Joseph Verger : né en 1900 à Pont-sur-Yonne (Yonne) ; domicilié à Montereau (Seine-et-Marne) ; cultivateur, cheminot, chef de train ; secrétaire du syndicat CGT de Montereau ; fait prisonnier en mai 1940 ; libéré en tant que cheminot ; arrêté comme otage le 19 octobre 1941; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 2 septembre 1942.
Joseph Verger est né le 20 octobre 1900 à Pont-sur-Yonne (Yonne) au hameau de Gouts.
Il habite à Montereau (Seine-et-Marne) au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Eugénie Deligand, 26 ans née le 20 avril 1874 à Saint Sérotin (Yonne) et d’Ernest Verger, 25 ans, né le 17 février 1875 à Pont-sur-Yonne, cultivateur, son époux.
Il est issu d’une fratrie de neuf enfants (René né en 1895, Germain 1897-1945, Laure 1899-1981, Germaine 1902-1978, Paul né en 1905, Raymonde ; Alice ; et Yvonne en 1907.
Leurs parents se sont mariés le 15 juillet 1896, à Pont-sur-Yonne.
Son registre matricule militaire créé en mars 1920, indique qu’il habite à Pont-sur-Yonne et travaille comme cultivateur à cette date.
Joseph Verger mesure 1m 55, a les cheveux châtain, les yeux bleus, le front couvert, le nez moyen et le
visage rond. Il a un niveau d’instruction « n° 3 » pour l’armée (sait lire, écrire et compter, instruction primaire développée).
Conscrit de la classe 1920, il est appelé au service militaire le 15 mars 1920.
Il est incorporé le 18 mars au 167è Régiment d’Infanterie cantonné à Toul (Meurthe-et-Moselle). Il sera en occupation des pays rhénans jusqu’au 17 février 1922. Le 13 mars 1922 il est envoyé dans la disponibilité, « certificat de bonne conduite accordé).
Joseph Verger est embauché comme homme d’équipe au Chemin de fer Paris Lyon Méditerranée (PLM). Pour l’armée (5 juin 1925), cet emploi le fait alors « passer » théoriquement dans la réserve de l’armée active, à la 2è section des chemins de fer de campagne en tant qu’« affecté spécial » (il serait mobilisé à son poste de travail en cas de conflit).
Le 8 juin 1925 à Morlaix (Finistère), Joseph Verger épouse Marie-Louise Parc, née le 24 novembre 1899 dans cette commune.
Le couple a trois enfants : deux jumeaux, Guy et Jean nés en 1926, et une fille, Paulette, née en 1927.
Le 2 mars 1928, Joseph Verger est conducteur au PLM, à Montereau (et change donc de subdivision d’affectation pour la réserve de l’armée, mais toujours comme « affecté spécial » potentiel).
A partir du 9 mars 1928, il habite au 2, Chemin du halage de l’Yonne à Montereau.
Depuis septembre 1936 Joseph Verger est secrétaire du syndicat CGT des cheminots de Montereau-Fault-Yonne.
Chef de train, il est en octobre 1938, sur la liste des candidats présentés par la CGT lors de l’élection des délégués auprès du chef de l’arrondissement Exploitation de Paris du réseau Sud-est (in le Maitron).
En janvier 1939 la direction générale de la Sûreté auprès du Ministère de l’intérieur sollicite les préfets pour connaître « l’organisation et l’activité de chacun des partis extrémistes » de leur département, dont les cellules du parti communiste.
Dans le rapport du Préfet de Seine-et-Marne, qui est encore Hyacinthe Tomasini (nommé en 1935, remplacé de juin 1940 à novembre 1941 par Pierre Voizard), pour le Parti communiste de Montereau, il indique que : « 15 cellules composent le secteur et comprennent environ 700 adhérents (…). Pour la SNCF : Cellule Montereau-cheminots. – 40 membres. Secrétaire : M. Verger Joseph, président des réformés et anciens combattants communistes».
Selon son registre matricule militaire, le 2 septembre 1939, il est maintenu comme affecté spécial sur son poste de travail. Mais le 13 janvier 1940, il est rattaché à la classe de mobilisation 1914 (article 58, comme père de 3 enfants). Il serait « démobilisé de fait comme affecté spécial à compter du 25 juin 1940 » (D.M.). Toutefois, selon une source familiale, il est radié de cette affectation spéciale le 13 décembre 1939, et Joseph Verger est envoyé au dépôt du 4è Régiment d’Infanterie. Son unité recule devant l’offensive allemande du côté de Dunkerque et il est fait prisonnier à la fin du mois de mai 1940.
Le 14 juin 1940, les troupes allemandes sont à Meaux ; le 15 juin à Brie-Comte-Robert et à Melun. Montereau est bombardée. Le dimanche 16 juin 1940, des éléments motorisés de la Werhmacht franchissent la Seine à Valvins sur un pont de bateaux. Ils traversent Avon avant d’entrer dans Fontainebleau, précédant le gros des troupes. Le 14 juin, l’armée allemande était entrée par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cessant d’être la capitale du pays et devenant le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne et les départements voisins les jours suivants. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Le 1er août 1940, Joseph Verger est libéré pour être remis à la disposition de la SNCF et retrouve son poste à Montereau. Cette information est tout à fait plausible, même si le registre matricule militaire ne fait état ni d’une radiation de l’affectation spéciale, ni d’une captivité. En effet Joseph Verger, comme la quasi-totalité des affectés spéciaux syndicalistes et/ou communistes, a été radié de l’affectation spéciale et « affecté en domicile », donc mobilisé. L’armée n’a pas pris en compte son rattachement à la classe 1914, survenu seulement en janvier 1940, alors qu’il est déjà sous les drapeaux. Sa libération en tant que cheminot d’un des camps provisoires de prisonniers entre alors dans le cadre des accords de la commission de Wiesbaden (1).
