Matricule « 45 547 » à Auschwitz
Georges Fontaine ; né en 1899 à Toul (Meurthe-et-Moselle) ; domicilié à Saint-Dizier (Haute-Marne) ; aiguilleur ; communiste ; arrêté comme otage communiste le 22 juin 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 13 août 1942
Georges Fontaine est né le 23 novembre 1899 à Toul (Meurthe-et-Moselle). Il habite 2, rue de la Paix à Saint-Dizier (Haute-Marne) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marthe Bohrer née en 1874 à Epernay (Marne) et de Claude, Léon Fontaine né en 1869 à Bar-le-Duc (Meuse), employé de commerce, son époux. En 1906, la famille Fontaine habite à Nancy au 7, rue Dedion. Il a alors deux sœurs et deux frères, Alphonse, né en 1898 à Toul, Henry, né en 1901 à Nancy, Léontine, née en 1903 et Marie-Camille née en 1906 toutes deux à Nancy. En 1908, naît son frère Henri, né le 27 août à Nancy, qui sera déporté avec lui à Auschwitz (1). En 1909, la famille habite Pont-à-Mousson (Meurthe-et-Moselle), où naît Georgette, sa troisième sœur.
Selon sa fiche matricule militaire Georges Fontaine mesure 1m 54, a les cheveux châtain foncé et les yeux bleus, le front moyen et le nez rectiligne, le visage rond.
Au moment du conseil de révision, il travaille comme garçon épicier (son père travaille à la Société nancéienne d’Alimentation).
Il sera par la suite employé de chemin de fer. A cette époque, il habite à Bar-le-Duc (Meuse).
Il a un niveau d’instruction « n° 3 » pour l’armée (sait lire et écrire et compter, instruction primaire développée).
Conscrit de la classe 1919, il est classé en 5ème position de la liste en 1919 et ajourné pour « faiblesse » et maintenu ajourné par le conseil de révision de Bar-le-Duc le 28 septembre 1918, pour le même motif. Le conseil de révision de la Meuse le classe « bon absent » le 5 juillet 1920. Georges Fontaine est incorporé au 161ème Régiment d’infanterie le 6 octobre 1920 où il arrive le 7. Il passe au 16ème Bataillon de chasseurs à pieds le 1er février 1922. Il est placé dans la disponibilité le 2 mars 1922, « certificat de bonne conduite accordé ». Il « se retire » à Bar-le-Duc. Travaillant comme homme d’équipe au Chemins de fer de l’Est (matricule 327) à Bar-le-Duc, cet emploi le fait alors « passer » le 5 décembre 1922 en tant que réserviste de l’armée active, à la 6ème section des chemins de fer de campagne en tant qu’« affecté spécial » (c’est-à-dire qu’il serait mobilisé à son poste de travail en cas de conflit).
Le 7 janvier 1924 à Behonne (Meuse), il épouse Alberte, Madeleine Lopinot (1906-1997). Elle est née à Belhonne le 25 mars 1906. Le couple a une fille Jeanne.
En 1927, il est cheminot, aiguilleur de deuxième classe (après la nationalisation de 1938, il aura le n° SNCF : 43994) à la gare de Saint-Dizier (Haute-Marne), où il habite. Le 28 septembre 1929, à Bar-le-Duc, sa sœur Léontine épouse Gaston Varin.
Le 25 septembre 1931, la commission militaire de réforme de Troyes le réforme (réformé définitif n° 2) invalidité à 100 %, pour « pleurite, tuberculose pulmonaire, tachycardie ». Ce qui a pour conséquence de le radier de l’affectation spéciale.
Membre du Parti communiste, il est trésorier du rayon de Saint-Dizier en 1932.
Il a déménagé en 1937 et habite un petit pavillon au 2, rue de la Place à Saint-Dizier. Puis il habite un autre pavillon au 2, rue de la Paix, toujours à Saint-Dizier.
