Matricule « 45 495 » à Auschwitz

René Oudot : né en 1920 à Paris 12ème ; domicilié  à Paris 4ème ; ouvrier métallurgiste ; arrêté le 20 octobre 1940, condamné à deux mois de prison ; arrêté le 28 avril 1942 comme otage ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 26 août 1942.

René, Jules Oudot est né le 3 septembre 1920 à Paris 12ème.  Il habite chez ses parents au 9, rue du Fauconnier à Paris 4ème au moment de son arrestation.
Il est le fils de Georgette, Alphonsine Lebreton, 18 ans, manutentionnaire et de Jules Oudot, 26 ans, né le 6 octobre 1893 à Paris 10ème, maçon, son époux. Ses parents, qui se sont mariés à Rouen le 4 janvier 1919, sont alors domiciliés au 8, rue de Jouy (Paris 4ème). Son père est décoré de la croix de guerre. René Oudot a une demi-sœur, Cécile Juliette Oudot, née le 26 juin 1914 d’un premier mariage, et une sœur, Jeanine, Marie, Oudot, née le 25 octobre 1921. Lors du recensement de 1936, la famille Oudot n’habite pas encore rue du Fauconnier. Son père décède le 9 mai 1945, sa mère habitera après guerre au 40, rue du Fort (Les Lilas).
René Oudot est ouvrier métallurgiste, peut-être dans l’industrie automobile.

9, Rue du Fauconnier

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…)

Suivant les instructions du régime de Vichy, et devant la recrudescence de distributions de tracts et d’inscription communistes dans Paris et l’Est parisien, la police surveille systématiquement les militants communistes connus de ses services avant-guerre.

René Oudot est arrêté le 20 octobre 1940 pour « distribution de tracts communistes ». Il est déféré devant le Procureur de la République. Il est condamné le 7 novembre 1940 par la 12ème chambre correctionnelle de la Seine à 2 mois de prison pour distribution de tracts. René Oudot est incarcéré à la prison du Cherche-Midi. Puis à Villeneuve Saint-Georges (extrait pour son jugement le 7 novembre et retenu à la Maison d’arrêt de Fresnes). Il est libéré le 6 janvier 1941 à l’expiration de sa peine de prison.
Les archives du DAVCC / SHD à Caen mentionnent qu’il signe un contrat de travailleur volontaire pour l’Allemagne, le 28 février 1941, au conglomérat autrichien de construction automobiles Steyr Daimler Puch. Pour les usines allemandes, dès fin 1940, d’abord en zone occupée, ensuite avec l’autorisation de Vichy en zone libre, des bureaux de recrutement faisant appel au volontariat recherchent des spécialistes, et alors qu’en France les salaires sont bloqués, offrent des salaires attrayants. On ignore les circonstances qui ont motivé l’engagement de René Oudot, mais on sait que, revenu en France pour une permission, il ne retourne pas en Allemagne.

René Oudot est arrêté de nouveau le 28 avril 1942, à son domicile, comme otage, lors d’une rafle concernant tout le département de la Seine et visant des militants du Parti communiste clandestin ou considérés comme tels. Lire dans le site La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942). Suivant cette politique des otages, les autorités d’occupation ordonnent l’exécution d’otages déjà internés et le 28 juin, arrêtent 387 militants (avec le concours de la police parisienne), dont la plupart avaient déjà été arrêtés une première fois par la police française pour « activité communiste » depuis l’interdiction du Parti communiste (le 26 septembre 1939) et libérés à l’expiration de leur peine. Les autres sont connus ou suspectés par les services de Police. Il s’agit de représailles ordonnées à la suite d’une série d’attentats à Paris (le 20 avril un soldat allemand de première classe est abattu au métro Molitor, deux soldats allemands dans un autobus parisien, le 22 avril un militaire allemand est blessé à Malakoff). Lire le témoignage de Claude Souef : La rafle des communistes du 28 avril 1942 à Paris. Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (le Frontstalag 122).

René Oudot est interné le 28 avril 1942 à Compiègne. Depuis ce camp il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, René Oudot est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

René Oudot est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45495» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.

Dessin de Franz Reisz, 1946

Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation
d’Auschwitz. Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
René Oudot est affecté au Block 4 d’Auschwitz I et à un Kommando des ateliers. Il entre à l’infirmerie le 17 août 1942.

René Oudot meurt à Auschwitz le 26 août 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 894 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec ses dates et lieux de naissance et de décès, et avec l’indication « Katolisch » (catholique). Son nom est mal orthographié dans les listes allemandes et polonaises (Dandot), ce qui explique son numéro matricule, qui correspond aux « D », juste après celui de Georges Dudal.
Il figure sous le nom de « D’Oudot » dans les Death Books, Registres des morts d’Auschwitz.
A la Libération, ses parents habitent Les Lilas. Le ministère des ACVG l’avait classé parmi les « volontaires du Travail », ce qui signifie que sa déportation n’a pas été enregistrée, probablement en raison des erreurs d’orthographe sur son nom.

Sources

  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
  • Death Books from Auschwitz(registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Décédés du convoi de Compiègne en date du 6/7/1942. Classeur Ausch. 1/19,liste N°3(Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen).
  • © Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, Office for Information about Former Prisoners, registres des Blocks.
  • ©Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).

Notice biographique mise à jour en 2010, 2019 et 2021 à partir d’une biographie rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20ème arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour compléter ou corriger cette notice, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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