Matricule « 45 780 » à Auschwitz

Marcel Lenglet. © bulletin Cgt 02.
Marcel Lenglet : né en 1907 à Airaines (Somme) ; domicilié à Saint-Quentin (Aisne) ; tourneur ; communiste ; arrêté comme otage communiste le 17 octobre 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt.

Marcel Lenglet dit « Roberty » est né le 6 août 1907 à Airaines (Somme).
Il habite au 23, rue Paradis, à Saint-Quentin (Aisne) au moment de son arrestation. Il est le fils d’Eugénie, épouse Deneux, née en 1882 à Saint-Quentin et de Henri, Edmond Lenglet, né le 24 août 1886 à Amiens, son époux.
En 1911, la famille habite au 7, rue des Prés-Notre-Dame (quartier de l’Abbaye) à Airanes. Son père est alors ouvrier d’usine chez Dargicourt et sa mère travaille comme  brodeuse à l’usine de broderie Deneux (recensement).
Marcel Lenglet est tourneur sur métaux, puis employé à la Coopérative « La Fraternelle », 3, rampe Saint-Prix.  « Il s’installe à Saint-Quentin en 1924 ».

Pignon de la Coopérative en 1930

Il se marie le 30 octobre 1926 à Saint-Quentin avec Lucienne, Julienne Goset, fileuse.

«
Il militait activement au Parti communiste en 1927 et fut, l’année suivante, secrétaire CGTU des Métaux de la ville. En 1932, il dirigeait la cellule communiste de la coopérative « La Fraternelle » et siégeait au bureau du rayon de Saint-Quentin. Lors de la réunion antifasciste de Soissons, le 11 février 1934, Lenglet-Roberty lança un appel à l’union. Il fut élu secrétaire de l’Union départementale au congrès des 15-16 avril 1939 » (in Le Maitron).
Marcel Lenglet fait l’objet de plusieurs procédures pénales pour « entrave à la liberté du travail » (appel et participation à des mouvements de grève). Il prend la parole dans les meetings du Parti et il écrit dans le journal départemental du Parti communiste «  L’exploité de l’Aisne ».
Il est un des secrétaires de l’Union départementale CGT élus au congrès des 15-16 avril 1939 (le secrétaire général est Adrien Renard, résistant qui sera député communiste à la Libération).

Il se remarie au début mai 1940 avec Renée Watbled.
Vendeuse, elle est née à Saint-Quentin le 11 octobre 1914 (elle est décédée en 2007)
Le couple a eu un enfant, Claude, né le 7 avril 1938, reconnu par son père (il est décédé le 29 mai 2019 à Nesle). Ils habitent au 23, rue de Paradis, à Saint-Quentin.

Dès le 14 mai 1940, de Montcornet à Hirson, de Crécy-sur-Serre à Wassigny, les chars allemands bousculent tout sur leur chemin, non sans combats héroïques d’unités françaises, avant de toucher le Vermandois, le Chaunois, les confins du Laonnois et du Soissonnais puis le Sud du département jusqu’au 13 juin. Les blindés allemands de Gudérian sont devant Laon le 15 mai 1940. La Nordost Linie ou ligne noire (également appelée ligne du Führer), qui passe au sud de Laon est créée
le 7 juillet 1940 et fonctionne le 20 juillet. Les « zones réservées » ainsi délimitées sont destinés à devenir des zones de peuplement allemand. Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris. L’armistice est signé le 22 juin. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ».
Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Fiche d’otage  de Marcel Lenglet © CDJC

Le 20 septembre 1941, le commissaire principal des Renseignements
généraux de Laon transmet au Préfet de l’Aisne, une liste des communistes « notoires » de plusieurs villes du secteur « qui semblent continuer leurs agissements anti-nationaux ». Marcel Lenglet et Louis
Galant
, sont parmi les sept Saint quentinois mentionnés.
Marcel Lenglet est arrêté par la police allemande, le 17 octobre 1941.
Sa fiche d’arrestation en allemand retrace son parcours militant et se réfère bien évidemment aux archives des Renseignements généraux français ((traduction) : « Les raisons pour lesquelles l’arrestation a été faite : il était fonctionnaire communiste, jusqu’à la dissolution du Parti communiste.Orateur et activiste. Il a souvent fait l’objet de procédures judiciaires : par exemple le 22 août 1929 pour avoir entravé la liberté du travail. Le 10 août 1937 il a participé à une manifestation de rue. Le 13 octobre 1936 il a encore empêché la liberté du travail. Il s’occupait, depuis les années 1930 de l’idéologie communiste : c’était un orateur du PCF et il participait à toutes les réunions et conférences du Parti. En 1936 il était secrétaire adjoint du mouvement de la jeunesse communiste du département de l’Aisne. Il est connu, par les autorités françaises, comme meneur de grèves et activiste communiste. »
Son nom figure sur une liste de communistes susceptibles d’être choisis comme otages, avec la mention « ancien communiste ». Cette liste qui émane de la préfecture de l’Aisne est transmise aux autorités allemandes (KF 602) le 19 mars 1942 (In document XLIV- 2).
D’abord incarcéré à la prison de Saint-Quentin (surnommée « l’hôtel des 4 boules », Marcel Lenglet est interné rapidement au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122). Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Marcel Langlet est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante trois « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 45 780 ».

Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi les 522 que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.

Aucun document des archives SS préservées de la destruction ne permet de connaître la date de son décès à Auschwitz. Dans les années d’après-guerre, l’état civil français a fixé celle-ci au 15 septembre 1942 sur la base du témoignage de deux de ses compagnons de déportation. 

Rue Marcel Lenglet à Saint-Quentin

Le titre de « Déporté politique » a été attribué à Marcel Lenglet.
Une rue de Saint-Quentin porte son nom, qui est également honoré sur le monument aux morts, près de la gare.

Sources

  • Liste d’otages de l’Aisne, XL1V 2 – KF602 : n° 14 de la liste.
  • Traduction de sa fiche d’otage (obtenue auprès du CDJC en 1990).
  • Correspondance avec M. Jacques Clairet, ADIP Saint- Quentin (1988).
  • Correspondance avec la Mairie de Saint-Quentin (1988)
  • © Site Internet Mémorial-GenWeb
  • Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, Caen (fiche individuelle consultée en juin 1992).
  • Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom. Tome 34, Page 255.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau indiquant généralement la date de décès au camp.
  • © Google Street Wiew
  • © Photo de Marcel Lenglet, in Mémorial Gen-Web de la Somme, in bulletin CGT de l’Aisne n°560, février 2014 et « Mémoire Vive » n° 55 de mai 2014 page 15, lettre de l’association des « 45000 » et des « 31000 » d’Auschwitz-Birkenau.
  • Recensement de 1911 à Airanes.

 Notice biographique rédigée en janvier 2011, complétée en 2015, 2019, 2020 et 2024 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de « Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 »« , éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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