Hyppolite Perrau, D.r.

Matricule « 45 965 » à Auschwitz

Hippolyte Perrau : né en 1890 à Bordeaux (Gironde) ; domicilié à Paris 4ème ; électricien ; communiste ; arrêté le 28 juin 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 24 août 1942.

Hippolyte Perrau naît le 19 février 1890 à Bordeaux (Gironde). Il habite au 18, rue du Temple à
Paris 4ème depuis 1920, jusqu’à son arrestation. Il est le fils de Catherine, Marguerite Cibert et de François, Antoine, Emmanuel Perrau.
Son registre matricule militaire indique qu’il habite Bordeaux au moment du conseil de révision et travaille comme employé de commerce. Il sera électricien TSF ultérieurement. Il mesure 1m 67, a les cheveux châtains, les yeux bleus jaunâtre, le front moyen, le nez rectiligne. Il a un niveau d’instruction « n° 3 » pour l’armée (sait lire, écrire et compter, instruction primaire développée). Conscrit de la classe 1910 (matricule 3674), Hippolyte Perrau devance l’appel et signe un engagement volontaire pour une durée de 3 ans, le 19 août 1908, à Bayonne. Il est incorporé au 49ème régiment d’infanterie le 20 courant. En janvier 1910, il « passe » à la 18ème
section de secrétaires d’état-major (DM. du 9 janvier).
Il est renvoyé dans ses foyers le 19 août 1911, « certificat de bonne conduite accordé » et passe dans la réserve de l’armée active. Le 30 janvier 1912, Hippolyte Perrau habite au 96, avenue des Pavillons à Pavillons-sous-Bois (Seine / Seine-Saint-Denis). Le 30 mars, il a déménagé au 34, rue du Vert-Bois, à Paris 3ème.
Le 29 juillet 1914, il est domicilié au 34 rue du Roi-de-Sicile, à Paris 4ème. Hippolyte Perrau  est « rappelé à l’activité » par le décret de mobilisation générale du 1er août 1914. Il rejoint la 18ème section de secrétaires d’état-major le 3 août.

Hippolyte Perreau épouse à Paris 4ème Henriette Berguedieu, née en 1893 à Bordeaux, le 6 septembre 1914. Le couple a deux enfants (l’aîné est âgé de 22 ans et le cadet de 18 ans au moment de l’arrestation. Leur cadet meurt au printemps 1942.
Le 1er mars 1915, il passe à la 18ème section d’infirmiers (décision du général commandant la 18ème région). Le 6 août suivant, il passe au 144ème
régiment d’infanterie, formé d’appelés de la région bordelaise. Ce régiment fait les campagnes de l’Aisne en 1915, Verdun et Argonne en 1916, la Somme et l’Alsace en 1917, l’Aisne, l’Argonne et la Picardie en 1918. Le 17 juillet 1919, Hippolyte Perrau  est mis en congé illimité de démobilisation par le dépôt du 18ème régiment du génie et « se retire » à Villenave-d’Ornon, au sud de Bordeaux

Le 18 rue du temple

Le jeune couple remonte à Paris en 1920 et habitera au 18, rue du Temple à Paris 4ème jusqu’à l’arrestation.
En 1935, Hippolyte Perreau devient le secrétaire de la Ligue des droits de l’Homme du 4ème arrondissement
de Paris.

Publication de Radio Liberté 1937

Hippolyte Perrau adhère en 1938 au Parti communiste et il est membre de « Radio-liberté » (1), association proche du Parti Communiste et de la CGT.
Il tient à plusieurs reprises la permanence d’Albert Rigal, député communiste de l’arrondissement, originaire de Bordeaux comme lui.
Toute la famille Perrau est militante. Sa femme est membre du Parti communiste et ses deux fils ont été appréhendés le 28 août 1939 pour vente de journaux communistes sur la voie publique.
Peu avant-guerre, Hippolyte Perrau est inscrit au fonds de chômage du 4ème  arrondissement.

Lors de la mobilisation générale, conscrit de la classe 1910 ramenée à 1906 (père de famille de deux enfants), il n’est pas mobilisable (il a 49 ans). Il est néanmoins « affecté spécial » à la « Compagnie parisienne du Métropolitain » au service électrique.

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…)

Suivant les instructions du régime de Vichy, et devant la recrudescence de distributions de tracts et d’inscription communistes dans Paris
et l’Est parisien, la police surveille systématiquement les militants communistes connus de ses services avant-guerre.

En octobre 1940, la police fait une perquisition à son domicile et découvre des brochures communistes d’avant-guerre.
Une « note blanche » des Renseignements généraux figure dans son dossier au DAVCC. « la perquisition a son domicile a amené la découverte de plusieurs brochures et compte rendus de réunions de cellule communiste antérieurs à 1939. Signalé par le commissaire de police du quartier Saint Merri comme étant susceptible de poursuivre la propagande communiste clandestine » (note blanche des RG).

Hippolyte Perrau est arrêté le 28 juin 1941, à son domicile, à la demande du commissaire de police du quartier Saint-Merri qui le soupçonne « de se livrer à la propagande communiste clandestine » (note blanche des RG). Cette arrestation s’inscrit dans le cadre d’une grande rafle concernant les milieux syndicaux et communistes. En effet, à partir du 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique, les Allemands arrêtent plus de mille communistes avec l’aide de la police française (nom de code de l’opération : «Aktion Theoderich»).