Le 10 mai 1940, la Luftwaffe bombarde le terrain d’aviation de Saint-Dizier et la ville de Joinville. Le 13 juin 1940 la Wehrmacht occupe Saint-Dizier. Le 14 juin, les troupes allemandes défilent à Paris, sur les Champs-Élysées. Le 15 tout le département de la Haute-Marne est occupé. Le 22 juin, l’armistice est signé : la France est coupée en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée de celle administrée par Vichy. La Haute-Marne est coupée en deux : l’est devient « zone interdite », destinée au repeuplement allemand comme le veulent les nazis, ou à la création d’un Pays Thiois ou Grande Flamande (comme le revendiquait le mouvement irrédentiste flamand), l’ouest se transforme en territoire de stationnement des troupes de la Wehrmacht. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Le 28 août 1941 René Bousquet, Préfet de la Marne nommé par Pétain en 1940, est nommé Préfet régional de la région de Châlons-sur-Marne (Marne, Haute-Marne et Aube). Il donne des instructions très précises pour la surveillance des « menées communistes ». En septembre 1941, avec l’institution de la « politique des otages », les autorités allemandes se font remettre les notices individuelles des communistes arrêtés et incarcérés par la police française. On lira sur le net les articles consacrés à Bouquet par Jean-Pierre et Jocelyne Husson : « René Bousquet et la politique vichyste d’exclusion et de répression ».
Pendant l’Occupation, Georges Fontaine est arrêté en Haute-Marne par la Gestapo le 22 juin 1941, dans le cadre de la grande rafle commencée ce jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique. Sous le nom «d’Aktion Theoderich», les Allemands arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy (La maison d’arrêt de Chaumont, 27 rue Val Barizien pour les Haut-Marnais), ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht et le Frontstalag 122, qui ce jour là devient un camp de détention des “ennemis actifs du Reich”. La mention «menées communistes», figure sur sa fiche au ministère.
Georges Fontaine est interné à Compiègne le 27 juin 1941. Il y est immatriculé n° 317
Durant son internement à Royallieu, il est hospitalisé plusieurs semaines à l’Hôpital du Val de Grâce, comme d’autres Haut-Marnais.
Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Georges Fontaine est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Georges Fontaine est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule 45547.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz :
L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
On ignore dans quel camp il est affecté à cette date.
Georges Fontaine meurt à Auschwitz le 13 août 1942 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 300).
Sa fiche d’état civil établie en France après la Libération porte toujours la mention «mort à Auschwitz le 28 septembre 1942». Il est regrettable que le ministère n’ait pas corrigé cette date, à l’occasion de l’inscription de la mention « mort en déportation » sur son acte de décès (Journal officiel du 18 juin 2009). Ceci était pourtant rendu possible depuis la parution de l’ouvrage publié par les historiens polonais du Musée d’Auschwitz en 1995. Lire dans le blog Les dates de décès à Auschwitz.
Le titre de «Déporté politique» lui est attribué le 26 novembre 1942. Son nom est inscrit sur la stèle commémorative de la SNCF à Saint-Dizier. Il est homologué au titre des Forces Françaises Combattantes (FFC) constituées des agents des réseaux de renseignement, d’action et d’évasion et DIR (Déportés et Internés Résistants).
Son frère Henri Fontaine, né le 27 août 1908 à Nancy, qui habitait Ligny-en-Barrois (Meuse), est également déporté dans le même convoi, à Auschwitz où il meurt le 2 novembre 1942. Pour lire sa biographie, cliquer sur le lien FONTAINE HENRI 27/08/1901
Sources
- Correspondances avec Jean-Marie Chirol, animateur du « Club Mémoires 52 » : communication de ses recherches aux archives départementales et auprès de l’état civil de Toul (1992-1994).
- Mme Jeanne Disler (© photo).
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- Acte de décès daté du 29 mai 1946.
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Blog du club Mémoires 52, association de recherches historiques consacrées au département de la Haute-Marne, créée, en 1991, par Jean-Marie Chirol (1929-2002).
- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom.
- M. Gallois, directeur des Archives départementales de Haute-Marne (octobre 1991).
- Courrier (1992) de Georges Savary, responsable de la FNDIRP de Saint-Dizier, ancien interné à Compiègne (arrêté en même temps qu’Henri Quérel et d’autres communistes de Saint-Dizier) et déporté à Sachsenhausen.
- Site internet « Mémorial GenWeb » © Alain Girod.
- Bureau de la Division (ou Pôle) des archives des
victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel consulté en avril 1992). - © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz »,
ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946). - Registres matricules militaires
- Photo de l’immatriculation à Compiègne : extraite de l’image « 36 communistes ou sympathisants Hauts-Marnais arrêtés comme otages le 22 juin 1941 et photographiés le 27 juin ». In Club Mémoire 52
Notice biographique rédigée en novembre 2010, complétée en 2015, 2018, 2021 et 2023 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com