Louis Morel © SHD Caen

 

Matricule « 45.896 » à Auschwitz

Louis Morel : né en 1902 à Besançon (Doubs) ; domicilié à Salins-les-Bains (Jura) ; manœuvre, chauffeur d'auto ; arrêté en octobre 1940, puis le 26 février 1942 ; communiste ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 19 septembre 1942.

Louis Morel est né le 12 avril 1902 à Besançon (Doubs).
Il habite au 31, rue d’Olivet à Salins-les-Bains (Jura) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Jeanne, Augustine Convert, 22 ans, journalière et de Charles, Séraphin Morel, 25 ans, jardinier, puis journalier à la Compagnie des Tramways, ouvrier d’usine, son époux.
Son père est inscrit sur la liste des antimilitaristes du Doubs pour 1912 (le fameux carnet B) « signalé en 1907 et pendant la grève des soieries ». Son père, soldat au 42ème Régiment d’Infanterie est tué le 8 avril 1915 lors de la bataille de l’Aisne à Berny-Rivière. Louis Morel sera adopté par la nation le 22 janvier 1919, ainsi que ses deux sœurs et frère : Hélène, née le 20 août 1904 et Eglantine, née le 12 août 1907) et un frère cadet, Eugène, né le 15 octobre 1909.  
En 1921 la famille habite au 5, chemin de la Vaite à Besançon. Sa mère est journalière chez Chevalme, rue de la Pernotte, et Louis est manœuvre aux Économiques Bisontins. Hélène est bonnetière chez Druhen, usine textile rue de la Liberté.

Louis Morel épouse Renée, Alix Cornu le 9 septembre 1925 à Salins. Elle est née à Salins en 1907. Le couple a une fille, Jeannine, Mathilde, Charlotte, née le 2 février 1926 à Salins. 

Louis Morel est membre du Parti communiste avant-guerre. En 1938, il est brièvement rappelé à « l’activité militaire » lors de la crise des Sudètes. Il est mobilisé à la déclaration de guerre. 

Le 15 juin 1940 , la Wehrmacht entre en Franche-Comté. C’est la guerre-éclair. Dans le Jura, elle ne rencontre pratiquement pas de résistance, l’armée française s’étant repliée sur le Haut-Doubs et la frontière Suisse. Le 22 juin, l’armistice est signé : la moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Le Jura est coupé en deux par la ligne de démarcation, qui passe sur la commune d’Arbois, proche de Salins d’une dizaine de kilomètres. 

Louis Morel, semble avoir été “passeur” (notamment le passage de la zone occupée en “zone libre” des prisonniers de guerre évadés, dont certains s’arrêtent au restaurant. Chauffeur d’auto, il assure également le passage de courrier d’habitants de Salins. 

En octobre 1940, Louis Morel est arrêté une première fois par les Allemands
pour cette activité de passeur et il est condamné à sept semaines d’emprisonnement par un tribunal siégeant à Arbois.  Il est écroué dans la prison de cette ville. En 1942, la famille habite au 31, rue d’Olivet à Salins. Son épouse y a repris le café-restaurant de ses parents. Louis est chauffeur d’auto. 

Il est arrêté à nouveau le 26 février 1942 au matin par des Feldgendarmen. Il est alors emmené en même temps qu’un chirurgien de Salins, au siège de la Gestapo de Besançon, installé dans l’hôtel de Lorraine. Cette arrestation est semble-t-il ordonnée en représailles à un attentat à la grenade contre des militaires allemands en traitement à l’hôpital de Châlons-sur-Marne : 65 otages sont arrêtées. On notera également que le 26 février 1942 à Reims et Châlons-sur-Marne, 18 Marnais sont arrêtés par les Feldgendarmen assistés par la police française en représailles à une action armée contre un soldat allemand à Dijon et des sabotages de voies ferrées à Chalon-sur-Saône, Le Creusot et Montceau-les-Mines. Il est écroué une semaine à la prison de la Butte à Besançon. Louis Morel est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent dès le 19 octobre 1941 au camp de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122). A Compiègne, Louis Morel fait partie du nouveau petit groupe des cuisiniers, avec Louis Eudier, Legal, Georges Terrier, Gaston Mallard, Louis Richard, Jean Tarnus, Louis Richard), groupe désigné par Georges Cogniot (le «doyen» du camp pour les allemands, mais qui est également responsable de l’organisation communiste clandestine). Depuis le camp de Compiègne, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, voir les deux
articles du blog : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942)  et «une déportation d’otages»

Depuis le camp de Compiègne, Louis Morel est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le blog le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le blog : Le KL Aushwitz-Birkenau.

Louis Morel est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45896 » selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a été pas retrouvée parmi les 522 photos que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.  Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale » Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Louis Morel meurt à Birkenau (témoignage d’Henri Peiffer) le 19 septembre 1942, d’«entérite et de faiblesse du corps» selon le registre de l’infirmerie du camp. Cette date est celle d’une importante «sélection» des «inaptes au travail» destinés à être éliminés dans les chambres à gaz de Birkenau (la date de décès de Louis Morel est inscrite dans les registres du camp et transcrite à l’état civil de la municipalité d’Auschwitz ; in Death Books from Auschwitz, Tome 2 page 828). Cette date a été reprise par l’arrêté du 31 juillet 1997 portant apposition de la mention “Mort en déportation” sur son acte de décès. Il a été déclaré « Mort pour la France ». Le titre de « Déporté politique » lui a été attribué en 1954. Le nom de Louis Morel est inscrit sur le monument aux morts de Salins, au carrefour des routes départementales 472 et 492.

Sources

  • Musée de la Résistance et de la Déportation de Besançon (correspondance avec Mme Elizabeth Pastwa, conservateur, 23 nov. 1991).
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (fiche individuelle consultée en janvier 1992).
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau indiquant généralement la date de décès au camp (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains, Service historique du Ministère de la Défense, Caen).
  • Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Archives de Caen du ministère de la Défense). « Liste communiquée par M. Van de Laar, mission néerlandaise de Recherche à Paris le 29.6.1948« , établie à partir des déclarations de décès du camp d’Auschwitz. Liste V (n° 31928) – Liste S (n°248).
  • © Site « Mémoire vive ».
  • © Site Internet Mémorial-GenWeb
  • © Site www.mortsdanslescamps.com
  • Dessin du char allemand : Musée de Belfort, publication.

Notice biographique rédigée en février 2011, modifiée en 2017 et 2021 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de « Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000» », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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