Matricule « 45 552 » à Auschwitz

Maurice Foubert Photo © Marie Louise Foubert
Maurice Foubert Photo © Marie Louise Foubert
Maurice Foubert : né en 1904 à Gisors (Eure) ; domicilié à La Garenne Colombes (Seine) ; électricien ; communiste ; arrêté le 27 juin 1941 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 18 septembre 1942.

Maurice Foubert est né le 15 septembre 1904 à Gisors (Eure).
Il habite au 17 avenue Augustine à La Garenne Colombes (ancien département de la Seine / Hauts-de-Seine) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie, Augustine Vigreux, 20 ans, ouvrière de fabrique, habitant au 24, rue du faubourg de Neaufles à Gisors. Il est reconnu et légitimé par le mariage de sa mère avec Lucien, Emile Foubert, le 27 mai 1905.
En 1923, il est secrétaire à l’Éducation du groupe des Jeunesses communistes de Courbevoie (Seine / Hauts-de-Seine). Il est dès lors surveillé par la police. Il travaille comme tourneur.

Le 9 février 1924, à Courbevoie, Maurice Foubert épouse Georgette Percebois (Henriette, Marie) : elle est blanchisseuse, née le 3 août 1904 à Boulogne (Seine). Le couple habite chez les parents de Maurice Foubert, au 22, rue Danton, à Courbevoie.
Ils auront un garçon, Robert,  qui naît en 1930.
Conscrit de la classe 1924, Maurice Foubert appelé au service militaire est incorporé le 14 septembre 1924 au 94è Régiment d’infanterie à Bar-le-Duc. Il est rendu à la vie civile le 31 octobre 1925, et va habiter au 100, rue Jules-Ferry à la Garenne-Colombes, où son épouse est concierge.
En 1927, il est membre du Comité des groupes artistiques de la région parisienne.
En 1929, il travaille comme monteur TSF aux établissements Pathé à Chatou (Seine-et-Oise / Yvelines). Cette année là, il est secrétaire de la cellule 139 (7è rayon de la région parisienne du Parti communiste) section de la Garenne-Colombes / Colombes. Son camarade Albert Fouquet, qui sera également déporté à Auschwitz en est lui aussi adhérent.
Son épouse Georgette décède le 6 mars 1937.
Devenu veuf, Maurice Foubert vit maritalement avec Marie-Louise (dite « Nanou ») Lassiaz,. Elle est infirmière, née le 6 octobre 1906 à Albertville (Savoie), mère de deux enfants. Elle est divorcée de Jean-Louis Gumery ( elle a été domiciliée au 89, boulevard National à La Garenne).
De 1930 à  septembre 1939, Maurice Foubert travaille comme monteur en électricité TSF à la Coopérative ouvrière de TSF à Paris, au 31, rue Doudeauville (Paris 18è) et au 192, rue Lafayette, de 1930 à 1939. Selon l’attestation de Marcel Lebas (en 1971), maire adjoint communiste de Clichy la Garenne à la Libération, qui fut le président-directeur de cette coopérative avant sa spoliation par les allemands, Maurice Foubert y a été vendeur radio. Marcel Lebas précisait que la société ayant été spoliée par les allemands, la comptabilité avait été emportée par eux, et son témoignage concernant les dates d’embauche de Maurice Foubert se basait sur son seul souvenir.

En tandem avec Marie-Louise Photo © Marie Louise Foubert
Maurice Foubert en 1939 devant la Coop. Photo © Marie Louise Foubert

Sportif, il fait du tandem pendant ses loisirs avec sa compagne Marie-Louise Lassiaz et deux couples d’amis, dont Georges Suzanne.
Il a parmi ses autres amis « 
le Grand Stef’, qui travaille avec lui à la coopérative ouvrière de TSF : il mesure au moins 1,80 m et sa femme est dentiste au Vésinet » (Georges Suzanne).
Joueur de football passionné (« une passion au cœur, une maîtresse que tu aurais du mal à vaincre, je crois même que tu n’y es jamais arrivée… »), il est membre du Club Sportif du Travail des Cheminots de La Garenne, affilié à la FSGT.

