Matricule « 45 274 » à Auschwitz

 

Albert Bonvalet : né en 1893 à Fleury (Aisne) ; domicilié à Villeparisis (Seine-et-Marne) ; manouvrier ; arrêté comme otage communiste le 20 octobre 1941; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 19 septembre 1942.

Albert Bonvalet est né le 25 janvier 1893 à Fleury (Aisne). Il habite 103, rue Jean Jaurès à Villeparisis (Seine-et-Marne), au moment de son arrestation.
Il est le fils de Constance, Joséphine Duclos, 30 ans, née le 10 septembre 1862 à Villeparisis, manouvrière et d’Achille Bonvalet 32 ans et demi, manouvrier, son époux.
Son registre matricule militaire nous indique qu’il mesure 1m 70, a les cheveux châtains, les yeux bleus, le front moyen et le nez rectiligne.
Il s’engage dans l’armée à 18 ans, à Meaux, pour une durée de trois ans, le 22 décembre 1912, devançant l’appel de sa classe. Il est incorporé au 25è Régiment de Dragons, et devient trompette en 1912. Il se rengage pour deux ans au 2è Régiment d’artillerie coloniale.
Il est condamné à 10 ans de travaux publics pour « outrage par paroles et actes à un supérieur« . Il commence à purger sa peine le 11 janvier 1916 à l’atelier de travaux à Orléansville (Algérie). La peine, suspendue le 11 septembre 1916 sera amnistiée en 1921. Il est alors transféré au 117è Régiment d’artillerie, puis au 32è Régiment d’artillerie à Fontainebleau.  Il est démobilisé le 11 août 1919 par le  228è Régiment d’artillerie.

Il épouse Renée Adolphine Dupuy le 17 janvier 1918 à Villeparisis. Elle est née le 1er mars 1897 à Claye-Souilly (Seine-et-Marne).
Devenu veuf, il épouse Alphonsine Bœuf en secondes noces. Elle est née à Villeparisis le 19 février 1899. Le couple a un garçon, Marc, né le 2 juillet 1920 à Villeparisis.
Il adhère au Parti communiste dès sa création et y milite en faveur de la candidature de Marcel Leconte aux élections municipales de 1919 et 1921 à Villeparisis (Marcel Leconte sera maire de Villeparisis jusqu’en 1940, destitué par le conseil de Préfecture).
Il quitte le Parti communiste en 1927, mais semble surveillé par les services de police. Et en 1938 lorsqu’il sollicitera un emploi à la Poudrerie de Sevran, sa candidature est refusée à cause de « ses idées extrémistes ».
En 1936, la famille Bonvalet est domiciliée au 103, rue Jean Jaurès à Villeparisis. Albert Bonvalet travaille comme maçon et sa femme est manouvrière. Leur fils Marc est apprenti forgeron. La mère d’Albert Bonvalet, veuve Dorchies habite avec eux.
Le 30 novembre 1939, après la déclaration de guerre, Albert Bonvalet, est classé par l’armée « sans affectation », et il est employé à la poudrerie nationale de Sevran-Livry comme plâtrier (Société nouvelle de construction et de travaux).

Le 13 juin, des éléments de l’armée allemande atteignent le canal de l’Ourcq au sud de Mitry-Mory. Ils sont surpris par des nids de résistance de soldats français. Jusqu’à 19 heures, l’entrée de Villeparisis est le théâtre d’âpres combats. Rendues furieuses par cette résistance les troupes allemandes s’en prennent à la population civile. 15 otages, habitants de Villepinte, Mitry-Mory et Villeparisis sont fusillés. Fontainebleau est occupé le 16 juin 1940. Une Kreiskommandantur, située boulevard Jean Rose à Meaux, va exercer son autorité sur l’arrondissement de 1940 à 1943. Le 14 juin, l’armée allemande était entrée par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cessant d’être la capitale du pays et devenant le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne et les départements voisins les jours suivants.
Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Albert Bonvalet est arrêté le 20 octobre 1941 à son domicile par la police française et la Felgendarmerie en même temps qu’Antoine Carrier et Gabriel Rey, qui seront également déportés à Auschwitz.
Lire dans le site la rafle des communistes en Seine-et-Marne, octobre 1941.

A la demande des autorités allemandes, Albert Bonvalet et ses camarades de Seine-et-Marne sont transférés par autocar au camp de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), le 20 octobre 1941.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Albert Bonvalet est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45 274 ». Le matricule sera tatoué sur les avant-bras gauches des déportés survivants quelques mois plus tard. Sa photo d’immatriculation (1) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal.
Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Dessin de Franz Reisz, 1946

Albert Bonvalet meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, date qui suit une importante «sélection» des «inaptes au travail» destinés à être éliminés dans les chambres à gaz de Birkenau d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz ; in Death Books from Auschwitz, Tome 2, page 117). Lire dans le blog Les dates de décès à Auschwitz.

Il a été déclaré « Mort pour la France » le 5 août 1946.

Sources

  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Archives de Caen du ministère dela Défense). « Liste communiquée par M. Van de Laar,mission néerlandaise de Recherche à Paris le 29.6.1948« , établie à partir des déclarations de décès du camp d’Auschwitz.
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • « La Résistance en Seine et Marne« , Claude Cherrier et René Roy, (Presses du Village).
  • Septembre 2013 : courriel de son petit-fils, Alain Bonvalet, né en 1941.

Notice biographique rédigée en janvier 2011 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de « Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 » », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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