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NANTES CHARLES EUGENE
Eugène Charles |
Matricule « 45 354 » à Auschwitz Rescapé
Eugène Charles est né le 9 octobre 1913 à Nantes (Loire-Atlantique). Il habite à Nantes au 16 avenue Sainte-Anne au moment de son arrestation.
En
1925, il est manœuvre maçon et habite au 59 rue Joseph-Blanchard, puis au
9 avenue des Châtaigniers à Nantes.
Il
épouse Jeanne Le Floch, née en 1914 à Beuzec-Cap-Sizun. Elle est mécanicienne
chez Kervadec.
A partir de 1934, il travaille comme forgeron aux Chantiers de Bretagne à Nantes.
Il est le responsable de la cellule du Parti communiste de Sainte-Anne à Nantes, il y milite avec André
Lermite (déporté avec lui à Auschwitz), Marguerite Joubert sa femme (elle aussi déportée à Auschwitz), Alphonse
Braud (déporté avec lui à Auschwitz) et le responsable de Nantes, Raymond Sémat (1).
Eugène Charles a rempli plusieurs questionnaires, ici celui de la FNDIRP, en 1974 |
A la déclaration de guerre, il est « affecté spécial » aux Chantiers de Bretagne.
Après la débâcle et l’armistice, aussitôt les Chantiers occupés par les Allemands, Eugène Charles et ses camarades communistes (Gaby Goudy (2) est son responsable) mettent en place une organisation clandestine.
Leur mission : effectuer des sabotages sur les presses et des outillages, ralentir le travail et distribuer des tracts contre l’occupant et le régime de Vichy qui pratique la collaboration.
Eugène Charles est arrêté le 23 juin 1941 à son domicile par les Allemands, dans le cadre de la grande rafle commencée le 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique. Sous le nom « d’Aktion Theoderich », les Allemands arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française.
Il est interrogé par un officier qui parle parfaitement le français et qui lui fait la liste détaillée de ses activités militantes d’avant-guerre. Ce qui montre que les Allemands tenaient ces renseignements des autorités françaises.
Liste des 17 otages nantais « fusillables » |
Il est ensuite incarcéré à la prison du Champ de Mars de Nantes, puis transféré au camp allemand de Compiègne (Frontstalag 122),le 13 juillet.
Il y devient un otage « fusillable » le 20 avril 1942 : son nom
est inscrit sur une des 2 listes de 36 et 20 otages envoyés par les services
des districts militaires d’Angers et Dijon au Militärbefehlshaber in Frankreich (MbF), après l’attentat
contre le train militaire 906 à Caen et suite au télégramme du MBF daté
du 18/04/1942. Le Lieutenant-Général à Angers suggère de fusiller les otages
dans l’ordre indiqué (extraits XLV-33 / C.D.J.C). Les noms de cinq militants
d’autres départements, qui seront déportés à Auschwitz, figurent également sur
ces 2 listes (André
Flageollet, Jacques
Hirtz, Alain
Le Lay, René
Pailolle, André
Seigneur).
17
militants de Loire-Inférieure internés à Compiègne sont ainsi déclarés otages
«fusillables ». 10 d’entre eux seront déportés à Auschwitz : Alphonse
Braud, Eugène
Charles, Victor
Dieulesaint, Paul
Filoleau, André
Forget, Louis
Jouvin, André
Lermite, Antoine
Molinié, Gustave
Raballand, et Jean
Raynaud. Les sept autres internés déjà à Compiègne sont Maurice Briand (déporté
à Sachsenhausen / décédé en 1943), Roger Gaborit (déporté à Buchenwald /
rescapé), Jules Lambert (déporté par le convoi du 24 janvier 1944), François
Lens (déporté à Sachsenhausen / décédé lors de l’évacuation en 1945),
Jean-Baptiste Nau (déporté à Buchenwald où il décède), Raoul Roussel (mutilé de
guerre). L’Abwehr-Angers confirme cette liste, dans un courrier du 19 mars 1942
(n° 6021/42 II C3).
Depuis le camp de Compiègne, Eugène Charles va être
déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant
qui mène à sa déportation, voir les deux articles du blog : La
politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une
déportation d’otages».
Cf Article du |
- Eugène Charles est déporté comme otage communiste à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000». Ce convoi d’otages composé, pour l’essentiel, d’un millier de communistes (responsables politiques du parti et syndicalistes de la CGT) et d’une cinquantaine d’otages juifs (1170 hommes au moment de leur enregistrement à Auschwitz) faisait partie des mesures de représailles allemandes destinées à combattre, en France, les «judéo-bolcheviks» responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le blog le récit
- des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz
- 6-8 juillet 1942.
A l’Immatriculation le 8 juillet 1942 |
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45.354 ».
Sa photo d’immatriculation à
Auschwitz (3) a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance
intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction,
ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz. Lire dans le blog le récit de leur
premier jour à Auschwitz : L’arrivée
au camp principal, 8 juillet 1942. et 8
juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale »
Après l’enregistrement, il passe
la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux
pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau,
situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est
interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs
ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement
la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement
et à la construction des Blocks.
