Georges Maratrat : né en 1888 à Montreuillon (Nièvre) ; domicilié à Gien et Niort ; employé des postes ; communiste ; arrêté en juillet 1941, libéré après 3 semaines ; arrêté le 6 février 1942 ; Interné au camp de Mérignac, puis au Fort du Hâ, puis au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 27 août 1942.
André, Georges Maratrat (dit Georges) est né le 15 mars 1888 à Montreuillon (Nièvre), à quelques kilomètres de Nevers. Il habite Niort (Deux-Sèvres) au moment de son arrestation.
II est le fils de Marie Simon, 21 ans et de Jean Maratrat, 27 ans, facteur rural, son époux.
Georges Maratrat est employé des PTT. Il a passé la majeure partie de sa vie professionnelle et militante à Gien (Loiret), mais il est muté d’office à Niort en décembre 1939, où il habite au moment de son arrestation.
Georges Maratrat s’engage dès ses 18 ans dans le mouvement syndical et au Parti socialiste.
Il anime la grève des postiers en 1909 et est révoqué à deux reprises.
Conscrit de la classe 1908, son registre matricule militaire indique qu’il habite alors à Paris 17è et travaille comme commis des Postes et télégraphes.
Il mesure 1m 77, a les cheveux et sourcils blonds, les yeux gris, le front carré, le nez convexe, la bouche petite, le menton rond, le visage allongé.
Il a un niveau d’instruction « n° 4 » pour l’armée (a obtenu le Brevet de l’enseignement primaire).
Georges Maratrat est appelé pour effectuer son service militaire le 8 octobre 1909. Il est incorporé comme 2è canonnier au 8è Bataillon d’artillerie à pied le même jour. Le 1er mars 1910, il passe au 8è Régiment d’artillerie à pied basé à Nancy. Il est « envoyé dans la disponibilité » le 24 septembre 1911, « certificat de bonne conduite accordé ». Il « se retire » à Montreuillon (Nièvre). Il est classé dans la réserve de l’armée active « comme commis des Télégraphes de la Seine à Corbeil » (décembre 1911).
Le 19 mai 1912, il épouse Marie, Victorine, Gabrielle (dite Gabrielle) Lebeau, receveuse des Postes (Gabrielle militera au Parti communiste et à la CGTU. Elle meurt en juin 1930). Le couple a un fils, Jean (il entrera dans la Résistance et fera partie d’un maquis à la fin de la guerre) et une fille, Jeanne, sa cadette, née le 31 janvier 1917 à Paris 14è (épouse Lepicier, elle est décédée à Pais le 5 juillet 2013).
Georges Maratrat est « rappelé à l’activité » militaire le 2 août 1914 conformément au décret de mobilisation générale du 1er août 1914. Mais il est « provisoirement mis à la disposition des Télégraphes de la Seine ».
Le 6 décembre 1915 il est « remis à la disposition de l’autorité militaire » et affecté au 8è Régiment du Génie où il arrive le même jour. Il sera « aux armées » du 2 février 1916 jusqu’à l’armistice (CD, campagne double). Et dans la « zone des armées » du 12 novembre 1918 au 5 février 1919 (CS, campagne simple).
Du 1er février 1916 au 21 avril 1917, Georges Maratrat est versé dans le « détachement des sapeurs manipulants » groupe B (aux armées), un des groupements télégraphistes du 8è Génie. Il est « sapeur, Hughiste et Baudoitiste » (manipulant les appareils de télégraphie Hughes et Baudot). « Après la bataille de la Marne, tous les détachements
de sapeurs manipulants du 8è Génie se consacrent à l’établissement des lignes téléphoniques que nécessite la guerre de position »… « Disséminé en petits détachements qui suivent dans leurs mouvements incessants leur Corps d’Armée, leur Division, leur Groupe d’artillerie, leur escadrille d’aviation, formant aussi de puissantes compagnies télégraphiques d’Armée dont le travail durable s’étend sur de larges secteurs, le 8è Régiment du Génie est partout, sur tous les fronts, à toutes les époques de la campagne » (in historique du 8è Génie, BNF Gallica).
