La Dépêche de l’Aube, 1928

 

Joseph Andrès : né en 1895 à Granges-sur-Vologne (Vosges) ; domicilié à Troyes (Aube) ; typographe, gérant d'un périodique communiste, arrêté le 26 le 26 février 1942, interné à Compiègne, déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 16 septembre 1942.

Joseph, Emile Andrès est né le 30 décembre 1895 aux Voids à Granges-sur-Vologne (Vosges). Il habite à Troyes (Aube) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie Adélaïde Didelot, 21 ans, ouvrière tisseuse (elle est née le 13 janvier 1874 à Plainfaing, Vosges) et de Joseph, Edmond Andrès, 25 ans, ouvrier tisseur, son époux (il est né le 7 décembre 1870 à Granges-le-Bourg, Haute-Saône). Ses parents se sont mariés le 1er juin 1895. Il a un frère cadet, Ernest, Edmond, né le 1er mai 1900 à Saulcy-sur-Meurthe. Leur père s’est remarié en 1902.
Son cousin Joseph, Robert Andrès qui est né le 24 mars de la même année que lui et dans la même commune, mobilisé, est tué en 1916.
Conscrit de la classe 1915 Joseph Andrès aurait dû être mobilisé par anticipation en 1915, comme tous les jeunes hommes de sa classe après la déclaration de guerre. Mais il habite alors Corcieux, une localité des Vosges occupée par les Allemands dès le début de la guerre. Il est considéré comme « prisonnier civil » (1). Il est « rapatrié civil » par le convoi du 6 octobre 1918 (avis du centre de triage d’Annecy). Il est « rayé des contrôles des hommes dans les délais » le même jour. Il est alors incorporé au 109ème Régiment d’infanterie le 27 décembre 1918. Il arrive à la caserne de Chaumont le même jour.
Joseph Andrès « passe » au 21ème  Régiment d’infanterie le 25 mai 1919. Il est mis en « congé illimité de démobilisation », « certificat de bonne conduite accordé », par le dépôt de démobilisation du 149ème RI le 19 août 1919.
Le 8 janvier 1921 il épouse à Saint-Dié-des-Vosges, Marie Marguerite Pierre. Elle est née le 31 mai 1903 à Saint-Dié-des-Vosges. Le couple habite au 3, rue Saint-Frobert à Troyes en 1928.
« Il fut présenté par le PC aux élections cantonales à Troyes le 7 octobre 1928 et obtint 1 219 voix sur 3 920 suffrages exprimés. Il fut également candidat communiste aux élections municipales de mai 1929« . In Le Maitron, notice de Robert Lemarquis. Il était alors l’un des secrétaires de la région troyenne du PC (ibid.)

Joseph Andrès travaille alors comme folioteur (ouvrier typographe qui compose les textes et images des tampons encreurs).
Il est membre du Parti communiste et il devient gérant de la « Dépêche de l’Aube » organe du Parti communiste de l’Aube, après l’arrestation de son camarade André Batonnier (arrêté le 27 avril après perquisition au siège du journal. Condamné, en mai à trois mois de prison et 100 francs d’amende pour antimilitarisme, il fut libéré le 27 juillet 1928. Le Maitron). En 1928, il a alors 33 ans, les 12, 13 et 17 juin, son journal publie 3 articles contre les périodes dites « de réserve » à l’armée : « Ce que doit être l’action des réservistes », « La lutte organisée » et « Les soldats de Mailly protestent contre la mauvaise nourriture ». La « Tribune de l’Aube » du 4 juillet fait état de son arrestation le 3 juillet et de sa condamnation par le juge d’instruction
Leveque, avec Joseph Navoisat, gérant du « Travailleur de l’Yonne et de la Côte d’Or », secrétaire régional du Parti communiste et Jean Rousselet, lui aussi gérant du Semeur, à chacun 6 mois de prison et 500 francs d’amende, pour « provocation de militaires à la désobéissance ».

La Dépêche de l’Aude du 28 juillet Montage Pierre Cardon

Le « Petit Parisien » du 28 juillet 1923 fait état de 600 manifestants qui ont défilé à Troyes à l’appel des organisations communiste jusque devant la prison de Troyes, pour protester contre leur incarcération. Ils avaient comme avocat, Maître Plard, ancien cheminot devenu avocat, communiste, qui plaidera l’incompétence du Tribunal (il sera maire de Troyes à la Libération). L’information des condamnations est répercutée dans tout la presse nationale et régionale.
La Dépêche de l’Aube titre : La première Riposte : 3000 ouvriers dans la rue ! Face au patronat bourgeois, Andrès, Navoizat et Rousselet proclament les mots d’ordre communistes !

Dans son titre le quotidien communiste de l’Aube additionne les 3 peines (18 mois et 1500 F d’amende). Concernant Joseph Andrès, l’article souligne le fait qu’il conteste lors de l’audience la qualification de « menées arnarchiste » qui leur est accolée et revendique l’honneur d’être considéré comme communiste.
Le quotidien poursuit en page 2, avec un titre « le jugement de classe » et rapporte que les trois inculpés rejoignent leurs bancs aux cris de « à bas la répression », tandis que la salle crie « amnistie » !
Ce même jour, ses camarades André Batonnier et René Cassel (2) condamnés à 3 mois de prison, sont libérés.