La forge (ww.auschwitz.org) |
Il est affecté au Block 16 et au Kommando de la Forge.
Il y travaille avec Ferdinand Bigaré,
Raymond Boudou, Gabriel Lacassagne, Marceau Lannoy, Jules Le
Troadec et Victor Louarn. Robert Gaillard raconte « En plus de ce qu’il endurait dans sa chair, comme toute le monde, il était atteint d’une fistule. A la Forge, il chauffait un fer au rouge blanc, le plongeant dans un seau d’eau et se lavait le cul devant tout le monde. C’est sans doute çà qui l’a sauvé« .
Entre le 14 août 1943 et le 12 décembre 1943, il est en quarantaine au Block 11 avec la quasi totalité des français survivants. Lire l’article du blog « les 45000 au block 11.
Le 7 septembre 1944, il fait partie du groupe des 29 « 45.000 » transférés à Gross-Rosen, où il reçoit le matricule « 40985 ».
Eugène Charles y contracte un érésipèle dont il guérit grâce aux soins d’un médecin polonais qui travaille comme détenu à l’infirmerie du camp (en 1972, ayant lu un article du Dr Karol Jonca dans le Patriote Résistant, il pense qu’il s’agit de lui et cherche a entrer en contact avec celui « qui m’a soigné et même sauvé la vie« . Mais le Dr Jonca n’est pas un ancien déporté).
Il est ensuite évacué sur le camp d’Hersbrück le 22 mars 1945 (matricule 84391), puis vers Dachau où il arrive le 24 avril. Lire dans le blog , « les itinéraires suivis par les survivants ».
Il est libéré le 29 avril par l’armée américaine et rapatrié à Nantes le 19 mai 1945, via Paris (Hôtel Lutétia).
Eugène Charles, années 70 |
Il reprend sa place aux Chantiers de Bretagne jusqu’en 1963, mais à la suite d’une grave opération – liée aux séquelles de sa déportation – il doit renoncer à travailler. Il va habiter Le Lavoir (Sucé) près La Chapelle sur Erdre .
Mars 1980 René Aondetto, Eugène Charles et Marie Claude Vaillant-Couturier |
Il reçoit la carte de « Déporté Résistant » le 9 janvier 1956, et possède plusieurs décorations : la Médaille militaire, la Croix des Volontaires de la Résistance, la Légion d’Honneur (chevalier, puis officier).
Militant de la FNDIRP, Eugène Charles participe aux rassemblements des « 45.000 » (ci-contre photo du rassemblement des « 45000 » et des « 31000 » au Havre en mars 1980 : Derrière lui Marie Claude Vaillant Couturier pose une main sur son épaule. Devant lui René Aondetto). En 1980, il quitte sa résidence « Les Plantes » route de la plaine à Saint-Michel Chef-Chef pour « Kerjeanne », également route de la Plaine à Saint-Michel Chef-Chef.
Eugène Charles est mort le 14 décembre 1996.
- Note 1 : Raymond Semat :« À partir de 1932 et jusqu’en 1935, le
Parti communiste le chargea de réorganiser la Région Atlantique. Raymond Semat
dirigea la 15e URU à Nantes (…). Il fut aussi secrétaire du syndicat
unitaire des Métaux et secrétaire de l’UL-CGTU de Nantes (…) Il appartenait
aussi au bureau fédéral de Loire-Inférieure du Parti communiste. À partir de
1935, il se consacra à son poste de secrétaire de la Fédération des Métaux et
prit part aux pourparlers nationaux qui devaient conduire à la réunification
syndicale » (in Le Maitron). - Note
2 : Gabriel Goudy est en 1936 secrétaire de l’Union locale CGT des
syndicats unifiés de Nantes, jusqu’en 1939. Résistant, déporté à Dachau,
il fut membre (pour la CGT) du premier comité départemental de la Résistance
puis député à l’Assemblée consultative provisoire en juillet 1945. - Note 3: 522 photos d’immatriculation des
« 45000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres
de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la
destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp
d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du
musée d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen
(ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Auschwitz)
à André
Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a
confiés.
Sources
- Lettres d’Emmanuel Michel au Patriote Résistant (1972).
- Correspondance (1979-1980)
- Questionnaire biographique rempli par Eugène Charles le 21 octobre 1987.
- Photo FNDIRP.
- Liste des 17 otages nantais
(transmise par M. Louis Oury). - Cassette enregistrée à Rambouillet chez Roger Arnould lors d’une rencontre entre des rescapés du convoi. Robert Gaillard y décrit les souffrances de son camarade, et parle de lui avec admiration, « un type formidable ».
Biographie rédigée en avril 2002 (complétée en 2009 et 2017) pour la deuxième exposition de l’AFMD de Nantes, par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005.
Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce blog) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette biographie.Pour compléter ou corriger cette biographie, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com