Matricule « 46 100 » à Auschwitz Rescapé
André Seigneur : né en 1909 à St-Augustin (Seine-et-Marne) ; domicilié à Paris 16ème ; journaliste, permanent communiste ; marchand forain ; résistant arrêté le 30 octobre 1941 ; interné à aux camps de Rouillé et Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, Flossenbürg ; rescapé ; décédé le 12 novembre 1987
André Seigneur est né le 15 janvier 1909 à St-Augustin, près de Coulommiers (Seine-et-Marne). Il est domicilié au 71 Avenue Paul Doumer à Paris 16ème au moment de son arrestation. Il est le fils de Cécile, Rose Hervillard 20 ans, sans profession et d’Albert Seigneur, charcutier son époux. Ils sont domiciliés à Brie Comte-Robert. Titulaire du certificat d’études, puis bachelier, il est secrétaire sténo-dactylographe de profession avant guerre.
Conscrit de la classe 1929, il s’engage pour quatre ans en 1927 dans l’Infanterie coloniale (matricule 8001). Il a le grade de sergent à la fin de son engagement.
En 1931, il adhère au Parti communiste. Membre de la cellule du 9è arrondissement, André Seigneur collabore aux «Cahiers du bolchevisme» dès 1932 et y publie de nombreux articles jusqu’en 1938.
Le 5 septembre 1932, il est condamné à deux mois de prison et 200 F d’amende pour violence à agents. A la suite de cette condamnation, il est cassé de son grade de sergent en 1933.
Permanent (« fonctionnaire » selon la dénomination allemande) du Parti communiste, il a des activités qui concernent la « propagande et un peu aussi organisation et éducation » (1)
Il est secrétaire permanent du « Secours Rouge International » qui devient le Secours Populaire au milieu des années trente. Il est membre du « Secours Ouvrier ».
Il est en 1935, un des secrétaires avec Julien Racamond et G. Gauthier, du comité Thaëlmann (Comité de libération Thaëlmann et de toutes les victimes du fascisme. Premiers présidents du comité : Georges Sadoul ; le professeur Langevin, André Malraux).
En juin 1937, après le bombardement de la ville basque de Bilbao, il devient secrétaire du Comité Bilbao, dont le président est Paul Vaillant-Couturier. Il collabore également à la revue de l’association de Tourisme populaire « Partir ».
Domicilié au 68, rue des Martyrs à Paris 18è André Seigneur épouse le 13 février 1937 Marie, Madeleine (dite Lily) Dutilleul une des deux filles d’Emile Dutilleul, député communiste de la cinquième circonscription de Saint-Denis (Asnières, Gennevilliers, Villeneuve et Bois-Colombes) qui fut par la suite le trésorier du Parti communiste clandestin. Lily Dutilleul, dactylo, est née le 8 septembre 1918 à Paris 10è. Elle habite au 12 rue de l’Abreuvoir. En 1941, au moment de l’arrestation de son père, le journal collaborationniste Gringoire la qualifiera de « petite brune potelée ».
A partir de leur mariage et jusqu’au début de 1939, le couple Seigneur habite au 72, rue de Nanterre à Asnières, au domicile d’Emile Dutilleul. André Seigneur est inscrit sur les listes électorales d’Asnières en 1938 (profession : journaliste).
André Seigneur est nommé administrateur de la Société « La Marseillaise » qui va produire avec l’équipe de « Ciné Libertés » et la CGT, le film « La Marseillaise » de Jean Renoir. Il est remplacé à cette fonction par Louis Joly, rédacteur à la Vie Ouvrière.
S’il n’a jamais été membre du Comité central, ni participé à l’élaboration de la ligne politique de l’ex-Parti communiste, il dit : « j’ai assisté, toutefois, à plusieurs reprises aux réunions du Comité central » (1).
À partir de janvier 1939, « pour des raisons que j’estime ne pas avoir à communiquer, je n’ai plus eu aucune responsabilité, ni au Parti, ni dans les organisations ou entreprises que celui-ci pouvait contrôler » (1). Son épouse déclarera au moment de son arrestation qu’il s’agissait d’un désaccord avec la ligne politique. En tout état de cause, André Seigneur a publiquement manifesté son désaccord avec la signature, le 23 août 1939, du Pacte de non agression germano-soviétique.
