Emile Fromentin : né en 1887 à Brest (Finistère) ; domicilié à Rouen (Seine-Inférieure) ; mécanicien-ajusteur ; communiste ; arrêté le 1er juillet 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 25 août 1942.
Emile Fromentin est né le 5 décembre 1887 à Brest (Finistère) au 31, rue du Moulin.
Il habite au moment de son arrestation au 40, rue du Rempart-Martinville à Rouen (Seine-Inférieure / Seine-Maritime), il est mécanicien-ajusteur.
Emile Fromentin est le fils de Jean, Marie, Pierre, Désiré Fromentin, 33 ans, deuxième maître magasinier de la flotte, et de Marie, Ambroisine Paul, son épouse, 20 ans.
Il a trois sœurs (Jeanne, née en 1883 ; Marie, née en 1885 et Marcelle née en 1904) et un frère (Joseph né en 1889).
Le registre matricule militaire (créé en 1921) d’Emile Fromentin indique qu’il est
domicilié à Brest au moment de la rédaction de la fiche.
Il est indiqué « marin » comme profession. Il mesure 1m 68, a les cheveux et yeux châtain, le front haut, le nez et la bouche moyens et le visage ovale.
Il a des taches de rousseur et plusieurs cicatrices (dont une de baïonnette) et de nombreux tatouages qui témoignent de son passé de marin colonial et de son passage dans les compagnies disciplinaires des Bataillons d’Afrique (un serpent dans un palmier, une tête et des cuisses de femme, « vive la classe 1910 », « campagne de Chine 1905-1907 », « Maroc 7, 8 ». En haut du bras « né sous l’étoile du malheur », 2 têtes de femme sur la poitrine, 1 ancre, 1 marin, 3 dominos, 1 étoile, 1 papillon…).
Conscrit de la classe 1907, Emile Fromentin signe un engagement volontaire dans la Marine, à la mairie de Brest le 11 décembre 1903. Il est incorporé aux équipages de la Flotte le même jour. Il est « apprenti marin » destiné à l’école des mécaniciens le 15 juillet mai 1904. Emile Fromentin passe au grade de matelot de 3ème classe le 5 septembre 1905. Il est vraisemblablement engagé dans la campagne de Chine (Tonkin) en 1905-1907 si l’on en croit un de ses tatouages. Il est ensuite engagé dans la campagne d’Algérie (« guerre ») du 15 février au 11 mars 1908.
Il est réduit au grade d’apprenti marin le 12 juin 1908 par le conseil de discipline siégeant à bord, et envoyé à la 2ème compagnie de discipline par le conseil de discipline siégeant à bord du croiseur-cuirassé le « Du Chayla » le 26 août 1908 et dirigé sur le dépôt d’Oléron le 27 septembre 1908.
Puis il est dirigé le 14 novembre sur la « portion centrale » de Biskra (i.e. portion où siège le conseil d’administration du corps et un ou plusieurs bataillon). Il y arrive le 24 novembre 1908.
Le 11 mars 1909, il est condamné par le conseil de guerre de Constantine à deux ans de prison et 15 F d’amende pour « outrage public ». Il est gracié du restant de sa peine le 9 octobre 1909 et le 9 novembre 1909 il passe à la 3ème compagnie de fusiliers de discipline (dépendant des Bataillons d’Infanterie Légère d’Afrique (BILA). Le 11 janvier 1910, il passe au 4ème Bataillon d’Afrique à Constantine. Chasseur de deuxième classe le 26 janvier 1910. Il passe dans la réserve de l’armée active le 6 novembre 1911, « certificat de bonne conduite refusé ».
Emile Fromentin épouse Julia Alphonsine Burel, le 27 janvier 1913 à la mairie de Saint-Pierre Quilbignon (rattachée à Brest en 1945).
Le couple a un garçon, Eugène, qui naît le 18 décembre de cette même année à Recouvrance (un faubourg de Brest). L’enfant décède le 17 mai 1917. Le couple a également une fille, Juliette Berthe, qui naît le 21 décembre 1916 à Quimper (elle est décédée à Vannes le 05 octobre 2002 ; archives municipales de Quimper / recherches de M. Dominique Caën).
Emile Fromentin est « rappelé à l’activité » par le décret de mobilisation générale du 1er août 1914. Il arrive au corps le 5 août 1914. Il est alors domicilié à Bordeaux, à La Bastide, 98, avenue Thiers. S’il manque à l’appel le 30 septembre 1914, il est finalement embarqué pour le Maroc, où il est affecté à la Compagnie de marche du 11ème groupe spécial le 21 août 1917 (Oujda et Médénine). Le 21 mai 1918, il est réhabilité par la cour d’appel de Rabat et affecté à la compagnie A du Maroc Oriental. Il est « rayé des contrôles « le 24 juillet 1918 (les Bat’d’Af’ à Vannes) et démobilisé à Brest le 15 mars 1919.
Entre 1919, 1920 et 21 il est à plusieurs reprises arrêté et condamné en correctionnelle à des amendes et courtes peines de prison pour « port d’arme prohibée » (Bordeaux, Le Havre). En août 1920, il habite Dunkerque au 12, rue de Nieuport.
