Matricule « 45 270 » à Auschwitz
Théodore (Théo) Bonhomme : né en 1901 à Wattrelos (Nord) ; domicilié à Ecuelles (Seine-et-Marne) ; fraiseur, militant CGT et communiste ; arrêté le 19 octobre 1941 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 15 août 1942.
Théodore, Hubert, Victor (dit Théo) Bonhomme est né le 2 décembre 1901 à Wattrelos (Nord) au Hameau du Sapin Vert.
Il habite rue de la Montagne creuse à Ecuelles (Seine-et-Marne) au moment de son arrestation.
Il est le fils d’élodie, Marie Desmidt, 18 ans, ouvrière de fabrique, née à Heyt (Belgique). Il est légitimé par le mariage de sa mère et de Théodore Bonhomme, son époux. Ses parents se sont mariés le 12 juillet 1902 à Wattrelos.
Wattrelos est occupé par l’armée prussienne le 13 octobre 1914. La population souffrira de la famine et des conditions terribles de cette occupation. Selon sa fiche matricule militaire Léo Bonhomme mesure 1m 63, a les cheveux châtain et les yeux gris-bleu, le front et le nez moyens, le visage ovale.
Théo Bonhomme a travaillé à Wattrelos occupée comme « débourreur » (cardage de la laine), puis comme employé de bureau à Moret-sur-Loing au moment du conseil de révision. Il a un niveau d’instruction « n° 3 » pour l’armée (sait lire, écrire et compter, instruction primaire développée).
Théo Bonhomme a épousé Marguerite Dailloux à Ecuelles le 17 avril 1920. Couturière, elle est née le 13 décembre 1898 à Moret-Loing et Orvanne (elle est décédée le 13 juillet 1978 à Cannes-Ecluse / Sien-et-Marne). Le couple a un garçon, Maximilien, qui naît le 7 septembre 1923.
Conscrit de la classe 1921, Théo Bonhomme est ajourné d’un an pour « poids insuffisant ». Il est maintenu ajourné par la commission de révision de 1922 et classé « ajourné irrémédiable » par la commission de révision de 1925.
Le 3 octobre 1932, il est domicilié au 6, cours Saint-François à Paris 12è.
Il est fraiseur à la société « Les innovations mécaniques » de Moret-sur-Loing (Seine-et-Marne).
Il est adhérent à la CGT et au Parti communiste, trésorier de cellule.
Le 1er septembre 1939, il habite rue de la Montagne creuse à Ecuelles.
Sa classe, la 1941 est mobilisable en février 1940. « Ajourné irrémédiable » en 1925, il passe devant la commission de réforme de Fontainebleau le 2 février 1940 qui le classe « bon service armé, pour bon état général » mais le classe le 30 mars 1940 « affecté spécial pour une durée indéterminée » à la société « Les innovations mécaniques » de Moret-sur-Loing (c’est-à-dire qu’il est mobilisé sur son poste de travail).
Le 14 juin 1940, les troupes allemandes sont à Meaux ; le 15 juin à Brie-Comte-Robert et à Melun.
Le dimanche 16 juin 1940, des éléments motorisés de la Werhmacht franchissent la Seine à Valvins sur un pont de bateaux. Ils traversent Avon avant d’entrer dans Fontainebleau, précédant le gros des troupes. Le 14 juin, l’armée allemande était entrée par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cessant d’être la capitale du pays et devenant le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne et les départements voisins les jours suivants. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Au début de l’Occupation, Théo Bonhomme diffuse des tracts anti-allemands.
Il est arrêté par la police française et la Feldgendarmerie le 19 octobre 1941 à Ecuelles, en même temps qu’Henri Coudray.
Son domicile est perquisitionné sans résultat. Son fils ignore le motif officiel de cette arrestation « sans explications, peut-être comme otage pour les meules de blé incendiées en Seine-et-Marne ». Cette explication est très vraisemblablement la bonne : de nombreux élus ou militants communistes du département sont arrêtés comme otages la première semaine d’octobre et les 19 et 20 octobre. Parmi eux, 42 seront déportés à Auschwitz.
Lire dans le site : la rafle des communistes en Seine-et-Marne, octobre 1941.
A la demande des autorités allemandes Théo Bonhomme est transféré au camp de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122), le 20 octobre 1941.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Théo Bonhomme est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule »45 270″.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz (1) a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Théo Bonhomme meurt à Auschwitz le 15 août 1942 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz, in Death Books from Auschwitz, Tome 2, page 116).
Il a été déclaré « Mort pour la France« .
Une rue porte son nom à Ecuelles (la rue Théo Bonhomme).
Le 16 mars 1991, André Montagne a rencontré des familles de « 45 000 » à l’assemblée générale de l’ADIRP de Seine-et-Marne, et notamment Maximilien Bonhomme, le fils de Théo et son épouse, fille d’André Ménager « 45 867 », qui habitent rue Théo Bonhomme, ainsi que madame veuve Henri Coudray et son fils, qui habite rue Henri Coudray.
- Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz.
A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- Questionnaire biographique (contribution à l’histoire de la déportation du convoi du 6 juillet 1942), envoyé aux mairies, associations et familles au début de mes recherches, en 1987, rempli par son fils, Maximilien Bonhomme, le 15 avril 1991. André Montagne a rencontré Maximilien Bonhomme et son épouse (fille d’un autre déporté, André Ménager, 45867), ainsi que madame Coudray, veuve d’Henri Coudray 45403) à l’AG de l’ADIRP à Ecuelles le 16 mars 1991.
- Archives en ligne de Wattrelos.
- Site Internet mémorial « GenWeb ».
- « La Résistance en Seine et Marne« , Claude Cherrier et René Roy, (Presses du Village).
- Division des Archives des Victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (fiche individuelle consulté en juillet 1992 au Val de Fontenay).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- Registre matricule militaire 1921.
- © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
- Archives départementales de Seine-et-Marne, Dammarie-les-Lys, cabinet du Préfet.
Notice biographique installée en 2011, complétée en 2018 et 2022 par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com