Depuis cette période et jusqu’à sa mobilisation, André Seigneur vit le premier trimestre de 1939 chez son beau-père, alors député communiste, au 72 rue de Nanterre à Asnières, et par la suite chez son frère René, au 25, bis rue Érard (Paris 12ème). « Durant cette période, j’ai vécu sur mes économies d’une part et de l’hospitalité des membres de ma famille
(1) ».
Le samedi 2 septembre 1939, tous les hommes âgés de 20 à 48 ans sont mobilisés. André Seigneur, mobilisé
comme deuxième classe, est affecté le 18 septembre au 484è régiment de Pionniers coloniaux (les anciennes troupes de Marine), mis sur pied à Brest en septembre 1939 et déployé dans la Meuse (secteur de la 3ème Armée), puis en Champagne (6è Armée). En juin 1940 le 484è se replie sur la Seine, l’Yonne, le Cher et la Vienne (in bulletin Symboles & Tradition n° 140).
Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Après sa démobilisation, avec le grade de caporal, le 10 août 1940, commence pour André Seigneur une période d’activités clandestines.
En effet, s’il a quitté officiellement le Parti communiste en 1939, il va après sa démobilisation, reprendre des activités pour le Parti communiste clandestin. Ces activités clandestines vont être dissimulées par des « couvertures » commerciales, permettant de multiplier les déplacements en province, d’avoir plusieurs planques et des moyens financiers « officiels ». Activités que les « Brigades spéciales » vont subodorer, en le filant ainsi que ses employés et son épouse.
André Seigneur est inscrit au registre du Commerce de la Seine le 1er décembre 1941 comme marchand forain (comme propriétaire-gérant et rédacteur en chef du mensuel L’Informateur forain, un bi-mensuel créé en 1935). Il sera ensuite négociant en pâtes alimentaires.
C’est ce qui ressort de ses déclarations à la police au moment de son arrestation (interrogatoire 1) et la compartimentation de ses activités, sa rupture affichée avec son épouse ne permettront aux Brigades spéciales des renseignements généraux que d’avancer seulement des hypothèses d’activités clandestines.
Les déclarations de Lily Seigneur lors de son interrogatoire le 1er novembre 1941, visent totalement à exonérer son mari de toute activité politique depuis sa « rupture avec le PCF », allant d’ailleurs jusqu’à affirmer : « j’ai eu un moment l’intention de décider mon mari à reprendre dans l’illégalité son activité primitive. Sans lui faire part de ma démarche, j’ai demandé à mon père de me donner un avis à ce sujet. Mon père m’a déclaré qu’il ne voyait pas la nécessité de confier à mon mari une tâche quelconque. Depuis son retour après sa démobilisation, mon mari a surtout été préoccupé de trouver du travail et de subvenir aux besoins nombreux de notre famille (…).Toutes les ressources de mon mari lui viennent exclusivement des bénéfices qu’il a réalisés dans son négoce de pâtes alimentaires ».
André Seigneur présente le même discours : « J’étais de retour à Paris le 12 août 1940. Jusqu’en avril 1941, j’ai habité en compagnie de ma femme un logement au 10, rue Félix Faure à Asnières, loué par elle en janvier 1940, quelques temps après le départ de son père, sans qu’aucune relation de cause à effet puisse être établie entre le départ de Dutilleul et la prise de ce logement » (interrogatoire 1).
En 1941, André Seigneur est devenu négociant en pâtes alimentaires. Il est en relation d’affaires avec M. D., propriétaire de la « Société des pâtes fermières » au 32, rue de Paris à Clichy, pour lequel il effectue des achats en gros.
Pour les besoins de cette activité, André Seigneur va employer les services d’un comptable (qu’il dit ne connaître que sous le nom de « Christian », mais dont il dira plus tard qu’il savait qu’il était sympathisant du Front populaire), qui a monté une petite société avec des collègues comptables au 87, rue Taitbout (Paris 9è), immeuble où celui-ci lui a signalé qu’il y avait un bureau disponible, qu’André Seigneur va louer (interrogatoire 1).
