Matricule «45 850» à Auschwitz
Michel Martin : né en 1890 à Siguenza, Espagne ; domicilié à Paris 20ème ; naturalisé en 1927 ; cordonnier ; communiste ; domicile perquisitionné - en vain - le 24 octobre 1941 ; arrêté le 28 avril 1942 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 10 août 1942.
(Miguel) Michel Martin est né le 8 mai 1890 à Siguenza, province de Guadalajara (Espagne).
Il habite dans un HBM du quartier Charonne, au 6, rue Félix Terrier à Paris 20ème au moment de son arrestation. Il est le fils de Christina Castanon (née en 1854) et d’Emilio Martin-Martin (né en 1843) son époux.
Il travaille comme cordonnier. Il obtient la nationalité française le 28 juin 1927 (décret n° 7220-27), et change son prénom en Michel. En 1932, il est domicilié 36, rue Olivier Metra.
Le 16 juin 1932, à Paris 20ème, il épouse Lydie, Marie Lefèvre, née le 21 décembre 1896 à Lille (Nord). Elle est veuve, sans profession, domiciliée au 7, impasse Ronce. Le couple aura huit enfants : Martin Emilienne, née en 1924, Martin Achille né en 1925, Martin Raymond, né en 1926 décédé en 1932, Martin Lydie, née en 1927, Martin Raymonde, née en 1930, Martin René, né en 1931, décédé en 1933, Martin Michel, né en 1936, Martin Léone, née le 24 juin 1942.
Michel Martin est membre du Parti communiste Français, au « deuxième rayon » de Paris. Il est inscrit sur les listes électorales du 20ème arrondissement en 1933.
En 1935 sa mère, Madame Christina Castanon vient en voyage en France. La mère et le fils sont pris en photo (ci-contre) à cette occasion.
En 1936, son beau-fils, Marcel (né d’un premier mariage de Lydie Lefèvre avec Eugène Coenne) vit avec eux et travaille comme emballeur, Michel Martin, lui, est cordonnier (registre du recensement).
Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Dès février 1941, la recrudescence de la propagande communiste clandestine dans les arrondissements de l’est parisien inquiète la police française. Des filatures, perquisitions et arrestations de communistes connus (Frédéric Ginollin, René Aondetto) sont opérées par les renseignements généraux de février à octobre 1941 dans le 20ème arrondissement.
Le 24 octobre 1941, la police perquisitionne, sans succès, au domicile de Miguel Martin connu par elle comme «militant communiste convaincu ».
Michel Martin Martin est arrêté le 28 avril 1942 parce que répertorié par la police de Vichy comme communiste, en même temps que Georges Gallot et Alexandre Varoteaux (qui seront eux aussi déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942).
Ce jour-là en effet une rafle est effectuée par l’occupant dans tout le département de la Seine. Cette rafle vise des militants du Parti communiste clandestin ou considérés comme tels.
Lire dans le site La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942).
Suivant cette politique des otages, les autorités d’occupation ordonnent l’exécution d’otages déjà internés et le 28 juin, arrêtent 387 militants (avec le concours de la police parisienne), dont la plupart avaient déjà été arrêtés une première fois par la police française pour « activité communiste » depuis l’interdiction du Parti communiste (le 26 septembre 1939) et libérés à l’expiration de leur peine. Les autres sont connus ou suspectés par les services de Police. Il s’agit de représailles ordonnées à la suite d’une série d’attentats à Paris (le 20 avril un soldat allemand de première classe est abattu au métro Molitor, deux soldats allemands dans un autobus parisien, le 22 avril un militaire allemand est blessé à Malakoff). Lire le témoignage de Claude Souef : La rafle des communistes du 28 avril 1942 à Paris.
Les hommes arrêtés sont rapidement conduits au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (le Frontstalag 122). Michel Martin est ensuite remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122). Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Michel Martin est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Michel Martin est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45 850» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz. Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.
Michel Martin meurt à Auschwitz le 10 août 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 784 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec ses dates, lieux de naissance et de décès, avec l’indication « katholisch » (catholique). Ce même jour 20 autres de ses camarades sont déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz. D’après les témoignages des rescapés, ils ont tous été gazés à la suite d’une sélection interne des inaptes au travail, opérée dans les blocks d’infirmerie.
Lire dans le site : Des causes de décès fictives.
Un arrêté ministériel du 10 novembre 1994 paru au Journal Officiel du 11 janvier 1995 porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur ses actes et jugements déclaratifs de décès (Michel, Miguel) en prenant comme date de décès le 11 août 1942 à Auschwitz.
Michel Martin est déclaré « Mort pour la France » et homologué comme « Déporté politique ». Il est homologué comme Résistant, au titre de la Résistance Intérieure Française (RIF) comme appartenant à l’un des cinq mouvements de Résistance (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL). Cf. service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 398559.
Sources
- Archives en ligne de Paris (élections, recensement de population).
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1992.
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- Death Books from Auschwitz (registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- © Site Internet Legifrance.
- © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
- Echange de courriels avec M. Pierre Martin, son petit-fils, qui m’a transis la photo de Michel Martin (octobre 2015).
- Echange de courriels et envoi d’une photo en 2020 (© M. Pierre Martin, que je remercie vivement pour ses précisions).
Notice biographique mise à jour en 2010, 2013, 2019 et 2021 à partir d’une notice succincte rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20ème arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com