Matricule « 46 311 » à Auschwitz

Ernst Vajda : né en 1909 à Berlin (Allemagne) ; domicilié à Paris 5ème ; arrêté le 23 décembre 1941 ; interné au fort de Romainville, puis au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 15 août 1942.

Ernst Vajda est né le 13 mai 1909 à Berlin. Il est domicilié dans le 5ème arrondissement de Paris au moment de son arrestation.
Dans son dossier au DAVCC on trouve une adresse au 5, rue des Charmes à Paris 5ème avec le nom de Paul Vajda (mais on ne retrouve pas ce nom au recensement de 1936). Celui-ci est né le 30 juin 1904 à Budapest. Il exerce la profession de scénariste. Il sera lui aussi déporté à Auschwitz depuis Drancy le 7 octobre 1943.

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…)

Ernst Vajda est arrêté le mardi 23 décembre 1941, et il est interné au Fort de Romainville sous le n° 443.  

Le Fort de Romainville

D’abord camp allemand de prisonniers de guerre, ce camp est transformé après l’invasion de l’URSS le 22 juin 1941, en « camp de concentration permanent pour éléments ennemis actifs du Reich » d’où sont prélevés des otages et il devient « camp de détention de police allemand » (Deutscher Polizeihaftlager), intégré au Frontstalag 122 et s’inscrit dans la politique des otages. Lire dans le blog : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942). Dès lors beaucoup d’otages communistes, puis juifs vont y être internés.

On ignore les causes de l’arrestation d’Ernst Vajda.  En tout état de cause, il n’est pas arrêté dans une rafle concernant les Juifs (la seule rafle de Juifs du mois de décembre 1941 a lieu le 12 décembre).
Il est donc possible qu’il soit communiste ou supposé tel par la police et arrêté comme tel.
Mais il figurera néanmoins sur la liste des Juifs du convoi du 6 juillet 1942.
Le 9 janvier 1942 Ernst Vajda est transféré du camp de Romainville au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122). Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Ernst Vajda est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Ernst Vajda est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «46 311» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».  Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
se déclare Evangéliste lors de l’interrogatoire, mais il figure néanmoins sur la liste des déportés Juifs du convoi (b.1909-05-13 (Berlin), denomination : evangelisch, remarks : zgin.1942-08-15 w Auschwitz).

Dessin de Franz Reisz, 1946

Ernst Vajda meurt à Auschwitz, le 15 août 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 1271 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec ses dates et lieux de naissance et de décès, et l’indication « Evangelisch » (Evangéliste).
« Les victimes les plus menacées par [les] actions criminelles [des SS et des Kapos] sont en premier lieu les Juifs. Sur les cinquante et un « 45 000 » morts au cours du premier mois (entre le 8 juillet et le 8 août), 21 étaient des Juifs. Le 18 août au matin, 40 jours après l’arrivée, 34 d’entre eux avaient perdu la vie (soit 68 % de leur nombre total) ; dans le même temps, cent quarante deux « 45 000 », appartenant aux autres catégories d’otages, avaient disparu, soit 13 % d’entre eux. La froide éloquence de ces statistiques est confirmée par les récits des «45 000» rescapés ». (in « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942″, pages 145-146).
Lire l’article : Les déportés juifs du convoi du 6 juillet 1942 

Son nom est inscrit sur le « Mur des noms » au Mémorial de la Shoah à Paris, dalle n° 112, colonne n° 38, rangée n° 1.

Sources

  • Fichier national des déplacés de la Seconde guerre mondiale (archives des ACVG).
  • Registres des morts d’Auschwitz. Liste P
  • Thomas Fontaine, Les oubliés de Romainville. Un camp  allemand en France (1940-1944), Paris, Tallandier, 2005.
  • © Centre de Documentation Juive Contemporaine. Mémorial de la Shoah.
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
  • Death Books from Auschwitz(registres des morts d’Auschwitz), Musée d’Étatd’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp. Liste des Juifs du convoi.
  • Montage photo du camp de Birkenau et étoile jaune © Pierre Cardon
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).

Notice biographique mise à jour en 2010, 2013, 2019 et 2021 à partir d’une biographie rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20ème arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 »,éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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