Les trois enfants en 1939

Leurs trois enfants sont photographiés ensemble en 1939 lors d’une fête du club FSGT des cheminots.

Devant la Coop au 192, rue Lafayette Photo © Marie Louise Foubert

Militant communiste, il sonorisait les fêtes du Parti communiste, en particulier la fête de l’Humanité à Garches (souvenirs de Marcel Lebas).

En avril 1939, le couple habite au 17, avenue Augustine à La Garenne-Colombes, « une petite maison » écrit-il dans son cahier de Compiègne.
A la veille de la guerre, Maurice Foubert épouse Marie-Louise le 16 mai 1939 à la mairie de La Garenne Colombes. Il déclara alors être monteur en télégraphie sans fil. Un des deux témoins est Stéphane Marc, démonstrateur en TSF, domicilié au Vésinet (« le grand Steph »).
Mobilisé à la déclaration de guerre en 1939, Maurice Foubert est démobilisé le 8 août 1940.et rendu à la vie civile.

Le vendredi 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Un premier  détachement  allemand  occupe  la mairie de Nanterre et l’état-major  s’y  installe. La nuit du  14 au 15 juin, de nombreuses troupes allemandes arrivent à Nanterre et sans s’adresser à la municipalité, occupent maisons et villas de plusieurs quartiers.
En ce début de l’été 1940,  l’effectif  des  troupes  d’occupation à Nanterre s’élève par moments à 3500 hommes et près de deux cents officiers.
Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

A la pêche en 1941 à Bettancourt Photo © Marie Louise Foubert

Dès sa démobilisation, il cache des armes. La poursuite de ses activités clandestines est suspectée et entraîne 2 arrestations, qui ne sont pas suivies d’internements.

Partie de pêche avec Marie Louise à Bettancourt, 1941

Après sa démobilisation, comme il l’écrit dans les premières pages de son cahier de Compiègne, « alors que nous recommencions nos sorties, nos parties de pêche, on est venu m’arrêter. »

En effet, le 27 juin 1941, après perquisition à son domicile par le commissaire de police de Courbevoie, il est arrêté avec plusieurs cheminots de La Garenne, et Camille Renaudie, d’Asnières.
Selon son épouse, les policiers n’ont pas trouvé ce jour là « le matériel de propagande et les armes cachées dans la salamandre et le buffet« .

Cette arrestation a lieu dans le cadre de la grande rafle commencée le 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique. Sous le nom «d’Aktion Theoderich», les Allemands arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française.

Extrait de la liste des RG du 27 juin 1941, montage à partir du début de la liste, Pierre Cardon

La liste des Renseignements généraux répertoriant les communistes internés administrativement le 27 juin 1941, mentionne pour Maurice Foubert  : « Meneur particulièrement actif ».

D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht et qui ce jour là devient un camp de détention des “ennemis actifs du Reich”.
Il est remis le jour même aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp de Royallieu à Compiègne, le 27 juin 1941. Sa femme a pu le voir à Compiègne.

Cahier de Maurice Foubert

Maurice Foubert y tient un cahier du 27 juin 1941 jusqu’à la veille de sa déportation.
Ce sont 97 pages dans lesquelles il raconte à sa femme les événements du camp. Les premières pages de ce cahier sont très personnelles et concernent leur vie commune, leur rencontre, leurs trois enfants, et sa passion pour le football.

