Raymond Chevallier à Auschwitz

Matricule « 45.368 » à Auschwitz

 Raymond Chevallier : né en 1894 à Hébécourt (Eure) ; domicilié à Puteaux (Seine) ; restaurateur ; CGT, communiste ; arrêté le 26 juin 1941 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 21 août 1942. 

Raymond Chevallier est né le 18 août 1894 au Hameau de La Pérelle, au domicile de ses parents, à Hébécourt
(Eure). Il habite 92 rue de Neuilly à Puteaux (ancien département de la Seine / Hauts-de-Seine) au moment de son arrestation. Raymond Chevallier et son épouse sont restaurateurs à cette période.
Il est le fils de Marie-Claire Danger, sans profession et d’Auguste, Ernest, Chevallier, 40 ans, cultivateur (propriétaire), son époux. Ses parents se sont mariés à Sainte-Marie-de Vatimésnil, à 18 km d’Hébécourt.

Lors du conseil de révision, Raymond Chevallier habite à Saint-Denis-le-Ferment (canton de Gisors). Il y travaille comme meunier. Son registre matricule militaire indique qu’il mesure 1m 79, a les cheveux châtain, les yeux marrons, le front haut, le nez rectiligne et le visage long. Il a un niveau
d’instruction « n°2 » pour l’armée (« sait lire et écrire »). Conscrit de la classe 1914, à la déclaration de guerre, il est mobilisé le 1er septembre 1914 et incorporé au 11è Régiment de cuirassiers où il arrive le 4. Le 8 octobre 1914 il passe au 74ème régiment d’infanterie.

Le village de Souchez en 1915

Pendant l’offensive de l’Artois, il est blessé à l’omoplate droite par éclat d’obus au nord d’Arras le samedi 26 juin 1915 au village d’Aix-Noulette (près de Souchez, Pas-de-Calais). Il est cité à l’ordre du jour du régiment le 30 juillet 1915. Il sera après- guerre classé « service auxiliaire » pour la réserve de l’armée à la suite de cette blessure (en 1923, il en a des séquelles (pleurite traumatique de la base droite) et sera pensionné à 10%). Sorti de l’hôpital, il passe au 119è régiment d’infanterie le 15 mars 1916. Il est évacué « des armées » (le front) pour maladie le 28 septembre 1916.
Le 6 octobre 1917 à Hébécourt, Raymond Chevallier épouse Marguerite, Hyacinthe, Augustine Tournant. Elle est née le 19 mai 1896 à Hébécourt (elle décède à Asnières le 1er octobre 1973). Raymond Chavallier retourne au dépôt du 119è régiment d’infanterie le 20 mars 1918. Il passe au 8 è Régiment de cuirassiers le 15 avril 1918. Le 22 juin 1918, la commission de réforme de Tours le déclare « inapte à pied » mais « apte à cheval ». Le 24 juillet il passe alors au 109è Régiment d’artillerie lourde. Puis au 105è RAL le 29 septembre 1918. Transféré ensuite au 113è RAL le 8 octobre 1918. Il terminera enfin au 16è régiment d’artillerie de campagne le 16 mai 1919. Il est démobilisé le 4 septembre 1919, et « se retire » rue de la Gabelle à Mantes.
Fin décembre 1921, le couple a déménagé au 45, rue Dunois à Paris 13è. En juillet 1922, ils sont revenus à Hébécourt.
Le couple Chevallier a un fils, René, qui naît en 1923.

Rue de Neuilly à Puteaux

En novembre 1927, ils habitent au 92, rue de Neuilly à Puteaux. En 1928, Raymond Chevallier s’inscrit sur les listes électorales de Puteaux. Profession indiquée : commerçant.
Raymond Chevallier est sans affectation en mars 1939 pour la réserve de l’armée (blessure et il est passé dans la classe 1912, car il est père d’un enfant).
Membre du parti Communiste, il a aussi des responsabilités à la Confédération du petit commerce et de l’artisanat (CGT).

Le vendredi 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Un premier  détachement  allemand  occupe  la mairie de Nanterre et l’état-major  s’y  installe. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Liste des militants communistes internés à Compiègne / montage à partir du début de la liste © Pierre Cardon

Il est arrêté le 26 juin 1941 par la police française « sur dénonciation établie à la mairie de Puteaux, avec une trentaine de militants communistes et syndicalistes (…) » (article de 1958 du journal de la section communiste). En tout état de cause, qu’il s’agisse ou nom d’une dénonciation, Raymond Chevallier est connu des Renseignements généraux, et la liste des Renseignements généraux répertoriant les communistes internés administrativement le 26 juin 1941, mentionne pour Raymond Chevallier : « Meneur particulièrement actif ».  
Cette arrestation a lieu dans le cadre de la grande rafle commencée le 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique. Sous le nom « d’Aktion Theoderich», les Allemands arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française.
D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht et qui ce jour là devient un camp de détention des “ennemis actifs du Reich”. Il y est enregistré à son arrivée sous le numéro matricule « 406 ».
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Raymond Chevallier est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45368 ».

Sa photo d’immatriculation (1) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Raymond Chevallier meurt à Auschwitz le 21 août 1942 d’après les registres du camp. L’état-civil de Puteaux porte le 15 septembre 1942 comme date de décès. Cette date est fictive. En effet, pour établir les pensions aux familles, et dans l’ignorance des dates précises, les services français d’Etat Civil ou les ACVG, ont souvent fixé des dates fictives dans les années qui ont suivi la guerre (le jour du départ, le 1° du mois, le 15, le 30, le 31).

Raymond Chevallier est homologué (GR 16 P 127597) au titre de la Résistance intérieure française (RIF) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance.
Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué. Son nom figure sur le monument aux Martyrs de la résistance (Puteaux, 1970). L’association Nationale des anciens FFI-FTP l’a proposé pour la médaille commémorative, remise le 14 juillet 1949. En mai 1970, son nom est gravé sur le monument à la mémoire des Martyrs de la Résistance (mai 1970).
Une cellule du PCF portait encore son nom dans les années 1970-1991.

  • Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz.
    A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Plaquette mai 1981, « La Résistance à Puteaux, Juin 1940 à Août 1944″. Témoignages vécus et recueillis par Jean Nennig,
  • M. Philippe Buyle, historien (février 1991).
  • Mlle Chabot, archiviste (juin 88 et février 1991).
  • Témoignage de Mme Marie-Louise Pairiere, veuve de Lucien Pairiere, un des « 45000 » de Puteaux, juillet 72.
  • Témoignage d’Emile Bouchacourt, un des rescapés du convoi.
  • Archives municipales de Puteaux (88, 91). Avis de décès avril 92.
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national du Bureau des archives des conflits contemporains (BACC), Ministère de la Défense, Caen. Juin 92.
  • ©  Carte postale 1915, mairie de Souchez. 
  • Photo rue de Neuilly. © ville de Puteaux.
  • © Etat civil et Registres matricules militaires de l’Eure et de Seine-Maritime.

Notice biographique rédigée en novembre 2007 (complétée en 2016,  2019 et 2022) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) .  Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com    

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