Georges Maratrat passe au groupe C du 22 avril 1917 au 19 janvier 1918. Il est à nouveau au groupe B du 20 janvier 1918 au 25 juillet. Puis au groupe C de cette date au 16 septembre 1918. A cette date il passe au groupe D. Il est affecté au poste central de Paris (16 février 1919). Il est envoyé en congé de démobilisation le 23 mars 1919 par le 1er Régiment du Génie.
Il « se retire » au 29, rue Rousselet à Paris 7è.
Selon Le Maitron, dictionnaire du mouvement ouvrier, Georges Maratrat devient, après sa démobilisation, le secrétaire de la section syndicale du central télégraphique de Paris et adhère au Parti communiste dès le congrès de Tours (décembre 1920).
Le 4 août 1919, il est nommé « Affecté spécial »(AS) comme commis des PTT à Paris au titre de la réserve de l’armée active.
Pour l’armée, il est nommé « pour les mêmes fonctions » (AS) à Gien (Loiret) le 17 septembre 1920.
En février 1922, il habite à La Bussière (à 14 km de Gien). Il est « réclamé affecté spécial au titre de l’administration des Télégraphes » (avis du recrutement d’Orléans le 5 juillet 1922) et il est « secrétaire de 2è classe, poste militaire à Gien » décembre 1924).
En décembre 1927, le couple habite Gien. Puis il déménage et habite à l’hôtel de la Poste à Poilly-lez-Gien (Loiret).
Georges Maratrat assure le secrétariat de l’Union locale CGTU de Gien en 1923. « Maratrat siège au Comité Fédéral (départemental) communiste en 1926, assure le secrétariat du sous-rayon de Gien en 1928 et du rayon en 1932 (sept cellules, et vingt-six adhérents)… Le Parti communiste le présente à de nombreuses élections dans la circonscription de Gien (Loiret).
Aux élections législatives, candidat du Bloc Ouvrier et Paysan, comme le 22 avril 1928 ses résultats restent faibles (553 voix, 3,5 % des inscrits) mais indiquent un progrès par rapport aux 388 voix de 1924.
Le premier mai 1932 le score se maintient à 560 voix (3,6 %) et Georges Maratrat doit attendre le scrutin du 26 avril 1936 pour enregistrer une nette progression : 1 082 voix (7,1 %). Il est également candidat au Conseil général dans le canton de Gien en octobre 1937. Il indique dans sa profession de foi aux législatives de 1928 : « Au régiment comme pendant la guerre, sa lutte contre le militarisme lui
vaut de nombreuses sanctions » (Le Maitron).
Devenu veuf en 1930, Georges Maratrat se remarie à Poilly-Les-Gien (Loiret) le 16 janvier 1933 avec Cécile, Henriette Mallet.
Le couple a une fille, Claude, qui naît le 28 août 1933 à Poilly-lez-Gien (elle est décédée le 30 juin 1993).
En août 1939, il est à nouveau candidat pour une élection partielle (il tient un meeting le 6 juillet à Gien avec Prosper Moquet, député de Paris).
En septembre 1939, il est mis en demeure par son administration de quitter son poste de contrôleur des Postes de Gien et d’accepter une mutation, sinon il sera mis à la retraite d’office. Sa fille ayant 6 ans, il ne peut pas se permettre de ne plus travailler et il opte pour la mutation. Il est muté à Niort (Deux-Sèvres) en décembre 1939, où il habite au moment de son arrestation.
Le 14 juin 1940, l’armée allemande entre par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cessant d’être la capitale du pays et devenant le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne et les départements voisins les jours suivants. Le 22 juin, l’armistice est signé.
L’armée allemande arrive le 23 juin 1940 à La Rochelle, puis à Bouhet vers le 25 juin depuis Marans et Niort. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
C’est à Niort qu’il est arrêté en juillet 1941. Il est libéré 3 semaines après.
Son directeur lui conseille alors de demander à être nommé en zone libre. Ce qu’il fait.