Il emploie également comme secrétaire ou représentant, Robert Ligneul, qui reconnaîtra avoir été « secrétaire des jeunesses communistes du 9è arrondissement, de 1936 à la dissolution » (interrogatoire 2), lequel dira qu’il a rencontré Seigneur à Clichy, parce qu’au chômage, il avait eu l’idée de vendre des pâtes alimentaires sur les marchés et avait alors contacté la « Société des pâtes fermières » à Clichy (Seine). N’ayant pu réussir à vivre de cette activité foraine, André Seigneur l’aurait pris en sympathie et l’aurait embauché en juin 1941 comme secrétaire. On lira dans le blog la biographie de cet ancien normalien, militant communiste chevronné, qui sera déporté lui aussi à Auschwitz (note 5). André Seigneur emploie aussi un deuxième secrétaire, Jean-Jacques Y. ami d’enfance de son épouse Lily, un ex-représentant en parfums.
Pendant les mois de juillet et d’août 1941, André Seigneur loge au 20,rue Chauchat (Paris 9è) dans l’appartement de Madame Marie V. vendeuse aux Galeries Lafayette, dont il avait connu le mari aux « amis de l’URSS » (Paul V… est alors prisonnier en Allemagne).
A la mi-octobre les services de la Brigade spéciale des Renseignements généraux, BS 1 sont informés « qu’au cours d’une de ses permissions en 1940, André Seigneur aurait repris de l’activité au sein du Parti communiste clandestin, et remplirait actuellement les fonctions occultes de responsable du 8è arrondissement, et qu’il tiendrait des conciliabules au café situé à l’angle de la rue de La Pépinière et de la place Saint-Augustin ». Quatre inspecteurs organisent des « filatures et surveillances à son égard et auprès des personnes avec qui il est en relation ». Les rapports de police font état qu’André Seigneur a de fréquents contacts et de multiples rendez-vous, notamment avec trois hommes possédant chacun une automobile.
Rapidement les inspecteurs de la B.S.1 constatent que son train de vie laisse penser à des activités suspectes.
Notant que le « somptueux » appartement de la rue Paul Doumer est mis au nom de la maîtresse affichée de Seigneur, Madame L., ils soulignent que « malgré qu’il prenne soin de faire croire qu’il est définitivement séparé de sa femme, il entretenait avec elle des relations suivies et la rencontrait fréquemment dans des cafés ou restaurants toujours différents et subvenait à ses besoins, ainsi qu’à ceux de la famille Dutilleul ». Ils relèvent en outre que Lily Seigneur, censée habiter Nevers « habitait en fait un hôtel de second ordre (l’hôtel « Excelsior », au 4, rue de Lancry (Paris 10è), en compagnie de la fille T., qu’elle présentait comme sa sœur et sous le nom de laquelle elle était inscrite sur le livre de police ». Ils notent également « bien que ses ressources soient communes avec celles de Seigneur, elle passait pour être dans une situation pécuniaire difficile ». Ils ont également recoupé les antécédents politiques de Paul V. dont l’épouse est hébergée par les époux L. (Henriette et André) et ceux du mari, André L., tous deux anciens militants des « amis de l’URSS ».
Lors des filatures de Robert Ligneul, les inspecteurs ont constaté qu’il rencontrait André Seigneur pour de longs et fréquents entretien, au cours de rendez-vous fixés au « Princess restaurant » rue de Londres, à la brasserie « La Pépinière » place Saint-Augustin, au tabac « Saint Augustin » situé à la place du même nom, au café « Le Madrigal » aux Champs Elysées. Ils ont également noté que Lily Seigneur a présenté son mari à Jean-Jacques Y […] sous le nom de Leroy.
« il venu prendre des nouvelles de mon mari. Démobilisé il est revenu me voir. C’est ainsi qu’il a fait la connaissance de mon amie Nicole L… » in interrogatoire de Marie V… (3). Celle-ci serait devenue sa maîtresse – (interrogatoire de Madame L. 4).
