Henri Marchand Photo de famille © Droits réservés
Henri Marchand : né en 1899 aux Lilas (Seine) ; domicilié à Paris 11ème  ; polisseur, biseauteur ; communiste ; arrêté le 22 septembre 1941, puis le 6 novembre 1941 ; interné aux camps de Rouillé et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 3 octobre 1942.

Henri Marchand est né le 22 mars 1899 au 5, rue Chassagnoles, aux Lilas (Les Lilas, commune de l’ancien département de la Seine, aujourd’hui Seine-Saint-Denis).
Henri Marchand est domicilié au 78, rue de la Folie-Regnault à Paris 11ème au moment de son arrestation.
Il est le fils de Berthe, Rose Héron, âgée de 28 ans, sans profession et de Victor, Lucien Marchand âge de 32 ans, polisseur, son époux (décédé en 1933, il est né le 21 mai 1867 à Appoigny, Yonne).
Ses parents habitent au 5, rue de Chassagnoles. Il a une sœur, Léone, née en 1906 et un frère, Albert, né en 1904.
Son registre matricule militaire nous apprend qu’il mesure 1m 66, a les cheveux châtains, les marrons clair, le front découvert, le nez busqué, le visage ovale. Au moment de l’établissement de sa fiche, il est mentionné qu’il travaille comme polisseur sur métaux.

Bords de Loire Photo de famille © Droits réservés

Il sera biseauteur puis ouvrier spécialisé (profession 37 selon l’ancien code des métiers). Il habite alors chez ses parents au 78, rue de la Folie Regnault à Paris 11ème. Il a un niveau d’instruction n° 3 pour l’armée (sait lire écrire et compter, instruction primaire développée). Il est titulaire du permis de conduire.
Conscrit de la classe 1919, il est recensé dans le département de la Seine (matricule 1676 du 4ème bureau). Il est mobilisé par anticipation (en vertu du décret de mobilisation générale) au début de 1918, comme tous les jeunes hommes de sa classe depuis la déclaration de guerre. Il est incorporé le 19 avril 1918 au 134ème Régiment d’infanterie. Le 7 juin 1919, il est affecté au 144ème Régiment d’infanterie (cette affectation est raturée). Il est « classé dans la disponibilité » et retourne à la vie civile le 21 mars 1921. Il est dispensé du rappel du 3 mai 1921 en opérations extérieures (occupation des Pays Rhénans, première occupation militaire de la Ruhr par l’armée française).

En 1921, alors qu’il est toujours domicilié chez ses parents, au 78, rue de la Folie-Regnault à Paris 11ème, il s’inscrit sur les listes électorales de l’arrondissement parisien.

Il se marie à Chandon (Loire) le 22 avril 1924 avec Marie, Henriette Robin. Femme de ménage, elle est née en 1901 dans le département de la Loire. Le couple a une fille, Solange, qui naît en 1925.
A partir de 1926, ils viennent habiter au 78, rue de la Folie Regnault à Paris 11ème dans un logement voisin de celui de ses parents. Henri Marchand exerce d’abord comme son père le métier de polisseur (biseauteur de miroirs), puis est embauché comme fraiseur aux usines Renault. Son père décède le 12 décembre 1933. Victor Marchand habitait alors au 8 passage de la Bonne Graîne à Paris 11ème .

Henri Marchand à Paris. Photo de famille © Droits réservés

En 1936, Henri Marchand travaille à Billancourt comme chauffeur. Sa sœur et son frère habitent avec leur mère. Léone est mécanicienne et Albert est ciseleur (recensements de 1931 et 1936).
Après la déclaration de guerre de septembre 1939 et la mobilisation générale, il est « rappelé à l’activité » le 26 janvier 1940, au dépôt du 26ème Régiment régional. Mais à partir du 6 février 1940, il est classé « affecté spécial » pour une durée illimitée (c’est à dire mobilisé sur son poste de travail) aux usines Renault, comme fraiseur.
Mais il est radié de cette affectation presque aussitôt après le 21 février 1940 et réaffecté au 40ème Régiment d’Artillerie Lourde.

