Gaston Letondu : né en 1898 à Orléans (Loiret) ; domicilié à Joué-les-Tours (Indre-et-Loire) ; cheminot ; communiste ; arrêté dans le 10 février 1942 comme otage communiste ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 11 octobre 1942
Gaston Letondu est né le 3 février 1898 à Orléans (Loiret) au domicile de ses parents, 27, rue de la Bourie Rouge.
Il habite au 88, boulevard Jean Jaurès à Joué-les-Tours (Indre-et-Loire) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Philippine Mauperlier, 29 ans et de Pierre, François Letondu, 33 ans, surveillant de travaux à la Compagnie d’Orléans (chemins de fer), son époux. Ses parents se sont mariés à Guéret (Creuse). Son père décède en 1909.
Gaston Letondu est cheminot aux ateliers SNCF de Saint-Pierre-des-Corps (Indre-et-Loire).
Son registre matricule militaire indique qu’il habite Orléans et qu’il est chaudronnier au Paris-Orléans (chemins de fer). Il mesure 1m 69, a les cheveux châtains foncés, les yeux marrons, le front moyen vertical, le nez vexe moyen et le visage ovale, les oreilles décollées. Il a un niveau d’instruction « n°3 » pour l’armée (sait lire, écrire et compter, instruction primaire développée).
Conscrit de la classe 1918, il est mobilisé par anticipation en 1917, comme tous les jeunes hommes de sa classe depuis la déclaration de guerre.
Il est mobilisé le 18 avril 1917 au 5è régiment de Génie où il arrive le jour même. Ce régiment est composé de spécialistes des métiers des chemins de fer (unité des sapeurs de chemin de fer). Sapeur de 2è classe. Son unité est chargée de réparer les destructions opérées par les allemands après l’offensive de la Somme. Il part « aux armées » le 4 avril 1918, pour le nœud ferroviaire d’Amis, qu’il s’agit de remettre en état. Après l’Armistice, les 5è et 6è compagnies du 5è Génie sont détachées à l’armée d’Orient.
Gaston Letondu embarque à Bordeaux le 10 mars 1919, et débarque à Casablanca (Maroc) le 15. (comptabilisation des services pour l’armée d’Orient : du 7 mars 1919 au 9 février 1920). Il est au Maroc occidental à partir du 24 octobre 1919 jusqu’à son rapatriement. Le 4 novembre 1919, Gaston Letondu est nommé maître-ouvrier. Le 9 février 1920, il rentre en France. Le 20 mai suivant, il est renvoyé dans ses foyers et passe officiellement dans la Réserve de l’armée le 15 juin.
Il est titulaire de la médaille commémorative française de la Grande guerre et de la médaille interalliée dite de la Victoire.
Dès le 21 mai 1920, Gaston Letondu retrouve un poste à la compagnie des chemins de fer Paris-Orléans (le P.O. fusionnera avec d’autres compagnies privées pour constituer la SNCF en 1938).
Gaston Letondu épouse Raymonde, Geneviève Marc le 21 décembre 1920 à St Pryvé-Saint-Mesmin (Loiret). Le couple aura un enfant.
En octobre 1921, il habite au 5, rue des Sept Dormants, à Orléans. Un an plus tard, il déménage au 4, rue de l’Écu-d’Or. En février 1925, il est domicilié au 12, rue de Joie à Fleury-les-Aubrais (Loiret). En 1927, il est honoré, avec un de ses camarades, par l’association fraternelle des employés et ouvriers des chemins de fer français.
On sait, grâce à son registre matricule militaire qu’il effectue un certain nombre de séjours en Algérie et au Maroc.
Il s’agit vraisemblablement de déplacements professionnels pour le P.O (1). Le 16 janvier 1930, Gaston Letondu est logé à Kouba (Algérie) chez Monsieur Consola, villa Sabine.
Le 5 juillet 1931, il est classé dans « l’Affectation spéciale » pour la réserve de l’armée active au titre des chemins de fer Paris-Orléans. Il en est rayé en octobre de la même année et passe dans la subdivision militaire du Maroc « par changement de domicile ».
Le 13 octobre 1931, il est à Meknès (Maroc) 5, villa de Tanger (groupe B « quartier 11 Tanger »).
Le 1er février 1933, il est revenu à son adresse de Fleury-les-Aubrais. Fin novembre 1934, il est domicilié au 73 (ménage n° 89), boulevard Jean Jaurès à Joué-les-Tours (Indre-et-Loire).
Le couple héberge la mère de son épouse, Rosa Bréchenier (née en 1869).
Il est ouvrier chaudronnier aux ateliers SNCF de Tours. Puis ils habitent au n° 88, (ménage 110) Boulevard Jean Jaurès.
Le 1er octobre 1938, le « Cheminot du Sud-Ouest », organe des syndicats des travailleurs du Sud-Ouest publie la liste des candidats cheminots du Sud Ouest. Gaston Letondu est candidat suppléant aux élections de délégués du personnel pour la 32ème catégorie « service matériel et traction » au dépôt de Tours.