Marie V., qui est logée depuis un an par les époux L. au 165, rue de Pelleport, prête son appartement à son amie et à André Seigneur.
André Seigneur lui a confié une serviette en cuir foncé contenant des papiers et documents relatifs à son activité politique antérieure à 1939 (interrogatoire 4).
André Seigneur décide – en accord avec son épouse Lily – de louer à Paris un appartement : « en attendant, nous somme allés habiter en hôtel, au 31, rue Godot-de-Mauroy » (Paris 9è).
Il loue ce nouvel appartement du 71, avenue Paul-Doumer sous son nom le 21 juin 1941. Puis il le fera mettre ultérieurement au nom de celle qui se présentera comme sa maîtresse, Henriette, Rose L.(4), masseuse faciale à l’institut de beauté Élisabeth Arden, place Vendôme, épouse d’André L., directeur commercial d’une firme de confection de vêtements.
En septembre 1941, « en raison de son état de santé », Lily Seigneur part un mois à Nevers, où habitent sa tante et une cousine, mesdames Suzanne T… et V…. « A son retour au début octobre, elle est venue habiter quelques temps dans notre nouveau logement, 71 avenue Paul-Doumer » (interrogatoire 1).Jean-Jacques Y., vient fréquemment dans l’appartement de l’avenue Paul Doumer pour y suivre les travaux d’aménagement. André Seigneur loue également une chambre de bonne au 8è étage du même immeuble, qui lui sert de bureau, aménagée avec un divan à deux places et une bibliothèque contenant des classeurs.
Quand André Seigneur apprend l’arrestation de son beau-père, Émile Dutilleul, il fait part à Robert Ligneul de sa crainte d’avoir des ennuis.
Le 30 octobre 1941, à 7 heures du matin, quatre inspecteurs de la BS1 appréhendent André Seigneur (sous le nom de Gaston Leroy) au 71, avenue Paul-Doumer, après l’avoir recherché en vain le 28 octobre au 10, rue Félix-Faure, à Asnières.
Lire dans le site La Brigade Spéciale des Renseignements généraux.
Après un premier interrogatoire, ils le mettent, le 1er novembre, à disposition du commissaire David, chef du service des Renseignements généraux. Ils ont également arrêté Madeleine Seigneur, la cousine de celle-ci, Suzanne T., et Robert Ligneul. Marie V., Jean-Jacques Y., et André L, seront également entendus.
Au cours de ses interrogatoires André Seigneur affirmera n’avoir participé à l’activité communiste clandestine depuis sa démobilisation, « ni directement, ni indirectement ».
Il déclare « vivre des ressources que m’ont laissé mes activités de marchand forain et de négociant en pâtes alimentaires. La somme de 106.5000 francs, que j’avais en ma possession au moment de mon interpellation constitue la totalité de mon argent liquide. Je possède en outre une somme d’environ 450.000 francs que j’ai confiée au titre d’avance sur marchandises à M. D. propriétaire de la Société des Pâtes fermières (…).
Les documents saisis au cours des perquisitions opérées et les déclarations des personnes interpellées ne permettent pas aux inspecteurs d’établir la preuve formelle d’une activité communiste clandestine. À la suite des auditions, six personnes sont relaxées : son épouse, la cousine de celle-ci, les époux L., Marie V. et son deuxième secrétaire.
Lily Seigneur continuera cependant d’être filée, comme le prouve une « note blanche » (donc ultérieure, non datée et non signée) la concernant (note 6) et dont la conclusion est : « nous nous trouvons peut-être en face d’une organisation clandestine, dont le but inavoué serait : soit la répartition de capitaux destinés à la propagande communiste, soit à la propagande elle-même et ceci pour la France entière. Il est probable que les fréquents déplacements de son mari et le désir certain de tenir secrets les buts de ses déplacements, impliquent que ce dernier serait en contact avec cette officine et servirait d’agent de liaison entre les différents centres communistes ».
André Seigneur est envoyé au Dépôt le 2 novembre 1941 « en vue de son acheminement en camp de concentration » (comprendre en camp d’internement français).
