Matricule « 46 314 » à Auschwitz

Marcel Wolff est né le 9 octobre 1897 à Epinal (Vosges) où il est domicilié ; rédacteur commercial ; arrêté comme passeur en avril 1942 ; condamné à 3 mois de prison à Besançon et interné au camp de Compiègne ; déporté comme otage juif le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 10 août 1942.

Marcel Wolff est né le 9 octobre 1897 à Epinal (Vosges). Il habite au 1, rue Lormont dans cette ville au moment de son arrestation.
Il est le fils de Pauline Moch, 32 ans, sans profession et d’Abraham dit Alfred Wolff, 30 ans, négociant en tissus à Epinal, son époux. Ses parents y sont domiciliés au 4, rue des Halles.
Il a un frère cadet, Georges, né en 1899 et une sœur, Jeanne, née en 1901. Un autre frère est mort-né en 1903.
Selon sa fiche matricule militaire Marcel Wolff mesure 1m 60, a les cheveux châtains et les yeux brun clair, le front étroit et le nez fort. Il a le visage ovale.
Au moment du conseil de révision, il est élève à l’Ecole industrielle d’Epinal. Il a un niveau d’instruction « n° 3 » pour l’armée (sait lire, écrire et compter, instruction primaire développée).
Conscrit de la classe 1917 Marcel Wolff aurait dû être mobilisé par anticipation en 1916, comme tous les jeunes hommes de sa classe après la déclaration de guerre. Mais les conseils de révision de 1915, 1916, 1917 et 1918 l’ajournent à chaque fois pour « faiblesse ». Il ne sera pris « bon pour service armé » que par le conseil de révision de 1920 et affecté comme réserviste au 149è Régiment d’infanterie.
En 1921, il habite chez ses parents au 4, rue des Halles à Epinal et il travaille comme rédacteur à la chambre de commerce.
En 1926, il a déménagé au 1, bis rue Lormont chez sa tante Elise Wolff (âgée de 64 ans) et il exerce la fonction de secrétaire à la Chambre de commerce d’Epinal.

Le Télégramme des Vosges, 12 mars 1930

En 1930, il est le successeur désigné par Henri Jacques, agent général de la Société des Auteurs compositeurs dramatiques des Vosges.
En 1936, il a déménagé dans la même rue et habite – seul – au 1, rue Lormont.
Dans l’Histoire de la Communauté juive d’Épinal, les auteurs soulignent le rôle majeur de la communauté israélite dans la vie publique de la cité, mentionnant la Chambre de Commerce, où nous savons que travaille Marcel Wolff comme secrétaire « Jules Weiller est le trésorier de la Chambre de Commerce, Marcel Wolff son secrétaire général et Paul Bernheim son deuxième vice-président » (in © A . S . I . J . A .). Selon le « Télégramme », il est secrétaire adjoint.

La « drôle de guerre » prend fin le 10 mai 1940 avec l’attaque allemande aux Pays-Bas, au Luxembourg et en Belgique. Après la percée allemande à Sedan, les troupes allemandes envahissent la Lorraine. Au mois de juin 1940, le génie fait sauter les ponts d’Épinal défendus par les troupes Françaises en retraite. Le 11 juin 1940, les Allemands bombardent le viaduc de Bertraménil. Le 22 juin 1940, l’armistice est signé. Le département des Vosges se trouve désormais dans la « zone interdite » allemande qui s’étend de la mer du Nord à la frontière suisse, sans qu’aucune mention spécifique n’en ait été faite dans les conventions d’armistice. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Dès l’été 1940, une poignée d’hommes et de femmes forment les premiers groupes de Résistance dans le contexte de la défaite militaire, de l’occupation, de la mise en place du régime de Vichy. Au PCF, dans la clandestinité depuis septembre 1939, les premières structures sont opérationnelles à l’automne 1940. La Résistance spinalienne paiera le prix fort (72 fusillés, 60 déportés).

Marcel Wolff fait partie d’une organisation qui favorise l’accueil et l’évasion des prisonniers de guerre français. En mars 1942, des Allemands se présentent à son bureau pour l’arrêter, mais il réussit à s’enfuir : il est arrêté alors qu’il essayait de passer la ligne de démarcation. Il est écroué le 3 avril 1942 à la division allemande de la Maison d’arrêt de Besançon (Doubs).
Le 10 avril, le tribunal militaire de la
Feldkommandantur de Besançon le condamne à trois mois de prison. Il est transféré depuis la prison de Besançon le 17 juin pour la Maison d’arrêt de Dole (Jura).
A la demande des autorités allemandes, il est transféré au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122).

Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
lire aussi
 « la solidarité à Compiègne envers les Juifs du camp C »). 

Depuis le camp de Compiègne, Marcel Wolff est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule « 46 314 » selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, dont tous les Juifs du convoi, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Marcel Wolff meurt à Auschwitz le 10 août 1942 d’après le registre d’état civil du camp  d’Auschwitz (Death Books from Auschwitz, tome 3 page 1361) ou le 11 août 1942 (liste officielle n°3 des ACVG).

« Les victimes les plus menacées par [les] actions criminelles [des SS et des Kapos] sont en premier lieu les Juifs. Sur les cinquante et un « 45 000 » morts au cours du premier mois (entre le 8 juillet et le 8 août), 21 étaient des Juifs. Le 18 août au matin, 40 jours après l’arrivée, 34 d’entre eux avaient perdu la vie (soit 68 % de leur nombre total) ; dans le même temps, cent quarante deux « 45 000 », appartenant aux autres catégories d’otages, avaient disparu, soit 13 % d’entre eux. La froide éloquence de ces statistiques est confirmée par les récits des «45 000» rescapés ». (in « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942″, pages 145-146).

Lire l’article : Les déportés juifs du convoi du 6 juillet 1942  
Lire également : Les Juifs rapidement décimés après leur arrivée à Auschwitz

Il est déclaré « Mort pour la France » (jugement du tribunal civil d’Epinal du 18 juin 1947). Il ne figure pas au Journal officiel comme « Mort en déportation » dans la mesure où la mention marginale de son acte de naissance indique toujours : « Mort à Compiègne en avril 1942″, qui est le mois de son transfert au camp de Compiègne.

Il est homologué (GR 16 P 604114) au titre de la Résistance intérieure française (RIF) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance.
Le nom de Marcel Wolff est honoré sur le monument aux morts d’Epinal, face à la Préfecture.
Il est inscrit sur le « Mur des Noms » du Mémorial de la Shoah à Paris en tant que « Marc Wolff ».

Sources

  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en avril 1992 par Fernand Devaux, rescapé du convoi.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Les Juifs dans les Vosges, par Gilles Grivel, Professeur d’histoire au lycée Jean-Lurçat de Bruyères, in revue Relations, Épinal, mai-juin 1994.
  • © Site Mémorial an Museum Auschwitz-Birkenau.
  • © Site Internet Mémorial-GenWeb
  • © Sitewww.mortsdanslescamps.com
  • Registres matricules militaires des Vosges
  • Etat civil et recensement des Vosges.

Notice biographique rédigée à l’occasion de l’exposition organisée en octobre 2001 par l’AFMD de la Vienne à Châtellerault, complétée en 2011 et 2022 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942», Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce siteg) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com.

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