Henri Delamotte  en 1941 avant son arrestation (photocopie)

 

Henri Delamotte : né en 1895 à Paris (12ème) ; domicilié à Charmoy-par-Ormes (Loiret) ; charpentier ; militant communiste ; gérant du journal "Le Travailleur" ; arrêté le 4 juillet 1941 ; interné à Compiègne ; déporté à Auschwitz où il meurt le 19 septembre 1942

Henri Delamotte (surnommé Riton) est né le 13 avril 1895 à Paris (XIIème). Il habite à Charmoy par Ormes (Loiret) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Félicienne Delamotte, 32 ans, papetière. Leur mère étant seule, il est élevé, avec son frère Henri, par des religieuses. Henri Delamotte accomplit son « Tour de France » comme apprenti charpentier, avant de se fixer à Ormes (Loiret). Renseignements recueillis au téléphone par Marguerite Cardon avec Gérard Delamotte, petit-fils d’Henri Delamotte juillet 1990) .
Charpentier, il est employé à Bricy (Loiret).
Pendant la Première guerre mondiale, il est affecté au 14ème bataillon de chasseurs à pied le 15 décembre 1914, puis à un bataillon de chasseurs alpins le 17 février 1915.
Blessé le 22 juin 1916 à l’épaule et à la cheville gauche devant Verdun, il est évacué. Il est à nouveau blessé au bras gauche par éclats au combat d’obus au combat de Sommelans. Parti en Italie le 1er novembre 1917 puis rentré en France, il rejoint les armées le 8 avril 1918. Il est évacué blessé le 21 juillet 1918. Placé en formation sanitaire le 24 août 1918.
Henri Delamotte est nommé sergent pour fait d’armes, et reçoit la médaille militaire : « il s’est porté au secours de son sergent entouré d’un groupe d’ennemis en se lançant sur la tranchée allemande » (citation). Il est décoré de la Croix de guerre, avec étoile de bronze. A sa démobilisation, Henri Delamotte habite Paris passage Courtois (XIIIème).
Le 15 novembre 1919, il épouse à Villeneuve-sur-Yonne Suzanne Montillon, âgée de 17 ans elle est née à Charmoy par Ormes (Loiret) le 26 novembre 1901. Le couple aura trois enfants dont Georges et Marcel.
De retour à Ormes, Henri Delamotte devient secrétaire de la cellule communiste d’Ormes. Il est également délégué syndical.

Procès  octobre 1938r« .
Journal du Loiret 24 février 1939

En juin 1935, Henri Delamotte devient gérant de l’hebdomadaire communiste de l’Orléanais « Le Travailleur.  En mai 1938, comme gérant du journal communiste, il est condamné en appel à 50 F d’amende et 200 F de dommages et intérêts conjointement avec M. Bourgoin, trésorier du syndicat agricole d’Ouzouer-le-Marché pour « avoir odieusement calomnié l’honorable M. Bellier » comme le rapporte Le Journal du Loiret du 9 octobre 1938. Henri Delamotte était condamné en outre aux mêmes peines pour diffamation envers la maison Dessaux. Lors du jugement appel du 8 octobre 1938, le tribunal le condamne ainsi que Bourgoin à 1000 F de dommages et intérêts à payer à M. Bellier et 1500 F à la maison Dessaux.

« Le Travailleur » et son gérant Henri Delamotte sont à nouveau condamnés par le Tribunal d’Orléans, suite à la plainte de « l’honorable M. De Chambrure, directeur de « L’Argus de la presse » (Journal du Loiret du 24 février 1939). Condamnation à 50 F d’amende et 500 F de dommages-intérêts « un procès qui va coûter cher au diffamateur » commente le Journal du Loiret.
« Rappelé à l’activité militaire » le 28 août 1939, Henri Delamotte rejoint le 51ème régiment régional d’infanterie (4ème compagnie). Il est démobilisé le 28 octobre 1939 en exécution d’un télégramme du 39 EMA du 24 octobre 1939.

Orléans après les bombardements allemands de juin 1940

Le 14 juin 1940, la Wehrmacht défile à Paris, sur les Champs-Élysées. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 16 juin Orléans est occupé après de violents bombardements. La moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le 22 juin 1940, l’armistice est signé : la moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le pays est coupé en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée et celle administrée par Vichy. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Attestation du Front National (12 décembre 1947)

« Durant l’Occupation, il fut membre de notre organisation dans ce département dès sa constitution. Son premier rôle fut le regroupement des personnes manifestant des opinions anti-allemandes, créant ainsi les noyaux de notre mouvement. Il leur distribuait le matériel de propagande, tracts et brochures appelant à la lutte contre l’oppresseur » (certificat de Louis Peron, responsable du Front National (1) du Loiret pendant la clandestinité, le 12 déc. 47).

Henri Delamotte est arrêté le 4 juillet 1941, peu après André Gaullier, Maurice Graffin et Roger Pinault (tous les trois seront internés à Chateaubriand, puis Compiègne puis déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942).
Le 17 avril 1941, la gendarmerie mène une enquête à la suite de distributions de tracts communistes.