Ce même jour, le Préfet de police de Paris signe l’arrêté ordonnant l’internement administratif d’André Seigneur et de Robert Ligneul, à la demande de la BS.1.
Ils sont conduits au dépôt de la Préfecture de police et transférés au Camp de Rouillé le 10 novembre 1941 (7).
Le 14 novembre 1941, après l’arrestation d’Emile Dutilleul et d’André Seigneur, le journal collaborationniste « Gringoire » publie un article sur « La famille Dutilleul », sur ses filles (l’une mariée à un communiste allemand, l’autre « une petite brune potelée mariée à un certain André Seigneur ») et glose sur la vie « large et exempte de soucis de Seigneur ». «Seigneur fait partie de toutes les organisations où l’or de Moscou arrive par vagues successives et ininterrompues »…
Le 13 décembre 1941, un haut fonctionnaire de la Sûreté allemande aux Armées se présente à la délégation de la police nationale : il désire entendre André Seigneur dans les plus brefs délais dans une affaire de marché noir concernant des
ressortissants français et allemands et sollicite son transfert de Rouillé à la prison de la Santé, section des internés français, étant donné que la Sûreté allemande suppose que Seigneur pourrait faire des révélations utiles à ce sujet. André Seigneur est donc transféré à la Santé, puis ramené à Rouillé.
Le 20 avril 1942, son nom est inscrit sur une des 2 listes de 36 et 20 otages envoyés par les services des districts militaires d’Angers et Dijon au Militärbefehlshaber in Frankreich (MbF), à la suite de l’attentat contre le train militaire 906 à Caen (lire dans le site) Le double déraillement de Moult-Argences et les otages du Calvados (avril-mai 1942), et suite au télégramme du MBF daté du 18 avril 1942. Le Lieutenant-Général à Angers suggère de fusiller les otages dans l’ordre indiqué (extraits XLV-33 / C.D.J.C). Les noms de cinq militants qui seront déportés avec André Seigneur à Auschwitz figurent également sur ces 2 listes (Alfonse Braud, Jacques Hirtz, André Flageolet, Alain Le Lay, René Paillole).
Le 9 mai 1942, André Seigneur aurait adressé (ce qu’il niera après la Libération) une demande de libération au Préfet de la Vienne, lettre qui restera sans suite en 1942.
Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au commandant du camp de Rouillé (7) une liste de 187 internés qui doivent être transférés au
camp allemand de Compiègne (le Frontstallag 122). Le nom d’André Seigneur (n°68 de la liste) y figure. Le 22 mai 1942 c’est au sein d’un groupe de 168 internés qu’il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122). La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
A Compiègne, pourtant « otage fusillable » comme tous les internés, il est tenu en suspicion par ses camarades communistes en raison de sa rupture officielle avec le Parti communiste.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, André Seigneur est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
André Seigneur est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 46 100 ».
Il est interrogé à Auschwitz 1 par le bureau de la Gestapo du camp (Politische Abteilung).
Il est affecté à l’infirmerie comme aide-soignant, hormis la période pendant laquelle il est en quarantaine au Block 11 (entre le 14 août 1943 et le 12 décembre 1943) avec la quasi totalité des détenus politiques français du camp d’Auschwitz.
Lire l’article du site « les 45000 au block 11.), et jusqu’au 28 août 1944.
Dès 1944, devant l'avancée des armées soviétiques, les SS commencent à ramener vers le centre de l’Allemagne les déportés des camps à l’Est du Reich, dont Auschwitz. Les premiers transferts de "45.000" ont lieu en février 1944 et ne concernent que six d’entre eux. Quatre-vingt-neuf autres "45 000" sont transférés au cours de l'été 1944, dans trois camps situés plus à l'Ouest - Flossenbürg, Sachsenhausen, Gross-Rosen - en trois groupes, composés initialement de trente "45 000" sur la base de leurs numéros matricules à Auschwitz. Une trentaine de "45 000" restent à Auschwitz jusqu'en janvier 1945. Lire dans le site : "les itinéraires suivis par les survivants".
A cette date, il est transféré à Flossenbürg en Haute-Bavière (il y est enregistré le 31 août 1944 sous le matricule « 19.898 », « venant d’Auschwitz ») avec 29 autres « 45.000 ».
