Matricule « 45 760 » à Auschwitz
Maurice Lefebvre : né en 1907 à Duclair (Seine-Inférieure / Seine-Maritime), où il est domicilié ; moniteur pour apprentis chaudronniers ; militant CGT, communiste ; arrêté le 22 octobre 1941; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 11 octobre 1942.
Maurice Lefebvre est né le 29 juin 1907 à Duclair (Seine-Inférieure / Seine-Maritime). Il habite Duclair au moment de son arrestation (la destruction et l’incendie de la mairie de Duclair en 1944 ont fait disparaître la plupart des documents d’état civil).
Il est le fils d’Eugénie, Jeanne, Douyère et de Gustave Albert Lefebvre, né à Duclair en 1875 (mariés à Heurteauville le 2 mai 1902). Le père de Maurice Lefebvre meurt à Duclair le 22 mai 1913.
Maurice Lefebvre est moniteur pour apprentis chaudronniers aux ACMS, Ateliers et Chantiers de la Seine Maritime, créés au Trait – commune voisine de Duclair – en 1917, par Hippolyte Worms.
Maurice Lefebvre épouse Jeanne, Adolphine, Hélène Gouard le 17 octobre 1931 au Mesnil-sous-Jumièges (Seine-Inférieure). Elle y est née le 21 juin 1913 (elle est décédée à Dax en 1996).
Maurice Lefebvre est membre du Parti communiste. Il est militant de la CGT aux ACSM.
Les troupes allemandes entrent dans Rouen le dimanche 9 juin 1940. Le 22 juin, l’armistice est signé : la France est coupée en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée de celle administrée par Vichy. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
La Feldkommandantur 517 est installée à l’hôtel de ville de Rouen et des Kreiskommandanturen à Dieppe, Forges-les-Eaux, Le Havre et Rouen. A partir de 1941, les distributions de tracts et opérations de sabotage par la Résistance se multipliant, la répression s’intensifie à l’encontre des communistes et syndicalistes. Dès le 22 juillet 1941, le nouveau préfet, René Bouffet, réclame aux services de police spéciale de Rouen une liste de militants communistes. Une liste de 159 noms lui est communiquée le 4 août 1941 avec la mention : « tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et par tous les moyens ». Ces listes, comportent la plupart du temps – outre l’état civil, l’adresse et le métier – d’éventuelles arrestations et condamnations antérieures. Elles seront communiquées à la Feldkommandantur 517, qui les utilisera au fur et à mesure des arrestations décidées pour la répression des actions de Résistance.
Pendant l’Occupation, Maurice Lefebvre est arrêté le 22 octobre 1941 par un gendarme français à son domicile, comme « membre du Parti communiste ». (L’Avenir Normand communique le nom de ce gendarme en 1945). Son arrestation est ordonnée par les autorités allemandes en représailles au sabotage (le 19 octobre) de la voie ferrée entre Rouen et Le Havre (tunnel de Pavilly)
Lire dans le site Le « brûlot » de Rouen.
Une centaine de militants communistes ou présumés tels de Seine-Inférieure, sont ainsi raflés entre le 21 et 23 octobre. Ecroués pour la plupart à la caserne Hatry de Rouen, tous les hommes appréhendés sont remis aux autorités allemandes à leur demande, qui les transfèrent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) entre le 25 et le 30 octobre 1941. Trente neuf d’entre eux d’entre eux seront déportés à Auschwitz.
Maurice Lefebvre est interné au camp allemand de Compiègne (Frontstalag 122) le 28 octobre 1941. Il y reçoit le numéro matricule « 2372 ».
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Maurice Lefebvre est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Maurice Lefebvre est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45 760» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Maurice Lefebvre meurt à Auschwitz le 11 octobre 1942 d’après le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 704).
A la Libération L’Avenir Normand , journal du PCF du 16 juin 1945 honore son nom à la rubrique « nos martyrs ».
Il est homologué au titre de la Résistance intérieure française (RIF) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance .
Le titre de «Déporté politique» lui a été attribué en 1954 (n° 1101.12071).
La mention «Mort en déportation» est apposée sur son acte de décès (Journal Officiel du 9 avril 1994).
Une rue de Duclair porte son nom.
Celui-ci est également gravé sur le monument aux morts près de l’église, et figure sur le site Internet de la ville, à la page «morts de la guerre en 1939/1945».
Il est également honoré sur le monument aux morts de Saumont-la-Poterie.
Son nom est honoré sur le monument commémoratif du PCF, dans la cour de la fédération du P.C.F. au 33 place Général de Gaulle à Rouen, « Frères, nous tenons à vous. Nous voulons éterniser cette aurore qui partage votre tombe blanche et noire, l’espoir et le Désespoir » (Paul Eluard).
Une cellule du PCF a porté son nom à Duclair. Elle intervient sous la signature du secrétaire de cellule, Jean Couturier, par une lettre ouverte, en 1946 à propos des problèmes de ravitaillement auprès du maire de Duclair, Jules Lioux.
Sources
- Témoignage de René Demerseman (45 453), qui l’avait connu à Compiègne, le n° 2371.
- Listes de déportés de Seine-Maritime établies à son retour de déportation par Louis Eudier in «Notre combat de classe et de patriotes, 1934-1945» (annexes).
- Liste de militants de la CGT fusillés ou déportés pour leur action dans la Résistance établie par la CGT de Seine Maritime.
- Listes incomplètes du registre de Compiègne reconstitué après-guerre, et recopiées par André Montagne, rescapé (les n° 236 à 648 et 933 à 1359) et Claudine Cardon-Hamet.
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains
(DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993. - © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
- © Site Internet Mémorial-GenWeb
- © Site www.mortsdanslescamps.com
- Courriel d’avril 2022 de M. Laurent Quevilly que je remercie vivement pour son envoi du portrait de Maurice Lefebvre paru dans L’Avenir Normand, journal du PCF du 16 juin 1945. Laurent Quevilly, Le Canard de Duclair http://jumieges.free.fr
- Mail de M. Laurent Quevilly en juin 2023 concernant le nom de jeune fille de la mère de Maurice Lefebvre.
Notice biographique rédigée par Claudine Cardon-Hamet en 2000 pour l’exposition de Rouen de l’association « Mémoire vive » des
“45000” et les “31000” de Seine-Maritime, complétée en 2006, 2011, 2018 et 2022. Docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 »,
éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation
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