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

La brigade spéciale N°1 de la Préfecture de Paris (la BS1) le présente comme «communiste dangereux» (note blanche).
Il est arrêté par la police française le 22 septembre 1941 pour « activité communiste » puis libéré le 25 du mois.

Il est de nouveau arrêté le 6 novembre 1941 par la police française, retenu au Dépôt de la Préfecture jusqu’au 10 novembre, puis il est interné administrativement au camp de Rouillé (1) sur décision du Préfet de police de Paris en application de la loi du 3 septembre 1940.

Archives du CDJC C-331-24

Début mai 1942, les autorités allemandes adressent au directeur du camp de Rouillé une liste de 187 internés qui doivent être transférés au camp allemand de Compiègne (le Frontstalag 122).
Le nom d’Henri Marchand (n°128) y figure.
C’est avec un groupe d’environ 160 internés (2) qu’ il arrive à Compiègne le 22 mai 1942.
La plupart d’entre eux seront déportés à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet.

Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Henri Marchand est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau

L’entrée du camp d’Auschwitz

Son numéro d’immatriculation lors de son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu. Le numéro « 45828 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par
matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz.

Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner au camp principal d’Auschwitz (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Henri Marchand meurt à Auschwitz le 3 octobre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 776 et © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau).
Ses camarades Georges Brumm et Lucien Penner ont témoigné que sa mort intervient à la fin de 1942.
La mention « Mort en déportation » est apposée sur son acte de décès (arrêté du 14 septembre 1994 paru au Journal Officiel du 21 octobre 1994). Cet arrêté porte néanmoins une mention erronée : décédé en 1942 à Auschwitz. Il serait
souhaitable que le ministère prenne désormais en compte par un nouvel arrêté la date portée sur son certificat de décès de l’état civil d’Auschwitz, accessible depuis 1995 (Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau). Lire dans le site l’article expliquant les différences de dates entre celle inscrite dans les «Death books» et celle portée sur l’acte décès de l’état civil français) Les dates de décès des « 45000 » à Auschwitz.

Henri Marchand est homologué « Déporté politique » le 23 mars 1955. Sur sa fiche au DAVCC, la personne à prévenir était Madame Lebouleux, rue du Chemin vert (Paris 11è).

  • Note 1 : Le camp d’internement administratif de Rouillé (Vienne) est ouvert le 6 septembre 1941, sous la dénomination de «centre de séjour surveillé», pour recevoir 150 internés politiques venant de la région parisienne, c’est-à-dire membres du Parti Communiste dissous et maintenus au camp d’Aincourt depuis le 5 octobre 1940. D’autres venant de prisons diverses et du camp des Tourelles. Il a été fermé en juin 1944. In site de l’Amicale de Chateaubriant-Voves-Rouillé.
  • Note 2 : Dix-neuf internés de la liste de 187 noms sont manquants le 22 mai. Cinq d’entre eux ont été fusillés (Pierre Dejardin, René François, Bernard Grimbaum, Isidore Pertier, Maurice Weldzland). Trois se sont évadés (Albert Belli, Emilien Cateau et Henri Dupont). Les autres ont été soit libérés, soit transférés dans d’autres camps ou étaient hospitalisés.

Sources

  • Extrait de naissance (Les Lilas).
  • Renseignements recueillis à la Préfecture de Police de Paris par sa petite fille, Corinne Marchand, en avril 2009.
  • Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la
    ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Dossier « statut » des archives des ACVG.
  • Archives du CDJC liste XLI-42.
  • Photos de famille © Droits réservés. Les originaux en noir et blanc seront transmis aux Archives nationales par nos soins.
  • Registres matricules militaires de la Seine.
  • Recensements de 1931 et 1936, Paris 11è.

Notice biographique rédigée en septembre 2003, mise à jour en 2012 ; 2019 et 2021, par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 »,   éditions Autrement, Paris 2005. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com.

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