Les mois suivants ses 6 mois d’incarcération à la prison de la rue Hennequin à Troyes sont difficiles pour Joseph Andrès. Il a sans doute perdu son travail… Période qui ne semble pas avoir été comprise par la direction communiste de l’Aube. « Le 20 octobre 1929 la commission régionale de révision du Parti annonça son exclusion temporaire pour « désintérêt après le 1er août, refus de répondre aux convocations et accusations infamantes envers un camarade ». Le Maitron.
En 1931, Joseph Andrès a perdu son emploi de typographe, car il est indiqué comme étant garçon de café à Troyes où il habite toujours au 3, rue Saint-Frobert lors du recensement.
« Le mensuel de la CGT ayant attaqué le Secours rouge (SRI), il signa en octobre 1932 une lettre à Rousselet, responsable de cette organisation, pour déclarer que celle-ci lui avait toujours apporté de l’aide pendant son emprisonnement. » Le Maitron.
Joseph Andrès est « rappelé à l’activité » le 28 août 1939 (rappel des réservistes à partir du 23 août) et affecté à la 1ère compagnie à Lens. Il est réformé temporaire n°2 le 23 décembre 1939 par la commission de réforme de Lens pour « bronchite chronique et emphysème pulmonaire ». Il est classé SX par la commission de réforme de Troyes du 30 avril 1940 pour « sclérose pulmonaire diffuse ».

Les chars allemands à Romilly le 13 juin 1940. Photo in l’Est Eclair, © Jean-Marie Le Nours

Le 13 juin, les Allemands entrent dans l’Aube, à Romilly, après avoir franchi la Seine. Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes défilent sur les Champs-Élysées. L’armistice est signé le 22 juin. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ».

« La Dépêche de l’Aube » du 24 décembre 1940, Le premier journal clandestin édité par le Parti communiste

Dès le début de l’Occupation allemande, la police de Vichy a continué de surveiller les anciens élus, candidats ou militants communistes « notoires »,
procédé à des perquisitions et des arrestations. Vichy entend ainsi faire pression sur les militants communistes connus ou anciens élus pour faire cesser la propagande communiste clandestine.

Joseph Andrès est arrêté le 26 février 1942 pour avoir distribué des tracts contre l’occupation allemande. Détenu à la prison de la rue Hennequin à Troyes. Son arrestation a lieu le même jour que celle de Pierre Arnould et de Robert Riché (LA 14222), ce dernier considéré comme «dangereux à l’occupation allemande»).
Le même jour 18 militants communistes du département de la Marne et de la Haute-Marne sont arrêtés (à Reims et St Dizier) : l’Aube, la Marne et la Haute-Marne dépendent de la même région militaire (Oberfeldkommandantur).

Emile Andrès est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122).
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. 

Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

 

Depuis le camp de Compiègne, Joseph Andrès est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf l’article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante trois « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
On ignore le numéro d’immatriculation d’Emile Andrès à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942. Le numéro « 45173 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Cette reconstitution n’a pu aboutir en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il était donc hasardeux de maintenir ce numéro en l’absence de nouvelles preuves. Il ne figure plus dans mon ouvrage « Triangles rouges à Auschwitz».

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Dessin de Franz Reisz, 1946

Joseph Andrès meurt à Auschwitz le 16 septembre 1942 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz, Tome 2, page 26).
Sa fiche d’état civil établie en France à la Libération porte toujours la mention «décédé en novembre 42 ». Il serait souhaitable que le ministère corrige ces dates fictives qui furent apposées dans les années d’après guerre sur les état civils, afin de donner accès aux titres et pensions aux familles des déportés. Cette démarche est rendue possible depuis la parution de l’ouvrage « Death Books from Auschwitz » publié par les historiens polonais du Musée d’Auschwitz en 1995.  Lire dans le site  Les dates de décès à Auschwitz.

La Dépêche de l’Aube du 4 août 1945 déclara : « Nous perdons en lui un camarade courageux. » (Le Maitron). Joseph Andrès est homologué comme Résistant, au titre de la Résistance Intérieure Française (RIF) comme appartenant à l’un des cinq mouvements de Résistance (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL). Cf. service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 12989.

  • Note 1 : Les Zivilarbeiter-Bataillone (bataillons de travailleurs civils) et portent un signe distinctif : un brassard rouge. 
  • Note 2 : Déjà condamné à six mois de prison et 1 000 F d’amende le 12 août 1927, il avait été acquitté en appel après une plaidoirie de maître René Plard le 9 mars 1928. Il avait été à nouveau arrêté le 27 avril, et condamné à 3 mois pour ses articles « Coups de faucille » !

 Sources

  • La déportation de répression dans l’Aube par Rémi Dauphinot et Sébastien Touffu document PDF (AFMD Aube).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
  • Etat civil des Vosges en ligne.
  • Registres matricules militaires.
  • Recherches généalogiques (état civil, recensement, presse locale) : Pierre Cardon

Notice biographique rédigée en décembre 2010, complétée en 2016 et 2020, par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce blog) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette biographie.
Pour compléter ou corriger cette biographie, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com  

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