Matricule « 45 952 » à Auschwitz
Louis Paul : né en 1899 à Saint Samson-la-Poterie (Oise) ; domicilié à Breuil-le-Vert (Oise) ; cheminot ; communiste ; arrêté le 21 octobre 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, mort à Flossenbürg le 9 janvier 1945.
Louis Paul, dit « le petit Paul », est né le 15 décembre 1899 à Saint Samson-la-Poterie (Oise). Il habite à Breuil-le-Vert (Oise) près de Clermont-sur-Oise, au 7, Rue Saint Germer, au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie Dérichez, 22 ans, ouvrière opticienne, et de Louis, François Paul, potier, son époux. Sa mère l’a reconnu le 10 janvier 1900, et il a été légitimé lors du mariage de ses parents le 21 janvier 1905. Il a deux sœurs et un frère cadets (Paule, Louise née Dérichez en 1901, Blanche née Paul en 1907 et Arsène, né Paul en 1908).
Louis Paul est « courtier-receveur » et habite à Neufchatel-en-Bray (Seine-Inférieure / Seine-Maritime) au moment du Conseil de révision. Son registre matricule militaire nous apprend qu’il mesure 1m 62, a les cheveux bruns, les yeux gris, le nez rectiligne, le visage ovale. Il possède un niveau d’instruction n° 3 (possède une instruction primaire supérieure). Conscrit de la classe 1919, Louis Paul est mobilisé par anticipation en 1918, comme tous les jeunes hommes de sa classe depuis la déclaration de guerre. Il est appelé sous les drapeaux le 16 avril 1918 et incorporé le 19 avril au 51ème Régiment d’Infanterie. Il passe au 128ème Régiment d’Infanterie le 30 août 1918. Il repasse au 51ème Régiment d’Infanterie le 1er juin 1919.
Louis Paul se marie le 8 novembre 1919 à Breuil-le-Vert avec Germaine, Jeanne, Roger. Elle est infirmière. Le couple aura deux 2 enfants (tous deux mariés en 1945), Robert, né en 1920 et Denise, née en 1922. Il est « renvoyé dans ses foyers » le 21 mars 1921, certificat de bonne conduite accordé « en attendant son passage dans la réserve de l’armée active » (le 15 avril 1921). Il se retire à Breuil-le-Vert (Oise) à quelques kilomètres de Montataire.
En octobre 1922 il habite Beauvais, au 4 bis rue Saint-Lazare. Le 27 février 1923, Louis Paul est embauché comme apprenti à la 3e division de la Compagnie des Chemins de fer du Nord et travaille comme homme d’équipe à Creil. Il est « commissionné » (embauché comme titulaire) à la compagnie en 1924, mais il est rayé des cadres en juillet 1925.
En février 1924, il revient à Breuil-le-Vert. En octobre 1935, il habite au hameau de Giencourt dans ce bourg. Selon le Maitron, il est livreur ou cheminot. Il est en fait métallurgiste, responsable CGT aux Forges de Montataire (Oise) et en 1938 il est secrétaire du Conseil Syndical des Forges, le plus important du département. Il est « rappelé à l’activité » le 28 septembre 1938 en vertu de l’article
40 de la loi du 31 mars 1928 (périodes militaires). Affecté au CM (Centre Mobilisateur) du Train n°2, il arrive au corps le 28 septembre et est renvoyé dans ses foyers le 1eroctobre 1938. Le 20 janvier 1939, il est classé comme « Affecté Spécial » aux Forges de Montataire comme manœuvre ajusteur.
Louis Paul avait été élu conseiller municipal communiste de Breuil-le-Vert en 1935 : il est déchu de son mandat en 1940 « pour son appartenance au Parti communiste« .
Dès le début juin 1940, l’Oise est envahie par les troupes de la Wehrmacht. Nombre de villes et villages sont incendiés ou dévastés par les bombardements. Département riche en ressources agricoles, industrielles et humaines l’Oise va être pillé par les troupes d’Occupation. Ce sont les Allemands qui disposent du pouvoir réel et les autorités administratives françaises seront jusqu’à la Libération au service de l’occupant (Françoise Leclère-Rosenzweig, « L’Oise allemande »). Le 22 juin 1940, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ».
Paul Vacquier, nommé préfet de l’Oise par intérim le 22 mai 1940, au début de l’offensive allemande, cherche à partir de sa nomination définitive (5 septembre 1940) « à maintenir un semblant de souveraineté française à l’échelon local, ce qui lui vaut son départ en novembre 1942 » (in Françoise Leclère-Rosenzweig, « L’Oise allemande »). Ainsi, lorsque le chef de la Feldkommandantur 580 (le Major général Paul Genée) à Amiens insiste auprès de lui pour que la fiche qui été demandée à la Préfecture pour chaque interné pour activité communiste au Frontstalag 122, indique « son activité politique antérieure (très détaillée si possible), ainsi que les raisons qui militent pour ou contre sa prompte libération du camp d’internement », Paul Vacquier écrit au Ministre secrétaire d’État à l’Intérieur pour lui transmettre ses inquiétudes par rapport à cette demande : « Étant donné que parmi les internés du camp de Compiègne une vingtaine déjà ont été fusillés en représailles d’attentats commis contre les membres de l’armée d’occupation, il est à craindre que ces autorités aient l’intention de se servir de mon avis pour désigner de nouveaux otages parmi ceux pour lesquels j’aurais émis un avis défavorable à la libération. Me référant au procès-verbal de la conférence des préfets régionaux du 4 février 1942, qui précise “qu’en aucun cas les autorités françaises ne doivent, à la demande des autorités allemandes, procéder à des désignations d’otages”, j’ai l’honneur de vous prier de vouloir bien me donner vos directives sur la suite qu’il convient de réserver à la demande dont je suis saisi… ».
