au 4 rue Legrand à Malakoff (Seine / Hauts de Seine ).
Il est appelé au service militaire le 5 avril 1921, incorporé au 136è Régiment d’Infanterie et arrive au corps le 12 avril. Il est affecté dans l’armée d’occupation des Pays rhénans du 18 avril 1922 au 21 juin 1922 . Placé dans la disponibilité le 5 avril 1923, il est maintenu au corps en application de la Loi du 21 mars 1905 en raison de l’occupation de la Ruhr (2). Affecté dans l’armée d’occupation des Pays rhénans du 22 juin 1922 au 29 mai 1923, Il est « renvoyé dans ses foyers » le 30 mai 1923, « certificat de bonne conduite accordé » et affecté dans la réserve de l’armée active au 65è
RI.
En 1924, il est domicilié 4, rue Legrand à Malakoff. Il est scieur de profession. Il se  marie le 4 avril 1925 à Malakoff avec Germaine Guérin (rectifié en Duchesne en 1970 sur l’acte de mariage de 1924), tricoteuse. Elle a 17 ans, née le 29 avril 1907 à Paris 15è. Elle habite au 2, rue Emile Zola à Malakoff. Le couple a un fils, André, né le premier juin 1933 à Paris 15è . Il épousera Paulette Girard, fille de Louis Girard, déporté lui aussi à Auschwitz dans le même convoi.
En janvier 1928, il viennent habiter au 20, rue Augustin Dumont à Malakoff.
Aloyse Arblade (scieur de profession) est manœuvre aux usines Citroën (Paris), au chômage. Militant communiste et syndicaliste, il est élu conseiller municipal de Malakoff sur la liste Léon Piginnier (19è sur 27) le 12 mai 1935.
Il est réformé définitivement en 1936 par la 3è commission de réforme militaire de Paris (pour section de 3 doigts à la main droite et de la phalangette du deuxième doigt.
Après la déclaration de guerre, il est réformé définitif n° 2 pour les mêmes motifs le 31 janvier 1940.
Aloyse Arblade est déchu de son mandat d’élu municipal le 29 février 1940 par le Conseil de préfecture pour son appartenance au Parti communiste.

Le vendredi 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Un premier  détachement  allemand  occupe  la mairie de Nanterre et l’état-major  s’y  installe. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Dès le début de l’Occupation, il diffuse des tracts anti-allemands. Il est arrêté le 26 octobre 1940 par la police française, comme « communiste et membre de la CGT » et interné au camp de « séjour surveillé » d’Aincourt, dans le département de la Seine-et-Oise (aujourd’hui dans le Val d’Oise), près de Mantes, ouvert spécialement, en octobre 1940, pour y enfermer les communistes arrêtés dans la région parisienne par le gouvernement de Vichy.
Lire dans le site : Le camp d’Aincourt

Le 9 février 1942, il est remis – en même temps que 28 autres internés originaires du département de la Seine – aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp de Royallieu à Compiègne (le Frontstallag 122).
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». 

Depuis le camp de Compiègne, Aloyse Arblade est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Le 8 juillet 1942

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule 45176. Sa photo d’immatriculation (1) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks. On ignore dans quel camp il est affecté à cette date.

Aloyse Arblade entre à l’infirmerie d’Auschwitz le 10 janvier 1943 et y meurt du typhus le 13 janvier 1943 selon les registres du camp («Death Books from Auschwitz»).

Son état civil établi dans les années d’après guerre et un arrêté du10 avril 1987 publié au JO du 10 juin 1987 portant apposition de la mention « mort en déportation » portent néanmoins une date approximative « mort en décembre 1942 à Auschwitz » (jugement déclaratif de décès). Car, afin de permettre l’obtention de titres et de pensions aux familles des déportés, l’état civil français n’ayant pas eu accès dans les années d’après-guerre aux archives d’Auschwitz emportées par les armées soviétiques, a fixé celle-ci à une date fictive (le 1er, 15 ou 30 d’un mois estimé) sur la base du témoignage d’un de ses compagnons de déportation.

Le titre de « déporté politique » lui a été attribué. Il a été déclaré « Mort pour la France ».

Plaque apposée à la Maison des associations à Malakoff . © Pierre Cardon.

Une plaque à son ancien domicile,  une cellule du PCF et une plaque collective apposée à la maison de la vie associative, portent son nom.

Plaque en Mairie. © Claude Richard

Il est également honoré en Mairie.

© Claude Richard in Musée  de la Résistance en ligne

L’ancienne avenue du Chemin de
fer, qui donne accès à la gare de Vanves-Malakoff, porte désormais son nom.

  • Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après-guerre directeur du Musée d’Etat d’AuschwitzBirkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Questionnaire biographique (contribution à l’histoire de la déportation du convoi du 6 juillet 1942), envoyé aux mairies, associations et familles au début de mes recherches, en 1987, rempli par Claude Girard, fils de Louis Girard « 45 605 », Conseiller municipal de Malakoff. 19 décembre 1991.
  • Témoignage d’Auguste Monjauvis sur les circonstances de sa mort.
  • Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Bureau de la Division des archives des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel consulté en 1991).
  • Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom. Tome 17, page 208.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Photo de la plaque de la Miason des associations : ©  Pierre Cardon.
  • Registre matricule militaire.

Notice biographique rédigée en 2007 (complétée en 2016,  2019 et 2021) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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