Sous l’Occupation, il est soupçonné par les R.G. d’être le responsable d’un groupe clandestin de cheminots ex-communistes. Il est convoqué en juin 1941 au commissariat spécial de Melun. Sans suite.
Mais le 4 septembre 1941, le commissaire de police de Montereau adresse un rapport le concernant au préfet de Seine-et-Marne : « Depuis la dissolution du Parti communiste, aucun fait de propagande n’a pu être relevé contre lui. Ses chefs de service entendus reconnaissent qu’il s’est beaucoup amendé et qu’il semble avoir abdiqué ses anciennes opinions politiques, car il s’abstient actuellement de toutes discussions sur ce sujet. Il est très difficile de savoir si l’on se trouve en présence d’un individu qui cache adroitement ses desseins et qui se livre à une propagande clandestine, ou si vraiment ses idées politiques se sont transformées. Une surveillance concernant son activité est extrêmement difficile à assurer en raison des fonctions qu’il assume à la SNCF. En qualité de chef de train, ses heures de services sont très irrégulières et il est appelé de jours comme de nuits à de nombreux déplacements. Il est certain que ces circonstances lui sont favorables s’il est exact qu’il se livre à une propagande communiste au sein de la SNCF ».
Joseph Verger est arrêté à son domicile le 19 octobre 1941 en même temps que Charles Fourmentin de Montereau. De nombreux élus ou militants communistes du département sont arrêtés les 19 et 20 octobre. Parmi eux, 44 seront déportés à Auschwitz.
Lire dans le site la rafle des communistes en Seine-et-Marne, octobre 1941.
Charles Fourmentin et Joseph Verger sont transférés par un convoi sous escorte militaire à la caserne de Reuilly à Paris, puis au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), le 19 octobre 1941. Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Joseph Verger est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation à Auschwitz n’est pas connu. Le numéro « 46185 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Joseph Verger meurt à Auschwitz le 2 septembre 1942 d’après son certificat de décès établi au camp pour le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 1275).
Sa fiche d’état civil établie en France à la Libération porte encore la mention « décédé en septembre 1942 à Auschwitz (Pologne)». Il est regrettable que le ministère n’ait pas corrigé cette date, à l’occasion de l’inscription de la mention « mort en déportation » sur son acte de décès (Journal officiel du 08 juillet 2001), ceci étant rendu possible depuis la parution de l’ouvrage publié par les historiens polonais du Musée d’Auschwitz en 1995.
Lire dans le site Les dates de décès à Auschwitz.
Par un arrêté de janvier 1949 paru au Journal Officiel du 20 juillet 1949, Joseph Verger est homologué « adjudant-chef à titre posthume » au titre de la Résistance intérieure française, avec prise de rang au 1er octobre 1941.
Son nom est inscrit sur la plaque commémorative « aux patriotes Monterelais, arrêtés, déportés et morts dans les camps hitlériens » à Montereau-Fault-Yonne, honorant la mémoire de 12 déportés, dont trois « 45 000 » (Charles Fourmentin, Joseph Verger, René Trillaut).
- Note 1 : La libération des cheminots de zone occupée prisonniers de guerre est ratifiée par la Commission allemande de Wiesbaden, très rapidement, à la mi-juillet ; comme l’indique la délégation française dans son compte rendu pour la période allant du 12 au 15 juillet 1940
: « Le personnel français des Chemins de fer et des Ponts et Chaussées actuellement en captivité sera ramené à son lieu de travail antérieur si celui-ci est en zone occupée. Il sera mis en congé de captivité, avec engagement formel de rentrer le cas échéant dans un camp de prisonniers de guerre. Les prisonniers de guerre congédiés seront avisés d’avoir à se présenter sans délai à leurs anciens postes civils« . In Christian Bachelier, «La SNCF sous l’Occupation allemande 1940‐1944», Rapport documentaire, 1996.
Sources
- Division des archives des Victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (fiche individuelle consulté en 1992).
- Site Internet mémorial « GenWeb ». Photo © Stéphane Protois.
- « La Résistance en Seine et Marne« , Claude Cherrier et René Roy, (Presses du Village).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Archives départementales de Seine-et-Marne, cabinet du préfet : arrestations allemandes, secteur de Provins, dossier individuel et fonctionnaires
appartenant au PCF. - Le Cheminot Syndicaliste, organe de l’Union de syndicats du PLM puis du Sud-est, 25 septembre 1936, 25 février 1937, 25 février, 10 octobre 1938, 25 février 1939 (Institut d’histoire sociale de la Fédération CGT des cheminots).
- Archives en ligne de l’Yonne. Etat civil et Registres matricules militaires.
Notice biographique installée en 2011, complétée en 2017 et 2022 par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) . Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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