Témoignage de Jean Lamy

Son camarade Jean Lamy assiste à son arrestation, sur son lieu de travail à Bricy : « Le 4 juillet 1941, vers dix heures du matin, mon camarade fut prévenu par un civil français d’avoir à se rendre à la Gauleitung (dans un bureau allemand de district) pour mettre à jour son laissez-passer. Une demi heure après, mon camarade est accompagné cette fois d’un sous-officier allemand.
Malgré cette surveillance, Henri Delamotte a eu le temps de prévenir son fils Georges qui travaillait non loin de là, de se rendre au plus vite chez lui pour détruire des papiers compromettants. Il vint ensuite à moi me dire qu’il espérait revenir bientôt et qu’il était arrêté pour ses opinions politiques. 

Fiche allemande du 7 août 1941

Malheureusement je ne pourrais pas reconnaître le civil français qui vint chercher Henri Delamotte pour la première fois » (témoignage du 2 mai 1946 au commissariat de police d’Argentan). Selon les témoignages recueillis par son petit-fils, il aurait été dénoncé par des gens du village.
Henri Delamotte est interné à la prison d’Orléans.
Il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne, le 16 juillet 1941 (c.f. photo de la fiche du 7 août 1941), en vue de sa déportation comme otage.
Il y reçoit le matricule n°1279. Depuis le camp de Compiègne, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, voir les deux articles du site :
La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942)  et «une déportation d’otages».
Dans sa lettre lancée du train, Raymond Gaudry signale la présence d’Henri Delamotte dans le convoi.

Depuis le camp de Compiègne, Henri Delamotte est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunescommunistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personne l d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation à Auschwitz n’est pas connu. Le numéro « 45438 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) et signalé comme incertain, correspond à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Cette reconstitution n’a pu aboutir en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il serait donc hasardeux de maintenir ce numéro en l’absence de nouvelles preuves.

Lire le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Henri Delamotte meurt le 19 septembre 1942 à l’infirmerie d’Auschwitz d’après son certificat de décès établi au camp p

Dessin de Franz Reisz, 1946

our le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 218).
Lire dans le site
Les dates de décès à Auschwitz.
Le 11 octobre 1950) il est homologué comme sergent au titre de la Résistance intérieure française (RIF) comme appartenant au « Front National pour la libération et l’indépendance de la France ».

Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué le 15 février 1954, puis le titre de « Déporté Résistant » (incertain). Il a été déclaré « Mort pour la France« .

Homologation comme Sergent dans la RIF

Le Centre de formation professionnelle pour adultes d’Orléans, rue Eugène Vignat, a porté son nom. Lors du déplacement du centre au château  de l’Archette, la plaque et le nom ont disparu.

Carte de Déporté politique avec la photo de sa veuve

Son petit-fils a effectué des démarches pour que la plaque et le nom du centre soient restitués.

  • Note 1 : Cette organisation de résistance est créée en mai 1941 sous le nom de « Front national pour la liberté et l’indépendance de la France » par le Parti communiste clandestin afin de rassembler en plus de ses militants déjà engagés dans la Résistance, d’autres résistants non communistes.  Dans la zone Sud, il porte le nom de « Front National pour la Libération de la France ». Ce mouvement était le plus souvent désigné sous son nom abrégé de « Front National », qui n’a rien à voir, bien évidemment, avec le parti politique d’extrême-droite créé en 1971, devenu le RN.

Sources

  • Mairies d’Ingré et d’Ormes (1991).
  • Communication téléphonique de Marguerite Cardon avec son petit-fils, Gérard Delamotte : C’est le questionnaire biographique (contribution à l’histoire de la déportation du convoi du 6 juillet 1942), envoyé aux mairies, associations et familles au début de mes recherches, en 1987), transmis par sa mairie, qui lui a fait connaître la déportation de son grand-père. Il a cherché ses traces, et rempli le questionnaire le 1er septembre 1990.
  • Lettre de Gérard Delamotte (2 juin 1992) qui contient une photo d’avant-guerre, et la carte de déporté gardée par Suzanne Delamotte jusqu’à son décès.
  • Documents rassemblés par Gérard Delamotte (27 octobre 1992) : Etats de service durant la guerre 14/18 ; certificats et notifications (appartenance RIF – Front National)
  • Témoignage d’André Gaullier (15 mai 1975).
  • Attestation de Jean Lamy (2 mai 46) concernant l’arrestation d’Henri Delamotte
  • Internement à Compiègne : Avis daté du 7 août 41.
  • Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom. Tome 24, page 240.
  • « Ceux du groupe Chanzy ». André Chène (Librairie Nouvelle, Orléans 1964, brochure éditée par la Fédération du Loiret du Parti communiste.
  • Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Division (ou Pôle) des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel).
  • DAVCC (Archives de Caen du ministère de la Défense) : « Liste communiquée par M. Van de Laar, mission néerlandaise de Recherche à Paris le 29.6.1948« , établie à partir des déclarations de décès du camp d’Auschwitz (N°31811 et N°84).
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).

Notice biographique rédigée en novembre 2007, complétée en 2018 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com   

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