Fernand Bée : né à Paris 8è en 1922 ; domicilié à Gennevilliers (Seine) ; manœuvre ; CGT, communiste ; arrêté le 30 décembre 1940 ; condamné à 6 mois de prison (Santé, Fresnes) ; arrêté le 28 février 1942 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 18 septembre 1942.
Fernand Bée est né à Paris (VIII°) le 20 mai 1922. Au moment de son arrestation il habite chez sa grand-mère au 5, rue Deslandes à Gennevilliers (Seine / Hauts-de-Seine). Il est le fils de Léontine, Julie Stulmuler et de Gabriel, Marcel Bée (1889-1943) son époux.
Ses parents se sont mariés le 14 février 1920 à Gennevilliers et habitent au 33, puis au 77, rue de Paris dans cette ville. Son père, Gabriel Bée, né à Paris 17ème, après avoir habité rue Deguingan à Levallois-Perret, a trouvé du travail à la société « Carbonne-Lorraine » à Gennevilliers et a déménagé dans cette ville. Au moment de l’arrestation de Fernand Bée, sa mère est décédée : il habite alors chez sa grand-mère au 5, rue Deslandes à Gennevilliers (Seine / Hauts-de-Seine).
Il est célibataire. Fernand Bée travaille comme manœuvre à la margarinerie Astra, 14, rue Pierre Curie à Asnières, le long des quais de Seine.
Passionné de Football, il est inscrit à l’USAC de Clichy, un des meilleurs clubs de la région parisienne, qui a adopté les couleurs Rouge et Noir en hommage à la Commune de Paris (les foulards rouges et foulards noirs qui s’opposaient sur les « fortifs »), comme son oncle Fernand Bée, de 21 ans son aîné, dont les exploits sont cités dans le Petit Parisien de janvier 1927.
De 1935 à 1936, Fernand Bée est fiché au fichier central de la Sûreté nationale (Fichier B1 15257 / Cote / Source 19940434/182 / Dossier 15080), dit « Fonds de Moscou » : fichiers en possession des Allemands lors de l’Occupation, récupérés par les Soviétiques à la fin de la guerre et restitués à la France en 1994 et 2004.
Le vendredi 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Toute la banlieue parisienne est occupée les jours suivants. Un premier détachement allemand occupe la mairie de Nanterre et l’état-major s’y installe.
La nuit du 14 au 15 juin, de nombreuses troupes allemandes arrivent à Nanterre et Colombes.
Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
« Maurice Simondin reconstitua clandestinement le groupe local de la Jeunesse communiste en 1940, il en devint le secrétaire. Le groupe était composé de trente-huit adhérents dont quatorze jeunes filles » (Le Maitron, notice de Maurice Simondin). Le 26 décembre 1940, le groupe de jeunes communistes de Gennevilliers dont il fait partie (16 militants, dont neuf femmes et jeunes filles) se réunit pour mettre en place une action spectaculaire. Ils sont repérés par la police ou peut-être filés à la suite de l’arrestation le 27 décembre d’un des jeunes pris en flagrant délit de peinture de mots d’ordres sur la chaussée. S’ensuivent des arrestations en cascade à la suite de la découverte d’une liste de noms de vingt et un membres de l’organisation.
Le 30 décembre (archives de la Police), Fernand Bée est arrêté à son domicile au 5, rue Deslandes (information archives municipales de Gennevilliers) par des inspecteurs du commissariat d’Asnières, soupçonné de propagande communiste clandestine. Ses 15 camarades sont également arrêtés dans la même période.
Dans un rapport en date du 8 avril 1941, adressé au Directeur des renseignements généraux, le commissaire de police de la circonscription d’Asnières indiquait que depuis novembre 1940, il avait procédé à cinquante-trois arrestations. Il précisait « À Gennevilliers le groupement des Jeunesses communistes a été annihilé complètement, à la suite de l’arrestation en décembre de seize de ses membres dont le bureau responsable ».
Fernand Bée est jugé le 10 mai 1941 et condamné pour activité communiste. Ayant fait appel, il est condamné à 6 mois de prison le 29 juillet.
Il est incarcéré à la Santé jusqu’au 29 mai, puis à Fresnes du 29 mai au 16 août 1941, date de sa libération (l’incarcération préventive ayant couvert une grande parte de sa peine. Mais il fait désormais partie des militants communistes surveillés.
Son domicile est d’ailleurs perquisitionné le 24 août 1941.
Le 26 juin 1941, son père, Gabriel, Marcel Bée est interné administrativement à Compiègne (1) comme militant communiste « meneur particulièrement actif ».
Le 28 avril 1942, Fernand Bée est de nouveau arrêté à son domicile lors d’une grande rafle organisée par l’occupant dans tout le département de la Seine, en répression l’attentat de Paris du 20 avril. Cette rafle vise des militants du Parti communiste clandestin ou considérés comme tels.
Lire dans le site La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942).
Suivant cette politique des otages, les autorités d’occupation ordonnent l’exécution d’otages déjà internés et le 28 juin, arrêtent 387 militants (avec le concours de la police parisienne), dont la plupart avaient déjà été arrêtés une première fois par la police française pour « activité communiste » depuis l’interdiction du Parti communiste (le 26 septembre 1939) et libérés à l’expiration de leur peine. Les autres sont connus ou suspectés par les services de Police. Il s’agit de représailles ordonnées à la suite d’une série d’attentats à Paris (le 20 avril un soldat allemand de première classe est abattu au métro Molitor, deux soldats allemands dans un autobus parisien, le 22 avril un militaire allemand est blessé à Malakoff). Lire le témoignage de Claude Souef : La rafle des communistes du 28 avril 1942 à Paris.
Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (le Frontstalag 122).
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Fernand Bée est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
On ignore le numéro d’immatriculation de Fernand Bée à Auschwitz. Le numéro matricule figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) et signalé comme incertain (voir l’avertissement précédant la liste alphabétique) correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Elle avait notamment pour objectif de faciliter l’identification des 522 photos anthropométriques de « 45 000 » préservées de la destruction par des résistants du camp et retrouvées après la libération d’Auschwitz. Cependant, cette reconstitution n’a pu complètement aboutir en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il serait donc hasardeux de maintenir le numéro « 45 222 » pour Fernand Bée en l’absence de nouveaux éléments.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
D’après les registres du camp, Fernand Bée meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942. Il a été pris dans une vaste « sélection » des « inaptes au travail » destinés à être éliminés dans les chambres à gaz du centre de mise à mort de Birkenau.
Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué.
Fernand Bée est homologué (GR 16 P 43165) au titre des Forces Française de l’Intérieur (FFI) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance.
Une rue de Gennevilliers et une résidence honorent sa mémoire.
Une cité du « Village » de Gennevilliers porte son nom, entre les rues Félicie et Timbaud.
- Note 1 : Gabriel Bée est décédé le 15 décembre 1943 à l’hôpital Bichat, 170, boulevard Ney (Paris 18è). Nous ignorons s’il est hospitalisé après une libération ou hospitalisé depuis le camp de Compiègne.
Sources
- Archives municipales de Gennevilliers (Liste de déportés, noms de rues, biographie).
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel consulté en octobre 1993).
- Archives de la Préfecture de Police de Paris. Le Pré Saint Gervais.
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré du 27 juillet 1941 au 31 décembre 1943 le décès des détenus immatriculés).
Notice biographique (complétée en 2016, 2019 et 2021), réalisée initialement pour l’exposition sur les «45000» de Gennevilliers 2005, par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, Paris 2005. Prière de mentionner les références (auteur et coordonnées du site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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