C’est un camp de « nouvelle génération » où les déportés extraient le granit destiné aux plans colossaux de constructions nazies. Le camp à partir de 1943 travaille pour l’avionneur Messerschmitt. André Seigneur est affecté au Block 7 selon un petit mot en Français au dos d’une fiche « était encore en vie quelques jous avant la libération. Etait du Block 7). Sur sa fiche ont été cochées les rubriques : correspondance, dossier médical et état des effets.
Le camp est libéré le 23 avril 1945 par le 2è régiment de Cavalerie U.S.
Il regagne la France, via Longuyon, le 31 mai 1945.
Lire dans le site, « les itinéraires suivis par les survivants ».
Il est homologué comme « Déporté politique » le 15 décembre 1952. Le titre de « Déporté Résistant », lui est refusé, malgré les témoignages d’André Castillon et Marius Lesoeur, dont le contenu « ne constitue pas un acte de résistance à l’ennemi » selon le ministère.
En juin 1941, selon ses déclarations, André Seigneur serait entré en contact avec le réseau « Mithridate » du mouvement de Résistance « France au combat ».
André Castillon, chevalier de la Légion d’honneur, croix de guerre, médaillé de la Résistance Française écrit : « il est entré au service de la Résistance française, mouvement « France au combat », secteur 18, en juin 1941,… contacté par moi ». « Numéro « 1374 ». Chargé de faciliter l’évasion de soldats alliés et de patriotes pourchassés par les autorités allemandes (…). Il devait prendre livraison ce jour même (30 octobre) d’un important paquet de journaux clandestins et de tracts ».
Activité que confirme M. Marius Lesoeur, combattant volontaire de la Résistance (réseau NNB, « France combattante ») : monsieur Seigneur André (Leroy) (…) a travaillé à mes côtés dans la Résistance, particulièrement dans l’édition et la diffusion de tracts anti allemands (imprimés à l’établissement JN. Ascione, 18, rue Léopold Bellan à Paris 2è), jusqu’à son arrestation (…) ».
Il apparaît également que c’est sa demande de libération à Rouillé le 9 mai 1942 qui aurait fait obstacle à son homologation, quoiqu’il en ait nié la paternité.
D’après le témoignage de Georges Marin, après guerre il avait côtoyé André Malraux, qu’il avait connu lorsqu’il était l’un des secrétaires du Comité Thaëlmann, et Malraux, un des présidents.
André Seigneur est séparé de corps (décision de résidence séparée) d’avec Madeleine Dutilleul par jugement du tribunal de grande instance du 17 décembre 1965. Un acte notarié (RC. 75/40 étude notariale J. Lacourte et associés) fait état d’une réconciliation le 6 février 1975, confirmée par le tribunal de grande instance de Paris le 28 novembre 1975.
André Seigneur meurt le 12 novembre 1987, à Paris dans le 20è arrondissement.
Lily Dutilleul-Seigneur est décédée le 7 juillet 1993 en Avignon.
Sources
- Nombreux témoignages de rescapés du convoi : Gabriel Lejard (cassette et lettre), Victor Louarn, Henri Peiffer, Georges Marin, André Montagne.
- Liste de détenus transférés du camp de Rouillé vers celui de Compiègne en mai 1942. Archives du Centre de documentation juive contemporaine : XLI-42).
- Attestation d’André Castillon (Réseau Mithridate) chef responsable du mouvement «France au combat», secteur 18.
- Dossier « statut » des archives du DAVCC (Division des archives des victimes des conflits contemporains), Ministère de la Défense, Caen.
- Attestation de M. Lesoeur sur l’impression de tracts au 18 rue Léopold Bellan à Paris 2ème.
- Certificat d’André Rolet ex-agent des services spéciaux de renseignement.
- Etat civil de la Mairie de Saint-Augustin.
- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom. tome 41, p.211.
- Préfecture de Police de Paris, archives des Brigades spéciales.
- Documents du centre Arolsen
Notice biographique rédigée en novembre 2007 (installée en 2011, complétée en 2016 et 2017) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
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