Gabriel Eustache : né en 1920 à Bordeaux (Gironde) ; domicilié à Pessac (Gironde) ; communiste ; arrêté le 14 décembre 1940 ; interné au CSS de Bordeaux, puis écroué à la prison de Bordeaux, interné au camp de Mérignac ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 19 septembre 1942.
Gabriel Eustache est né le 11 mai 1920 à Bordeaux (Gironde). Il habite impasse (aujourd’hui allée) Loriot Laval à Pessac (Gironde) au moment de son arrestation.
Il est l’un des fils d’Augustine Fleury, commerçante et de Louis, Pierre, Léon Eustache, monteur, son époux, né le 7 décembre 1889 à Paris.
Il a un frère Jean, André, né le 21 mai 1916, une sœur, Monique ainsi qu’un autre frère.
En 1924 la famille habite Bordeaux, au 3, rue des Bouviers. Puis ils déménagent à Pessac, dans le quartier de Noës, clos A. Laurent.
Gabriel Eustache est célibataire.
Jeune militant communiste connu comme diffuseur du journal l’« L’Avant-Garde », il est membre des Jeunesses communistes de Pessac en 1939, dont son frère Jean Eustache est le secrétaire (1).
En mai et juin 1940 Bordeaux subit des bombardements quotidiens. Il y a plus d’un million de réfugiés en Gironde. Le 22 juin, l’armistice est signé : la moitié nord de la France et toute la façade ouest sont occupées. Bordeaux est déclarée ville ouverte par le maréchal Pétain. Le 27 juin les premiers détachements allemands traversent la ville. Le 28, le général Von Faber du Faur installe l’administration allemande dans les grands hôtels du centre-ville et la Feldkommandantur à la cité universitaire. Le 29 juin le gouvernement français a quitté Bordeaux pour s’installer à Vichy.
Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). La ligne de démarcation coupe le département de la Gironde en deux.
Gabriel Eustache est arrêté le 14 décembre 1940 avec son frère Jean (1) par les policiers français de la triste « Brigade Poinsot« (2). Une vague d’arrestations commencée vers la fin octobre 1940 emprisonnera 147 militants communistes de la région bordelaise, parmi lesquels trois d’entre eux seront déportés avec lui dans le convoi du 6 juillet 1942 : Jean Beudou, de Talence, Jean Guenon de Cénon et Gabriel Torralba de Villenave d’Ornon . Il y a aussi le père et les frères de Gabriel Torralba (tous deux cheminots) et le propre frère de Gabriel Eustache, Jean (André), qui mourra durant sa détention au Fort du Hâ.
Gabriel Torralba, rescapé du convoi écrit : «connus comme nous étions, il n’y eut pas difficulté à la police française de savoir d’où venaient les tracts».
Gabriel Eustache est interné au centre de séjour surveillé de Bordeaux (dépôt municipal de sûreté). De la Prison de Bordeaux (24 quai de Bacula), il est transféré en décembre 1940 au camp « Beau-Désert » à Mérignac.
Il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122), en avril ou mai 1942, en vue de sa déportation comme otage.
A Compiègne il est affecté à la chambre n°3, bâtiment A1. Un banquet de solidarité avait été élaboré à partir des colis reçus par certains. Pour y participer, on payait une quote-part : les « bénéfices » étaient répartis entre les plus démunis (les sans-famille, les sans-colis, ceux dont la famille était elle-même sans ressources). Le menu du repas fraternel du 5 mai 1942 conservé par Gabriel Torralba, de Villenave d’Ornon (Gironde) porte la signature de Gabriel Eustache.
Depuis le camp de Compiègne, Gabriel Eustache est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
On ignore son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942.
Le numéro « 46 233 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai partiellement reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession.
Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Maintenu à Birkenau, Gabriel Eustache meurt à Birkenau le 19 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 271).
Il convient de souligner que cent quarante-huit «45000» ont été déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz les 18 et 19 septembre 1942, ainsi qu’un nombre important d’autres détenus du camp enregistrés à ces mêmes dates. D’après les témoignages des rescapés, ils ont tous été gazés à la suite d’une vaste sélection interne des inaptes au travail, opérée dans les blocks d’infirmerie.
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
La mention «Mort en déportation» est apposée sur son acte de décès, arrêté du 30 juin 1989, paru au Journal Officiel du 8 août 1989.
Gabriel Eustache est déclaré « Mort pour la France » et homologué « Déporté politique » en 1952 (n° 110602439).
Son nom est inscrit ainsi, que celui de son frère, sur le Mémorial à la Mémoire des Pessacais fusillés et victimes de la barbarie nazie
- Note 1 : Jean, André Eustache, son frère, est né le 21 mai 1916 à Bordeaux. Il exerce le métier de tanneur. Militant communiste, il est secrétaire du groupe de Pessac des Jeunesses communistes. Il est interné le 14 décembre 1940 au Centre de séjour surveillé de Bordeaux, puis transféré au dépôt municipal de sûreté à la demande des autorités allemandes (in Le Maitron). Il meurt au 11 rue du Maréchal Joffre (adresse du fort du Hâ) le 27 février 1942 (suicide officiel… ou par suite des tortures de la SAP). Il a été déclaré « Mort pour la France » et la rue André Eustache honore son nom à Pessac. Les frères Eustache ont une sœur, Monique, et un autre frère, maçon, qui est lui aussi communiste.
Son fils, leur neveu, Jean Eustache, né en 1938, sera un cinéaste « hors normes » comme l’écrit « l’Humanité », proche de la « nouvelle vague », réalisateur de films comme « la Maman et la Putain » et « Mes petites amoureuses »… Il se suicide par balle en 1981. Le centre culturel-cinéma de Pessac porte son nom (in biographies de Jean Eustache sur Wikipédia et le « dictionnaire Jean Eustache »). - Note 2 : Pierre Napoléon Poinsot, commissaire aux Andelys et à St Lô en 1936 où il se fait remarquer par un anticommunisme effréné. Muté à Bordeaux en 1938 dans la Police spéciale de la préfecture, il est affecté au commissariat de la gare Saint-Jean (…) où il se lance dans la chasse aux communistes, qu’ils soient militants ou sympathisants. Pendant l’Occupation, grâce à l’appui d’Olivier Reige, directeur de cabinet du préfet, Poinsot reste à Bordeaux, malgré un avis défavorable de sa hiérarchie. Il organise la S.A.P (section des activités
politiques) : sa « brigade Poinsot » devient le numéro un des services allemands pour la chasse aux communistes, gaullistes et résistants ». Extraits de l’ouvrage de René Terrisse.
Sources
- Deux lettres de Gabriel Torralba à André Montagne (non datées), où il mentionne Gabriel Eustache.
- Etat civil de Pessac.
- Extraits de « La Gironde sous l’Occupation. La répression française. Bordeaux 1940 – 1944 » de René Terrisse.
- Site internet de l’Amicale de Chateaubriant-Voves-Rouillé.
- Death Books from Auschwitz (registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Fichier national du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
- Le Maitron, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom édition 1997.
- © Photo de la porte d’entrée du camp d’Auschwitz : Musée d’Auschwitz-Birkenau.
- © Site Internet Mémorial-GenWeb. Relevé Pascale Beaudou.
- © Site Internet WWW. Mortsdanslescamps.com
- Actes de décès de Gabriel et Jean Eustache, état civil de Pessac, 1992.
- registre matricule militaire de son père.
Notice biographique rédigée en novembre 2010 (complétée en 2016, 2021 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
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