Mais le 5 février 1942, André Maratrat est arrêté une deuxième fois, toujours à Niort, par la police française. Gardé au commissariat quelques jours, il est interné pendant un mois environ au camp de Mérignac (Gironde), d’où lui parvient l’annonce officieuse de sa nomination à Limoges.
«Aussitôt mon père est transféré au Fort du Hâ (Bordeaux). Pendant un mois plus de nouvelles. Puis une carte libellée en allemand envoyée en juillet 1942 demande de ne plus écrire, d’attendre pour le faire d’avoir eu des nouvelles. D’après des rumeurs nous avons appris le départ en masse le 6 juillet 42 de Compiègne» écrit sa fille aînée.
Il a été remis aux autorités allemandes à leur demande.
Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), en mai ou juin 1942 en vue de sa déportation comme otage.
«La nomination officielle de mon père à Limoges a été envoyée à Compiègne pour qu’il la signe, ceci très peu de temps avant son départ pour l’Allemagne» (Jeanne Lepicier).
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Georges Maratrat est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation à Auschwitz n’est pas connu. Le numéro «45827»
figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz. De plus, la photo du déporté portant ce numéro matricule prise à Auschwitz lors de la séance d’immatriculation le 8 juillet 1942, n’a pas été retrouvée et la comparaison avec la photo de Georges Maratrat n’est donc pas possible.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks. On ignore dans quel camp il est affecté à cette date.
Georges Maratrat meurt à Auschwitz le 27 août 1942 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 776).
Il est déclaré « Mort pour la France » (cote AC 21 P 82625) et homologué « Déporté politique » (il est homologué (SHD Dossier de résistant GR 16 P 390816) au titre des Forces Françaises Combattantes (FFC) constituées des agents des réseaux de renseignement, d’action et d’évasion, au titre des Forces Française de l’Intérieur (FFI) et des DIR (Déportés et Internés Résistants), comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance .
« Pour les droits de l’obtention à pension de veuve de guerre, ma belle-mère a eu beaucoup de difficultés : elle a dû réunir dix signatures sur l’honneur de personnes l’ayant connu. Finalement mon père a été déclaré décédé en septembre 1942 à Auschwitz par le tribunal civil de Niort en 1947″.
Cette date n’a pas pu être modifiée par l’arrêté du 27 décembre 1993 paru au J.O. portant apposition de la mention «Mort en déportation» sur son acte de décès. Il serait souhaitable que le ministère corrige ces dates fictives qui furent apposées dans les années d’après guerre sur les état civils, afin de donner accès aux titres et pensions aux familles des déportés. Cette démarche est rendue possible depuis la parution de l’ouvrage « Death Books from Auschwitz » publié par les historiens polonais du Musée d’Auschwitz en 1995.
Lire dans le site Les dates de décès à Auschwitz.
Son nom est honoré à Niort (plaque dans l’hôtel des Postes), sur le monument aux morts de Poilly-Les-Gien (Loiret)et sur le livre d’Or des « Membres des fédérations du Loiret du Parti Communiste Français et des Jeunesses Communistes tombés pour que vive la France » (« Ceux du groupe Chanzy » d’André Chêne – pages 143 à 145).
Sources
- Témoignage écrit de sa fille aînée, madame Jeanne Lepicier, rencontrée par André Montagne en 1985.
- Archives en ligne du Loiret.
- Photo d’identité de Georges Maratrat fournie par sa fille aînée Jeanne, agrandissement FNDIRP.
- Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Fichier national de la Division des Archives des Victimes des Conflits Contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel).
- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom. Tome 35.
- © Registres matricules militaires de l’Yonne .
- Photo de sapeurs télégraphistes in © « les voyageurs du temps ».
- Mail de son petit-fils M. Joan Sauret, concernant Jean et Jeanne Maratrat (février 2017).
- Plaque de la Poste de Niort © Serge Fazilleau.
Notice biographique rédigée par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6
juillet 1942», Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Installée sur le site en 2010, complétée en 2018. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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