D’abord amenés à l’Hôtel Matignon (un lieu d’incarcération contrôlé par le régime de Vichy) ils sont envoyés au Fort de Romainville, où ils sont remis aux autorités allemandes. Ils passent la nuit dans des casemates du fort transformées en cachots. Et à partir du 27 juin ils sont transférés vers Compiègne, via la gare du Bourget dans des wagons gardés par des hommes en armes. Ils sont internés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), le Frontstalag 122, camp destiné à l’internement des «ennemis actifs du Reich», alors seul camp en France sous contrôle direct de l’armée allemande.

Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Son épouse effectue des démarches auprès de la délégation générale du gouvernement français dans les territoires occupés afin d’obtenir des nouvelles de son mari. Les services font effectuer une enquête par la Sûreté  (copie du PV de l’Autorité de Sûreté en date du 9 septembre 1942). lire l’intégralité de cette enquête en fin de notice.

Depuis le camp de Compiègne, Hippolyte Perreau est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Hippolyte Perrau est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45965» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.

Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.  Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.

Si aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date, on peut néanmoins penser qu’en sa qualité d’électricien, il a  pu être affecté à Auschwitz I au Kommando Elektriker ».

Dessin Franz Reisz, 1946

Hippolyte Perrau meurt à Auschwitz le 20 juillet 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 919 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec ses dates et lieux de naissance et de décès, et avec l’indication « Katolisch » (catholique).
Hippolyte Perrau est homologué comme sergent au titre des groupes armés du Front national. Il est déclaré « Déporté politique » et « Mort pour la France.

Une plaque a honoré son nom au 18 rue du Temple. Elle semble avoir disparu avec le ravalement de l’immeuble

La mention «Mort en déportation» est apposée sur son acte de décès, arrêté du 10 octobre 1991, paru au Journal Officiel du 28 novembre 1991.

  • Note 1 : A deux reprises, en 1935 et en 1937, les Français eurent à voter pour élire leurs représentants dans les comités qui géraient au jour le jour les stations radiophoniques publiques, et qui en particulier avaient la haute main sur les programmes et sur les professionnels (…). Les premières élections furent mises sur pied par Georges Mandel, alors ministre des P.T.T. qui voulait “mettre de l’ordre et de la clarté” dans les postes de radio d’Etat dont, soutenait-il, l’organisation “peu rationnelle nuit à l’efficacité”. Aux « élections radiophoniques » de 1937, il y a 600 000 votants pour Radio Liberté soit 38,7% des votes au plan national contre 51,5% à « Radio famille ». © A partir d’un article Genèse du Service public de Radiodiffusion en France, Cécile Méadel, Centre de Sociologie de l’Innovation, Ecole des mines de Paris.
Enquête de l’autorité de sureté du 9 septembre 1942
Hippolyte Perrau est déjà décédé à Auschwitz. 
  •  » Perrau Hippolyte, François, né le 19 février 1890 à Bordeaux (Gironde) (Gironde), a épousé le 8 septembre I9I4, à Paris (4ème), la née Berguedieu Henriette, née le 2 décembre 18+3 à Bordeaux. Il a un enfant agé de 22 ans, Il avait un autre fils lui est décédé il y 6 six mois, agé de 18 ans. Du recrutement de Bordeaux, classe de mobilisation I907, ancien combattant de la Guerre I914-19I8, Perrau a été affecté spécial à la « Compagnie Parisienne du Métropolitain », service électrique, de septembre 1939 à octobre 1940. Depuis 1920, il est domicilié : 18 rue du Temple (4ème).  Ouvrier électricien de son état, Perrau avant les dernières hostilités, était inscrit au fonds de chômage du 4ème arrondissement.  
    Il a été arrêté et interné administrativement le 28 juin 1941, en application du décret au 18 novembre 1939 à la demande du Commissaire de Police de son quartier, qui le signalait comme étant susceptible de se livrer â la propagande communiste clandestine. Conduit à  l’Hôtel Matignon et mis à la disposition  des Autorités Allemandes, il se trouve actuellement au camp de Compiègne. 
    Perrau était connu de nos Services avant son arrestation pour avoir été secrétaire de la « Ligue des droits de l’Homme », section du 4ème arrondissement depuis 1935. En 1938, il a adhéré au Parti communiste et était membre de « Radio-Liberté », en outre, il a tenu à plusieurs reprises la permanence de l’ex-député communiste Rigal, du 4ème arrondissement, au domicile de ce dernier, 4 rue ses Juges. 
    En octobre 1940 à la suite de plusieurs surveillances, une perquisition a été effectuée à son domicile et a amené à la découverte de plusieurs brochures et de comptes-rendus de réunions de cellule communiste antérieurs  à 1939.   
    La femme Perrau et ses deux enfants est connue de nos services :
    – la première pour avoir été militante de l’ex-parti communiste, section du 4ème
    – Les deux fils ont été appréhendés le 27 août 1939 pour vente de journaux sur la voie publique.
    D’après les renseignements recueillis, il semble que la famille Perrau a cessé, depuis les hostilités, toute activité politique
    « .

Sources

  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche et dossier individuels consultée en octobre 1993.
  • Photo Pierre Cardon DR.
  • Death Books from Auschwitz(registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • © Site Internet Memorial GenWeb. Photo de plaque, Danièle Robbe.
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).

Notice biographique mise à jour en 2010, 2013, 2019 et 2021 à partir d’une biographie rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20ème arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette biographie.
Pour compléter ou corriger cette notice, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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