Raymond Rousseau : né en 1913 à Chennevières (Côte-d’Or); domicilié à Buxières-les-Froncles (Haute-Marne) au moment de son arrestation ; forgeron ; communiste ; arrêté comme otage communiste le 22 juin 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt à une date inconnue

Raymond Rousseau est né le 24 octobre 1913, à Chennevières (commune de Saint-Marc-sur-Seine, Côte d’Or).
Il habite Buxières-les-Froncles (commune de Froncles, Haute-Marne) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Zénaïde Boulommier, 31 ans, sans profession et de Jean-Baptiste Rousseau, 30 ans, ouvrier forgeron à Chenevières, son époux.
Raymond a deux frères et une sœur : Lazare, né Boulommier le 13 novembre 1902, et Gaston, né Boulommier le 29 décembre 1907, reconnus par Jean-Baptiste Rousseau lors son mariage avec leur mère, le 17 février 1912 et Marie, née le 26 janvier 1920 à Saint-Marc-sur-Seine.
En 1924, la famille habite aux Cités de Buxières-lès-Froncles.
Son père est chauffeur de four aux Forges de Froncles, et ses deux aînés y sont lamineurs.
En 1931, à 18 ans, Raymond Boulonnier travaille lui aussi comme métallo aux Forges. Son grand-père maternel, âgé de 77 ans qui habite avec eux, y travaille également comme manœuvre (les retraites sont rarissimes dans la métallurgie).
En 1936, Raymond Rousseau est forgeron aux Forges de Froncles, dont le site a été repris par Citroën en 1921.
Raymond Rousseau a épousé Renée Boulommier (1919-1995), née le 9 février 1919 à Saint-Marc-sur-Seine (Côte-d’Or), divorcée en juillet 1939 d’Abel Piqué. Le couple Rousseau a une fille, Micheline.
Raymond Rousseau est membre du Parti communiste.

Le 10 mai 1940, la Luftwaffe bombarde le terrain d’aviation de Saint-Dizier et la ville de Joinville. Le 13 juin 1940 la Wehrmacht occupe Saint-Dizier. Le 14 juin, les troupes allemandes défilent à Paris, sur les Champs-Élysées. Le 15 tout le département de la Haute-Marne est occupé.  Le 22 juin, l’armistice est signé : la France est coupée en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée de celle administrée par Vichy. La Haute-Marne est coupée en deux : l’est devient « zone interdite », destinée au repeuplement allemand comme le veulent les nazis, ou à la création d’un Pays Thiois ou Grande Flamande (comme le revendiquait le mouvement irrédentiste flamand), l’ouest se transforme en territoire de stationnement des troupes de la Wehrmacht. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

René Bousquet et à sa droite Carl Oberg, Gruppenführer, chef de la SS et de la Police pour la France

Le 28 août 1941 René Bousquet, Préfet de la Marne nommé par Pétain en 1940, est nommé Préfet régional de la région de Châlons-sur-Marne (Marne, Haute-Marne et Aube). Il donne des instructions très précises pour la surveillance des « menées communistes ». En septembre 1941, avec l’institution de la « politique des otages », les autorités allemandes se font remettre les notices individuelles des communistes arrêtés et incarcérés par la police française. On lira sur le net les articles consacrés à Bouquet par Jean-Pierre et Jocelyne Husson : « René Bousquet et la politique vichyste d’exclusion et de répression ».

Raymond Rousseau est arrêté le 22 juin 1941 par la police française, dans le cadre de la grande rafle commencée le 22 juin, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique. Sous le nom d’Aktion Theoderich», les Allemands arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy (la prison de Chaumont pour la Haute-Marne), ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise) le « Frontstalag 122), administré par la Wehrmacht et qui ce jour là devient un camp de détention des “ennemis actifs du Reich”.
A Compiègne, il reçoit le matricule n° 614. Raymond Rousseau figure sur la liste de recensement des jeunes communistes du camp de Compiègne « aptes à être déportés à l’Est », en application de l’avis du 14 décembre 1941 du commandant militaire en France, Otto von Stülpnagel (archives du CDJC).
Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation :

La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Raymond Rousseau est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : 
Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au 
Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 n’est pas certain. La photo d’immatriculation du N° « 46 080 » est néanmoins probablement la sienne (C.f. document photo en haut de page).
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun document des archives SS préservées de la destruction ne permet de connaître la date de son décès à Auschwitz.
Dans les années d’après-guerre, 
l’état civil français n’ayant pas eu accès aux archives d’Auschwitz emportées par les armées soviétiques a fixé celle-ci en septembre 1942 sur la base du témoignage de deux de ses compagnons de déportation. C’est cette date qu’officialise le jugement déclaratif de décès du 10 mai 1948 : « est décédé à Auschwitz en septembre 1942 ». Il a été déclaré « mort pour la France, le 24 mai 1948.

Son nom est honoré sur le monument aux morts de la commune de Buxières-lès-Froncles.

Sources

  • Correspondance avec sa fille, Micheline Rousseau, juillet 2004. N’ayant pas connu son père, elle n’a pu identifier formellement la photo du matricule « 46 080 ». Sa mère, remariée, est décédée en 1995. Elle ne lui avait jamais parlé de son père.
  • Bureau de la Division (ou Pôle) des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen 
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
  • Recensements de Buxières-les-Froncles.
  • Acte de décès de Raymond Rousseau faisant mention de son mariage avec Renée Boulommier.
  • Document du ministère des prisonniers, déportés et réfugiés du 4 mai 1946 pour versement de la prime de 5000 F : « ayant cause » Renée Rousseau, habitant alors Rochetaillée (Rhône).

Notice biographique rédigée en novembre 2010, complétée en 2015, 2018 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger cette, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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