© Musée de la Résistance de Blois
Francis Gauthier à Auschwitz  le 8 juillet 1942

Matricule « 45.581 » à Auschwitz

Francis Gauthier : né en avril 1905 à Thenay (Loir-et-Cher) où il est domicilié au moment de son arrestation ; camionneur ; communiste ; arrêté le 1er mai 1942 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 13 août 1942

Francis Gauthier est né le 27 avril 1905 à Thenay (Loir-et-Cher).
Il habite à Thenay (Loir-et-Cher) au moment de son arrestation. Il est le fils de Silvine, Augustine Ravoy et d’Octave, Théophile, Joseph Gauthier, Vigneron et tonnelier, son époux. En 1919, après la démobilisation de son père, ses parents habitent Dourdan (Seine-et-Oise / Essonne).
Francis Gauthier est marié avec Léonie Audon, née le 11 avril 1910 à Fontaine-en-Sologne (Loir-et-Cher). Le couple a une fille, Marlène, qui naît à Paris 14° le 20 mai 1934.
Le 21 novembre 1935 son père, un militant coopérateur, «crée à Thenay une cellule du Parti communiste dont il fut le secrétaire. Avec son neveu Didier Beaudoin il participa à la création et à l’animation du comité antifasciste Amsterdam-Pleyel de la commune qui, trois étés de suite, organisa à Thenay une grande fête populaire» (le Maitron).
En 1936, selon les inscriptions sur les listes électorales de Malakoff (Seine / Hauts-de-Seine), Francis Gauthier est inscrit sur les listes électorales de cette ville et il est domicilié au 9 bis, rue Joissains. Il y habite avec son épouse Léonie et leur fille Marlène. Il travaille comme chauffeur-livreur chez Rochette à Malakoff. Son épouse est employée des PTT.
Francis Gauthier revient dans le Loir-et-Cher et travaille comme chauffeur de camion à Thenay, chez le vigneron-marchand de vin Maxime Sanson (il sera lui aussi déporté en 1944).

Bombardement de Blois

Le 14 juin 1940, la Wehrmacht défile à Paris, sur les Champs-Élysées. La ville cesse alors d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. la moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Les 15 et 16 juin 1940, bombardements intenses de la Luftwaffe  sur Montrichard, Blois et Vendôme. Le 22 juin, l’armistice est signé : la moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le pays est coupé en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée et celle administrée par Vichy. Le 1er juillet, elle passe par le département du Loir-et-Cher en suivant le cours du Cher, de Châtres jusqu’à Chissay (à l’exception de Selles-sur-Cher qui demeure en zone occupée). Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Après l’armistice, Francis Gauthier
et son père assurent la distribution de journaux clandestins. Utilisant son métier de camionneur, Francis fait passer du courrier et des passagers clandestins de la zone sud à la zone occupée.

Francis Gauthier est arrêté avec son père le 22 juin 1941, par des gendarmes français et allemands, dans le cadre de la grande rafle commencée le 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique. Deux autres militants sont arrêtés le même jour et seront comme Francis déportés à Auschwitz : Roger Clément et Clotaire Paumier.
Sous le nom « d’Aktion Theoderich », les Allemands arrêtent plus de mille communistes et syndicalistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy (la Maison d’arrêt de Blois pour les Loir-et-Chérins arrêtés), ils sont envoyés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht et qui ce jour là devient un camp de détention des “ennemis actifs du Reich”.
Le fils et le père sont transférés à Compiègne. Francis Gauthier a été condamné à 6 mois de prison pour «passage de courrier» (ADIRP 41). Son père est emmené le 15 avril 1942 à la citadelle d’Amiens en tant qu’otage et fusillé le 30 avril. Francis Gauthier est libéré en avril 1942.
Clotaire Paumier mentionne cette libération dans une lettre à ses parents, depuis Compiègne le 13 avril 1942 : « ne vous occupez pas comment cette lettre est parvenue… Tout à l’heure quelques libérations, le fils Gauthier, Lacarde de Chailles ».
A peine libéré, Francis Gauthier, est à nouveau arrêté, le 1er mai 1942, dans la rafle des 1er et 2 mai 1942 qui concerne 140 communistes ou présumés tels (dont certains avaient déjà été arrêtés lui en 1940 ou 1941) dans 3 départements (Cher, Loir-et-Cher, Loiret). Elle est opérée en représailles à la mort d’un Feldgendarme à Romorantin la nuit du 30 avril 1942. Lire : Romorantin le 1er mai 1942 : un Feldgendarme est tué, un autre blessé. Arrestations, exécutions et déportations .
13 romorantinais sont arrêtés. Six d’entre eux seront déportés à Auschwitz : Moïse Bodin,  Victor Budin, Gustave Crochet, Octave Hervaux, Edouard Roguet, Daniel Pesson.
Francis Gauthier est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122), probablement le 5 ou le 9 mai 1942, en vue de sa déportation comme otage.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, voir les deux articles : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942)  et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Francis Gauthier est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Aushwitz-Birkenau.

Francis Gauthier est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45581″Sa photo d’immatriculation à Auschwitz (2) a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession.

Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Francis Gauthier meurt à Auschwitz le 13 août 1942 (date inscrite dans les registres du camp et transcrite à l’état civil de la municipalité d’Auschwitz ; in Death Books from Auschwitz, Tome 2, page 336). Son numéro matricule a été relevé par la Résistance du camp, qui a copié le livre de la morgue, un jour où les médecins SS ont assassiné des déportés, dont plusieurs « 45000 », par une piqûre de phénol dans le cœur photo ci-contre). Document ci-dessus : en accolade on lit le mot polonais “spizla” (seringue). In Death books from Auschwitz. Reports p.120Lire l’article du site : Des causes de décès fictives.
Sa fiche d’état civil établie en France à la Libération portait la mention «décédé en octobre 1942 à Auschwitz (Pologne)». Il est regrettable que le ministère n’ait pas corrigé cette date, à l’occasion de l’inscription de la mention « mort en déportation » sur son acte de décès (Journal officiel du 1er décembre 1992), ceci étant rendu possible depuis la parution de l’ouvrage publié par les historiens polonais du Musée d’Auschwitz en 1995. Lire dans le blog Les dates de décès à Auschwitz.
Son nom et celui de son père ont été donnés à deux rues de la commune. 

Une rue de Thenay porte son nom

Ils sont honorés sur le monument aux morts de Thenay, au Rond Point devant l’église, ainsi que ceux de Pierre Girault, ancien maire de Thenay et Maxime Samson. 

  • Octave Théophile Joseph Gauthier, né le 21 décembre 1881 à Thenay, tonnelier, a été arrêté le 22 juin 1941 en raison de son engagement politique. Interné au camp de Compiègne, il a été fusillé le 30 avril 1942 à la citadelle d’Amiens. Son corps n’a pas été transféré à Thenay. Sur proposition du ministre des Anciens Combattants, il
    a été honoré avec la mention «  Mort pour la France  ». Une rue de Thenay, une partie de la route de Sambin, depuis le monument aux morts, porte son nom.
  • Maxime Siméon Samson est né à Thenay le 19 février 1879, vigneron et négociant en vin. Il est membre de Libération-Nord et participe à la Résistance, avec son réseau. Il utilise notamment ses véhicules pour transporter du courrier, des armes et faire passer la ligne soit à Montrichard, soit à St. Aignan. Arrêté le 8 juin 1944, à Thenay. Il est déporté vers le camp de Neuengamme dans le convoi du 15 juillet 1944. Il  y meurt le 29 novembre 1944.
    Pierre Girault est né à Thenay le 23 novembre 1891. Viticulteur, il est maire de Thenay. Il était aussi conseiller d’arrondissement de Blois. Il est membre du réseau de Résistance Libération-Nord. Il est arrêté le 8 juin 1944, le même jour que son ami Maxime Samson. Il est déporté dans le convoi du 15 juillet 1944, vers le camp de Neuengamme. Puis, affecté à Sandbastel. Le registre du camp indique qu’il y meurt du typhus, en mai 1945.
  • Note 1 : Le président de l’ADIRP du Loir et Cher, Georges Larcade, a communiqué en 1977 à la commission d’histoire de la FNDIRP le résultat de son enquête auprès des familles de résistants et déportés à propos des causes de l’arrestation des Loir et Chériens le 1ermai 1942. Il me l’a confirmé par lettre en 1990. «Dans la nuit du 31 avril au 1er mai 1942, de jeunes FTP distribuaient des tracts et collaient des affiches à Romorantin lorsqu’ils furent surpris par deux Feldgendarmen. Un jeune, chargé de la protection des afficheurs, ouvrit le feu. Un Feldgendarme a été tué, l’autre grièvement blessé. Dès le lendemain, une vague de répression s’abattit dans la circonscription de la Kreiskommandantur de Romorantin. Cinq jeunes communistes du Loir et Cher, déjà arrêtés soit par les Allemands, soit par la police françaises, certains même incarcérés depuis plusieurs mois, furent fusillés le 5 mai. Une cinquantaine d’hommes soupçonnés d’être communistes furent arrêtés les 1er et 2 mai. Certains ont été relâchés par la suite, les autres, après avoir été transférés à Compiègne, ont fait partie (avec cinq autres Loir et Chériens arrêtés le 22 juin 1941 et déjà à Compiègne depuis plusieurs mois), du fameux convoi du 6 juillet 1942 pour Auschwitz». Dans «Combattants de la Liberté – La Résistance dans le Cher» Marcel Cherrier relatant le 1erMai 1942 évoque cet événement «le hasard veut qu’au même moment, à Romorantin, une équipe de jeunes conduite par Max Tenon exécute deux Feldgendarmen» et il cite le nom des huit militants fusillés parmi les quarante otages arrêtés dans le Cher à cette occasion (c’est la même région militaire, les représailles décidées par les Allemands).
  • Note 2 : 522 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres
    de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • « La Résistance dans le Loir-et-Cher « , Op. édité par l’ANACR en 1964.
  • Liste établie en 1977 par le président de l’ADIRP du Loir et Cher, Georges Larcade, et communiquée à la commission d’histoire de la FNDIRP.
  • Photo d’avant guerre de Francis Gauthier : musée de la Résistance de Blois. Photo ARMREL.
  • Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Bureau de la division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (fiche individuelle consultée en décembre 1992).
  • Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom. Note de D. Lemaire sur Octave Gauthier.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau indiquant généralement la date de décès au camp (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, Caen).
  • Liste électorales 1936, malakoff
  • Registre matricule militaire de son père (Blois classe 1901).
  • © Site Internet Mémorial-GenWeb
  • © Site www.mortsdanslescamps.com
  • Photo de Blois sous les bombes ©  Ville de Blois

Notice biographique rédigée en novembre 2010, complétée en 2015, 2018, 2019 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à  deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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