Louis Paul est arrêté le 12 septembre 1941 (ou le 13 selon Jean-Pierre Besse) en même temps que Marcel Duchemin et André Houdin. Il est remis à la Feldkommandantur 580 à la demande des autorités allemandes. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122).
Le 13 avril 1942, le commissaire principal aux renseignements généraux de Beauvais a transmis au Préfet Paul Vacquier 66 notices individuelles concernant des internés au Frontstalag 122 à Compiègne, que le Préfet transmet au Feldkommandant. Parmi eux 19 seront déportés à Auschwitz.
Le 13 mai, le Préfet de l’Oise demande au secrétaire d’État à l’Intérieur d’intervenir pour la libération de 24 « personnes non susceptibles d’être dangereuses ». Sur la notice concernant Louis Paul on lit : « Militant communiste. A toujours déployé une grande activité politique». Mais il semble que le Préfet n’ait transmis que des renseignements concernant l’état civil, la parenté et la situation matérielle ». Le 29 juin, le Préfet Paul Vacquier écrit à la Feldkommandantur 580 pour essayer d’obtenir la sortie du Frontstalag 122 de 64 ressortissants de l’Oise – dont Georges Hanse – au motif « qu’aucun fait matériel d’activité communiste n’a été relevé à leur encontre depuis l’arrivée des forces allemandes dans la région » , envisageant la possibilité d’interner certains d’entre eux « dans un camp de concentration français ». Son courrier restera sans réponse.
Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Louis Paul est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
L’entrée du camp d’AuschwitzLouis Paul est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45952 » selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz. Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver
de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
A Auschwitz, Roger Debarre, seul survivant de l’Aisne, signale sa présence au Block 11. « Avec notre pauvre groupe de 120 survivants. Louis Paul était attaché à sa famille et à son idéal ». Georges Gourdon rescapé de l’Oise a écrit avoir été en contact avec lui « jusque en août 1944« . Roger Debarre : « Nous sommes restés (à Auschwitz) près de 26 mois ensemble, puis nous avons été évacués à Flossenbürg, un camp encore terrible, surtout par son travail et le manque d’hygiène, et une extermination systématique par ces bandits du nazisme. Toujours avec un grand courage,
comme tous, il a essayé de résister, mais les conditions étant très dures, je le voyais tous les jours dépérir un peu plus. Pourtant nous avons fait tout ce qui était possible de faire. Moi-même étant dans un travail (Kommando) plus facile et ayant beaucoup d’amis dans le camp, j’ai tout fait pour vous le ramener, pour le ramener à sa chère famille, et je peux vous dire qu’il n’a vécu que pour sa famille et pour son idéal. Je luis donnais ce qui était dans mes possibilités et l’ayant vu quelques jours auparavant, il me réclamait une chemise« .
Louis Paul a en effet été transféré à Flossenbürg le 28 août 1944 (il fait partie des vingt-neuf «45.000» transférés à cette date, et enregistrés le 31 août 1944.
A Flossenbürg il reçoit le matricule « 19.902 ». Il indiqué comme serrurier (Schlosser) et il est affecté au Kommando Ohrdruf
Roger Debarre transféré avec lui dans ce camp où il a quelques amis s’arrange pour lui donner ce qu’il peut glaner. Il raconte : Un jour de décembre 1944, je lui portais une chemise à son bâtiment, mais lorsque je fus arrivé au bâtiment 11, le secrétaire du Block me dit que mon cher camarade avait quitté le bâtiment la veille pour aller soi-disant à l’hôpital. Je fis alors des recherches à l’hôpital avec l’aide de camarades… En vain. Ce ne fut que quelques temps après qu’un secrétaire, un jeune italien, me dit qu’il avait été envoyé au crématoire au début de janvier 1945.
Sa veuve Germaine Paul et son père Louis Paul ont cherché à avoir de ses nouvelles en 1945. Roger Debarre a écrit à sa veuve qui travaille alors à la Maison de santé de Clermont : « Je peux vous parler de votre cher mari, de ce bon camarade et comme nous le nommions « le petit Paul » Je l’ai connu avec d’autres camarades de l’Oise à Compiègne et je fus constamment en contact avec lui jusqu’à ses derniers jours (…). « .
Un arrêté du 4 janvier 1996 paru au J.O. du 28 février 1996 portant apposition de la mention «Mort en déportation» sur son acte de décès, mentionne «décédé le 9 janvier 1945 à Flossenbourg».
Le titre de Déporté politique lui a été attribué en 1963.
Une rue de Breuil-le-Vert porte son nom.
Sources
- Echange de courriers (mai 1991) avec Jean Pierre Besse, historien, professeur d’histoire à Creil (communication de ses recherches aux archives départementales 33W8250 Série M).
- Témoignage de Roger Debarre (1946), lettre à sa veuve en date du 14 juin 1945.
- 2 lettres de sa veuve (1946).
- Une lettre de son père (1er août 45) qui a reçu des nouvelles lui indiquant le 1er septembre 1944 comme date du décès de son fils.
- Bureau de la division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel consulté en 1991 et juin 1992).
- Archives départementales de la Somme, Amiens, correspondance de la Préfecture sous l’occupation, cote 26w809.
Archives départementales de l’Oise, Beauvais ; cote 33W 8253/1, exécutions d’internés, camp de Royallieu, mesures contre les communistes ; cote 141w 1162, Internement administratif. - Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom. Tome 38, page 102.
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- Etat civil et Registres matricules militaires de l’Oise en ligne.
- Fiche de Flossenbürg in site Arolsen
Notice biographique rédigée par Claudine Cardon-Hamet en 2007, complétée en 2011, 2018 et 2021. Docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
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