La solidarité organisée par les communistes ne s’appliquait pas uniquement aux internés du « camp politique ». Elle s’est aussi exercée à l’égard des mille Juifs du camp C.
La situation déplorable du camp juif inquiétait les communistes . Maurice Foubert écrit : « L’état d’esprit n’y était pas bon ; un climat de peur et de désespoir tendait à y prévaloir (…). Nous fîmes passer quelques vivres, des encouragements, des informations, des témoignages de solidarité. (…) Quand vint le jour de Carnaval, nous organisâmes une grande mascarade mais, comme par hasard, nous nous arrangeâmes pour qu’elle se déroule au fond de la cour, sous les fenêtres du camp juif. Les détenus de ce camp, d’abord surpris, goûtèrent fort le divertissement ; ils se pressaient aux fenêtres et applaudissaient. Quant aux Allemands, ils mirent une heure avant de s’apercevoir que nous nous jouions d’eux et que nous tournions en dérision l’interdiction d’avoir des rapports avec les Juifs ; quand ils intervinrent pour nous disperser, la fête était finie ».

Ce défilé est décrit par Maurice Foubert à la date du dimanche 15 mars 1942.
Douze jours plus tard, la quasi-totalité des internés Juifs était déportée à Auschwitz.

Le 22 juin 1942, il relate l’évasion de 19 responsables communistes, dont il croit qu’ils sont 18. « aujourd’hui il y a eu un grand branle-bas dans le camp. 18 se sont évadés. Ils avaient creusé un souterrain. Ils avaient dû lire « Monte Cristo ». aussi nous sommes restés longtemps au soleil et j’étais mal fichu ».
Lire : 22 juin 1942 : évasion de 19 internés.
Le 24 juin il relate dans son cahier le bombardement du camp consécutif à l’évasion des 19. Il est le seul parmi les nombreux témoignages d’internés du camp à avoir pensé qu’il s’agissait d’un avion anglais, tous les autres pensant qu’il s’agissait de représailles  allemandes à l’évasion.
Lire dans le site des extrais de son témoignage : Le bombardement du camp de Compiègne dans la nuit du 23 au 24 juin 1942.

Depuis le camp de Compiègne, Maurice Foubert est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45 552 ».

Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Maurice Foubert meurt à Auschwitz le 18 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 300 et lesite internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau). Il est regrettable que l’arrêté ministériel du 7 avril 2009 portant apposition de la mention Mort en déportation sur les actes de décès de Maurice Foubert, paru au Journal Officiel du 24 juin 2009, porte la mention erronée « décédé le 12 août  1942 à Auschwitz (Pologne) ». Le ministère devrait désormais prendre en compte les archives du camp d’Auschwitz emportées par les Soviétiques en 1945, et qui sont accessibles depuis 1995 (certificats de décès de l’état civil d’Auschwitz, documents officiels allemands, établis par les médecins du camp d’Auschwitz, à la mort d’un détenu) et les informations consultables sur le site internet du © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau.

Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué (n° 1175 15715) le 12 janvier 1963.
Son nom est inscrit sur le monument aux morts de la commune.

Sources

  • les photos confiées à la FNDIRP par Marie Louise Foubert

    Lettre de sa veuve, du 31 mai 1973. Toutes les photos communiquées par sa veuve ont été reproduites par le service photographique de la FNDIRP. Roger Arnould, alors son archiviste, me les as transmises.

  • M. le Dr Catrin, Maire de la Garenne (13 juillet 1988).
  • Attestation de Marcel Lebas, président-directeur de la Coopérative de TSF, (ancien adjoint au maire de Clichy de 1944 à 1947) le 21 octobre 1971. Mon mari et moi l’avons bien connu, ainsi que son épouse Nelly.
  • « Résistance communiste, 27 juillet 48 ».
  • Photocopies du Cahier tenu au camp de Compiègne (extraits parus dans mon livre « Mille Otages pour Auschwitz« ).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC) Ministère de la Défense, Caen.
  • Archives de la Préfecture de police de Paris. Renseignements généraux, Liste des militants communistes internés le 26 juin 1941.

Notice biographique rédigée en novembre 2005 (complétée en 2016,  2019 et 2021) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par l’association « Mémoire vive » et la municipalité de Gennevilliers.  Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette biographie. Pour compléter ou corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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