Matricule « 46 265 » à Auschwitz

Jean Toussaint : né en 1922 à Soissons (Aisne) ; domicilié à Vouel (Aisne) ; cheminot ; communiste ; arrêté le 1er mai 1942 ; prison d’Amiens, interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 30 octobre 1942.

Jean Toussaint est né le 10 décembre 1922 à Soissons (Aisne). Il habite au 11, rue Anatole France à Vouel (Aisne) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie, Louise Pata, 28 ans (elle est née le 20 novembre 1894 à Rogny, Aisne et décédée le 6 mars 1979 à Saint-Gobain) et de Maurice, Aimable Toussaint, 24 ans (1898-1937).
Il a un frère aîné, Marcel (1916-1936) et un cadet, Marceau, né le 27 juin 1926 à Quessy, Aisne (il s’engagera à la Libération au 24° bataillon de marche et sera tué à Obenheim le 11 janvier 1945).
Selon le témoignage de Roger Debarre («46 231», rescapé du convoi), Jean Toussaint est métallurgiste, célibataire et membre de la Jeunesse communiste.

Ecole d’apprentissage de la Compagnie des Chemins de fer du Nord

En fait, s’il est bien membre des JC, Jean Toussaint est en 1936, apprenti chaudronnier à l’Ecole d’apprentissage de la Compagnie des Chemins de fer du Nord (en 1938,  Centre de formation SNCF de Ternier), centre où est également apprenti Charles Lepine qui sera déporté avec lui.

Nous savons également que Jean Toussaint vit maritalement, avec Fortunata Bao, née le 22 mai 1919 à Gestero (Espagne). Elle est décédée à Denain, Nord, le 21 janvier 2013.
Le couple a deux enfants (Nicole Toussaint, née en 1921 et Jean-Claude Toussaint, né en 1942).

Dès le 14 mai 1940, de Montcornet à Hirson, de Crécy-sur-Serre à Wassigny, les chars allemands bousculent tout sur leur chemin, non sans combats héroïques d’unités françaises, avant de toucher le Vermandois, le Chaunois, les confins du Laonnois et du Soissonnais puis le Sud du département jusqu’au 13 juin. Les blindés allemands de Gudérian sont devant Laon le 15 mai 1940. La Nordost Linie ou ligne noire (également appelée ligne du Führer), qui passe au sud de Laon est créée le 7 juillet 1940 et fonctionne le 20 juillet. Les « zones réservées » ainsi délimitées sont destinés à devenir des zones de peuplement allemand. Le 14 juin 1940, l’armée allemande d’occupation entre dans Paris. L’armistice est signé le 22 juin. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ».
Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

En septembre 1940, trois anciens militants communistes de Tergnier Paul CailleMarcel Gouillard et Anselme Arsa (cheminot communiste, lieutenant-colonel FFI à la Libération) réorganisent le parti communiste clandestin en créant un triangle de direction. « Une grande part de l’activité déployée était dévolue à la diffusion de propagande communiste (in Le Maitron, Frédéric Stévenot, 2020, notice de Fernand Bouyssou.

Pendant l’Occupation, Jean Toussaint rejoint le groupe de jeunes créé par Roger Debarre, composé de jeunes communistes et de sympathisants. La nuit qui précède le 1ermai 1942, ce groupe opère différentes actions de propagande à Quessy-centre : inscriptions sur la route pour la Résistance, oriflammes accrochés dans les fils électriques, distribution de tracts.
Jean Toussaint et ses camarades Roger Debarre et Fernand Bouyssou sont arrêtés le 1er mai 1942. Le 2 mai, Charles  Lepine,  Jean Toussaint, Fernand Bouyssou, et Roger Debarre sont transférés à la prison d’Amiens. Le 6 mai, la cour spéciale de la ville condamne Fernand Bouyssou à trois ans d’emprisonnement et à 1200 francs d’amende, Roger Debarre, Charles Lépine et Jean Toussaint à un an de prison et à 1200 francs d’amende chacun.

Transféré à Laon, Jean Toussaint est incarcéré à la prison d’Amiens le 21 mai 1942, puis il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122), au début de 22 mai 1942, en vue de sa déportation comme otage. Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages». 

Depuis le camp de Compiègne, Jean Toussaint est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 46 265 » selon la liste par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau.

Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Nous savons par le témoignage d’André Debarre qu’il reste à Birkenau, affecté au terrible Kommando Kanal.

Dessin de Franz Reisz, 1946

Jean Toussaint meurt à Auschwitz le 30 octobre 1942 (date inscrite dans les registres du camp et transcrite à l’état civil de la municipalité d’Auschwitz ; in Death Books from Auschwitz, Tome 3, page 1253).
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois

Roger Debarre a raconté sa mort (cassette audio 4 février 1972) : «Toussaint, au Kommando « Kanal », a la jambe cassée en plusieurs endroits par la chute d’un drain. On ne l’avait pas soigné avant le retour du Kommando au camp. A l’infirmerie, il était resté quelques jours sans soins. D’où infection et gangrène. Son état ne cesse d’empirer». Roger Debarre le voit partir «en camion, en chemin pour Birkenau. Ce départ équivalait à la mort». « Ses derniers mots que j’ai pu entendre : «Vive la France. Au revoir les copains. Courage« .

Sa fiche d’état civil établie en France à la Libération porte toujours la mention «décédé le 15 octobre 1942 à Birkenau (Pologne)». Il est regrettable que le ministère n’ait pas corrigé cette date, à l’occasion de l’inscription de la mention « mort en déportation » sur son acte de décès (Journal officiel du 03 janvier 2001), ceci étant rendu possible depuis la parution de l’ouvrage publié par les historiens polonais du Musée d’Auschwitz en 1995. Lire dans le site Les dates de décès à Auschwitz.

Jean Toussaint a été déclaré «Mort pour la France».
Le titre de «Déporté résistant» lui a été attribué le 18 août 1953.
Son nom figure sur le monument aux morts de Vouel. 

Plaque de rue à Ternier

A la libération une rue de Vouel porte le nom de «Jean et Marceau Toussaint » (Marceau, né le 27 juin 1926 à Quessy, est le jeune frère de Jean. Engagé dans les armées de la Libération (régiment de marche N° 24), il est tué le 11 janvier 1945 lors des combats à Obenheim pour la défense de Strasbourg, lors de la contre offensive allemande). Une rue « Jean et Marceau Toussaint » existe désormais à Tergnier (la commune de Vouel y a été rattachée en 1974). 

 Sources

  • Témoignage de Roger Debarre (cassette audio 1987). Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (fiche individuelle consultée en octobre 1993).
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau indiquant généralement la date de décès au camp.
  • © Site Internet Mémorial-GenWeb
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Google Street-view.

Notice biographique rédigée en janvier 2011 (complétée en 2017 et  2020) par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de « Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 »« , éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce blog) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette biographie. Pour compléter ou corriger cette biographie, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com  

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