On ignore son parcours entre 1920 et 1939. On sait seulement qu’il divorce de Julia Burel le 20 mai 1933. Julia Adolphine Burel est décédée le 12 mai 1934 à Cenon près de Bordeaux. Elle est alors journalière habitant à Cenon rue de la Bergerie (le décès été constaté par une amie Madame Marie David, journalière habitant avenue des quatre Pavillons (recherches de M. Dominique Caën).
En 1936 Emile Fromentin bénéficie de la carte du combattant au titre du 11ème groupe spécial.
On retrouve Émile Fromentin à Rouen en 1939 : selon les services de police, il est membre de la commission de propagande du Parti communiste pour la région et selon un rapport du 21 mars 1939, il est secrétaire de la cellule du quartier Saint-Hilaire où il habite. Pour les services de police, son épouse serait l’un des assesseurs de la cellule (sous le nom de Léa Fromentin). Comme nous savons qu’Emile est divorcé depuis 1933 de Julia Burel, il ne peut s’agir de son épouse, mais sans doute un membre de sa famille. Il vit alors maritalement avec Léa Vaissac.
Les troupes allemandes entrent dans Rouen et au Petit Quevilly le dimanche 9 juin 1940 pendant que brûlent les bacs à pétrole de la Shell à Petit-Couronne. Après la capitulation et l’armistice du 22 juin, La Feldkommandantur 517 est installée à l’hôtel de ville de Rouen. Petit Quevilly est placée par les Allemands sous le contrôle administratif du maire de Rouen jusqu’en 1941. A partir de 1941, les distributions de tracts et opérations de sabotage par la Résistance se multipliant, la répression s’intensifie à l’encontre des communistes et syndicalistes. Dès le 22 juillet 1941, le nouveau préfet (René Bouffet) réclame aux services de Police spéciale de Rouen une liste de militants communistes. Une liste de 159 noms lui est communiquée le 4 août 1941 avec la mention : « tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et par tous les moyens ». Ces listes, comportent la plupart du temps – outre l’état civil, l’adresse et le métier – d’éventuelles arrestations et condamnations antérieures. Elles seront communiquées à la Feldkommandantur 517, qui les utilisera au fur et à mesure des arrestations décidées pour la répression des actions de Résistance.
Emile Fromentin est connu des services de police, comme «communiste militant» (fiche au DAVCC), ce qui explique son arrestation, le 21 octobre 1941 lors des arrestations ordonnées par les autorités allemandes en représailles au sabotage (le 19 octobre) de la
voie ferrée entre Rouen et Le Havre (tunnel de Pavilly).
Lire dans le site Le « brûlot » de Rouen.
Une centaine de militants communistes ou présumés tels de Seine-Inférieure sont ainsi raflés entre le 21 et 23 octobre 1941. Ecroués pour la plupart à la caserne Hatry de Rouen, tous les hommes appréhendés sont remis aux autorités allemandes à leur demande, qui les transfèrent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122) entre le 25 et le 30 octobre 1941.
La moitié d’entre eux d’entre eux seront déportés à Auschwitz.
Il est interné avec d’autres Rouennais (bâtiments A2 et A3).
Le 8 décembre 1941, en réponse aux demandes du Haut commandement militaire dans le but de former un convoi de 500 personnes vers l’Est, la Feldkommandantur 517 de Rouen établit une liste de 28 communistes : «actuellement au camp de Compiègne et pour lesquels est proposé un convoi vers l’Est. Cette liste a été complétée de quelques personnes arrêtées à la suite de l’attentat du Havre du 7 décembre 1941». Le nom d’Emile Fromentin y figure avec le numéro 7.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Emile Fromentin est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante trois « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
On ignore son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942. Le numéro « 45 562 ?» inscrit dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Seule la reconnaissance, par un membre de sa famille ou ami de la photo d’immatriculation publiée au début de cette notice pourrait désormais en fournir la preuve.
En agrandissant le visage de Joseph Fromentin figurant sur la photo du mariage de la famille Caën, il nous a semblé qu’il y avait plusieurs points de ressemblance avec le visage du déporté portant le matricule n° « 45 562 » (même implantation des cheveux, nez et oreilles). Sans certitude toutefois.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Emile Fromentin meurt à Auschwitz le 25 août 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 319). Alors qu’une mention marginale à son acte de naissance, indique « décédé à Auschwitz le 25 août 1942« , il ne semble pas figurer au Journal Officiel comme « Mort en déportation ».
Sources
- Liste d’otages du 8 décembre 1941 (Centre de Documentation Juive Contemporaine XL III – 56).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès destinés à l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Etat civil de Brest. Archives en ligne.
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère dela Défense, Caen. Fiche
individuelle consultée en octobre 1993. - Site internet «Le Fil rouge», Institut CGT d’Histoire sociale de Seine Maritime.
- © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
- © Registres matricules militaires du Finistère.
- Remerciements à madame Armelle Guyot pour ses recherches généalogiques.
- Remerciements à M. Dominique Caën, dit Lion, pour la photo du mariage de ses parents, auquel assistait Joseph Fromentin. Et ses recherches aux archives de Quimper en 2021.
Notice biographique rédigée par Claudine Cardon-Hamet en 2000 pour l’exposition de Rouen de l’association « Mémoire vive » sur
les “45000” et les “31000” de Seine-Maritime, complétée en 2006, 2011, 2017, 2018 et 2021. Docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
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