Gaston Letondu est adhérent au Parti communiste à Joué-les-Tours.
Entre le 10 et le 13 juin 1940, Tours est la capitale provisoire de la République.
Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. la moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Une partie du centre de la Tours est totalement détruite par des obus incendiaires allemands les 20 et 22 juin. La Wehrmacht entre dans Tours le 21 juin 1940. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). L’Indre-et-Loire fait partie des 13 départements dont le territoire est partagé par une « ligne de démarcation », en deux zones : une zone occupée par les Allemands et une zone « non occupée » dite libre, sous l’autorité du régime de Vichy. Dès juillet 1940, un commandement militaire est installé en Indre-et-Loire.
Gaston Letondu est arrêté le 10 février 1942 au matin, avec son camarade Hilaire Seguin, par la police allemande, à la suite de la mort d’une sentinelle allemande, rue du Hallebardier à Tours (Lire dans le site : 37- Indre et Loire L’attentat de la rue du Hallebardier à Tours (janvier 1942).
50 otages sont désignés (40 Juifs et 10 communistes). A Tours, les otages communistes sont enfermés à la caserne du 501ème RCC au champ de Mars. Ils sont dirigés le 17 avril 1942 vers le camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) en vue de leur déportation comme otages.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Gaston Letondu est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation à Auschwitz, reçu le 8 juillet 1942, n’est pas connu. Le numéro matricule « 45790 ?? » figurant avec deux points d’interrogation dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules, qui n’a pu aboutir en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. De plus, la photo du déporté portant ce numéro matricule prise à Auschwitz lors de la séance d’immatriculation le 8 juillet 1942, n’a pas été retrouvée, aucune comparaison avec sa photo d’avant-guerre n’est donc possible.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.
Gaston Letondu meurt à Auschwitz le 11 octobre 1942 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 714). Stanislaw Tamowsky a rapporté les dernières paroles de Gaston Letondu : « je ne regrette que deux choses : ma femme et mon Parti« .
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
Sa fiche d’état civil établie en France après la Libération porte toujours la mention «décédé le 20 octobre 1942 à Auschwitz». Il serait souhaitable que le ministère corrige ces dates fictives qui furent apposées dans les années d’après guerre sur les état civils, afin de donner accès aux titres et pensions aux familles des déportés. Cette démarche est rendue possible depuis la parution de l’ouvrage « Death Books from Auschwitz » publié par les historiens polonais du Musée d’Auschwitz en 1995. Lire dans le site Les dates de décès à Auschwitz.
Dans la « Voix du Peuple » du 19 mai 1945 qui rend hommage à 9 déportés-et-Loire, Jean Mazein le père de Jacques Mazein signe un appel à « venger nos morts», où il dénonce l’indulgence à l’égard de Pétain, maréchal Félon, « qui doit être jugé par un tribunal du peuple et mourir comme un traître sous les balles d’un peloton d’exécution ».
Gaston Letondu a été déclaré « Mort pour la France » (27 octobre 1980).
Sa mémoire est honorée sur le site internet de la fédération du PCF de Touraine.
Son nom, inscrit sur le monument aux morts de la commune, est également honoré inscrit sur la stèle commémorative du square de la Résistance (aux Moriers, à l’angle de la rue des Martyrs et de l’Avenue du Général de Gaulle) :« A la mémoire des Jocondiens morts en déportation 1940-1945″ – « Résistants, politiques, juifs déportés au nom des lois de l’Allemagne nazie et de celles de la France de Vichy » – La stèle a été dévoilée en mai 2011.
Note 1 : pour l’Algérie l’affermage de l’exploitation des lignes situées à l’ouest d’Alger est réalisé par le PLM. Pour le Maroc, la mise en valeur du réseau ferré du Protectorat est effectuée par la Compagnie des Chemins de fer du Maroc, composée de la Compagnie marocaine, du PLM et du Paris-Orléans.
Source
- Photocopie d’une photo de Gaston Letondu envoyée par © Robert Guérineau en 1988 à Gabriel Lejard, qui
me l’a transmise. - © Etat civil et Registres matricules militaires du Loiret.
- Témoignage de Stanislaw Tamowski (1980)
- Lettre de Camille Lafoucrière (1980), secrétaire du Comité de Libération des cheminots ( St Pierre des Corps (37)
- Journaux locaux 1942 et 1945.
- Acte de naissance (1980) et acte de décès (1980).
- Journaux locaux 1942 et 1945 (sources Robert Guérineau).
- Enquêtes de Robert Guerineau (1980) et Jean-Claude Guillon (1980), (bibliothécaire retraité, membre de l’Institut CGT d’histoire sociale en région centre, collaborateur du Maitron).
- Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel consulté en 1991 et juillet 1992).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
Notice biographique rédigée en octobre 2010 – complétée en 2016, 2017, 2021 et 2024 – par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de « Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 » », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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