Henri Nozières : né en 1904 à Paris (10è) ; domicilié à Bobigny (Seine / Seine-St-Denis) ; mouleur, cantonnier communal ; syndicaliste CGT, communiste ; arrêté le 19 juillet 1941 ; interné à la caserne des Tourrelles, puis au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 20 août 1942.
Henri Nozières est né le 2 août 1904 au 40 rue Bichat à Paris (10è).
Il habite au 6, rue du Parc prolongée à Bobigny (Seine / Seine-St-Denis) au moment de son arrestation. Cette rue, renommée rue Louise Michel, a été débaptisée (1) pendant la guerre.
A la Libération, par délibération du conseil municipal elle reprend son ancien nom le 11 octobre 1944.
Henri Nozières est le fils de Louise, Eugénie Lobjoit, 26 ans, ménagère, née à Frémont (Seine-inférieure / Seine Maritime) en 1877, et de Henri, Eugène Nozières, 31 ans, sellier son époux.
Son père est né le 15 novembre 1873 à Paris 11è (amputé du bras droit, il n’avait pas été mobilisé en 1914. Il est décédé en février 1920).
Ses parents sont domiciliés au 24, rue du Terrage à Paris 10è.
Il a trois sœur cadettes, Lucienne, né le 24 octobre 1905, Marie née en 1907 et Marie-Louise née le 18 avril 1909, toutes deux à à Paris 10ème.
Il est très tôt sympathisant des idées communistes. Ci-contre une liste de souscription pour le développement du Parti socialiste (SFIC – section française de l’internationale communiste), parue dans l’Humanité du 2 juin 1921.
Henri Nozières s’inscrit sur les listes électorales de Bobigny en 1926. Il est alors mouleur, domicilié 9, rue du Parc.
Henri Nozières vit en 1924 avec sa mère et ses sœurs dans une maisonnette en bois appelée « Villa Bien Gagnée », située entre les n° 16 et 34, rue du Parc prolongée à Bobigny ;
Le 2 avril 1927, Henri Nozières épouse à Drancy Marthe, Brigitte Bouvenot. Elle est née le 5 janvier 1905 à Pantin. Le couple a un enfant, Daniel, qui naît le 25 mars 1933 (il est décédé le 3 juillet 1983 à Villenouvelle (31).
En 1931, ils habitent au 30, rue Louise Michel. Sa mère et sa sœur Marie habitent l’appartement voisin. Sa mère est alors ouvrière chez Rousselle à Goussainville et sa sœur ouvrière chez Chère à Paris.
En 1936, le couple et leur fils habitent au 6, rue Louise Michel.
Henri Nozières est cantonnier, employé communal, militant syndicaliste.
Les mesures prises par le gouvernement Daladier conduisent à la déchéance d’élus communistes. Par un décret du 26 septembre 1939, le gouvernement suspend les vingt-sept conseils municipaux communistes de la région parisienne. Du 5 octobre 1939 au 15 juin 1940, Bobigny est ainsi administrée par une délégation spéciale nommée par le préfet de la Seine, composée de trois hommes, dont un médecin-chef et un employé de l’hôpital franco-musulman
Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Dès 1940, des dizaines de militants se réunissent rue d’Anjou, chez Jean-Louis l’Helgouach, menuisier, ancien conseiller municipal communiste. En 1941, il met en place le Front national à Bobigny avec Gaston Demacon, cheminot communiste, domicilié 105, Chemin du Tonneau à Bobigny (déporté en 1943 à Mauthausen, rescapé).
Début juillet 1941, le commissaire de police de la circonscription de Pantin propose l’internement administratif d’Henri Nozières au préfet de police « en raison d’active propagande antigouvernementale pendant son travail ».
Henri Nozières est arrêté à Bobigny le 19 juillet 1941 et est interné administrativement (2) à la caserne des Tourelles (3). Il est interné comme « détenu communiste » n° 103, chambre 18, bâtiment A.
Le 5 mai 1942 Henri Nozières est extrait du Dépôt de la Préfecture avec d’autres internés administratifs de la police judiciaire, classés comme « indésirables » (4), pour être conduit à la gare du Nord. Les internés sont mis à la disposition des autorités allemandes et transférés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122), le jour même, en tant qu’otages. Les « indésirables » des Tourelles seront tous déportés le 6 juillet 1942.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Henri Nozières est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
On ignore son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942. Le numéro «45932 ?»
figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz. Seule la reconnaissance, par un membre de sa famille ou ami de la photo d’immatriculation publiée au début de cette notice biographique pourrait désormais en fournir la preuve.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Henri Nozières meurt à Auschwitz le 20 août 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 874 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec ses dates, lieux de naissance et de décès, avec l’indication « Katolisch » (catholique).
Un arrêté ministériel du 9 juillet 1995 paru au Journal Officiel du 18 août 1995 porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur ses actes et jugements déclaratifs. Il corrige le précédent arrêté qui indiquait le 6 juillet 1942 et reprend la date portée sur le certificat de l’état civil d’Auschwitz.
Le nom d’Henri Nozières a été donné à l’ancienne rue des Platières par le conseil municipal le 19 avril 1945.
Une plaque, apposée en Mairie à l’initiative de la section CGT du personnel, honore son nom et celui de Marius Barbier, qui à son retour des Brigades internationales en Espagne républicaine, travaillait lui aussi comme employé à la mairie de Bobigny à compter du 2 mars 1939 et qui fut déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Leurs nom et ceux de 18 noms de résistants Balbyniens est gravé sur une plaque « Hommage aux héros de la Résistance » apposée en Mairie au-dessous de la précédente.
- Note 1 : La rue Louise Michel a été débaptisée par la Délégation spéciale de Bobigny nommée par le Conseil de Préfecture, répondant ainsi avec zèle aux circulaires du Préfet de la Seine adressées aux présidents des délégations spéciales les 17 novembre 1939, 18 janvier et 28 mai 40 et 14 novembre 1940 qui recommandaient « qu’aucune appellation de voie ou d’édifice publics n’évoque plus ni les idées, ni les hommes, ni les faits de la 3ème Internationale ». Le 17 décembre 1940, le Président de la Délégation spéciale de Bobigny « confirme qu’il n’existe plus dans la commune de dénominations rappelant la 3ème Internationale communiste ». Il s’agit de l’ex-maire, Jean-Marie Clamamus, nommé le 29 août 1941. En septembre 1939 il avait quitté le Parti communiste (rupture rendue publique le 12 octobre) puis avait accepté de collaborer avec le régime de Vichy. Il se rallié au Parti ouvrier et paysan français créé par Marcel Gitton.
- Note 2 : L’internement administratif a été institutionnalisé par le décret du 18 novembre 1939, qui donne aux préfets le pouvoir de décider
l’éloignement et, en cas de nécessité, l’assignation à résidence dans un centre de séjour surveillé, « des individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique ». Il est aggravé par le gouvernement de Vichy fin 1940. La loi du 3 septembre 1940 proroge le décret du 18 novembre 1939 et prévoit l’internement administratif de « tous individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique« .
Les premiers visés sont les communistes. - Note 3 : La caserne des Tourelles, « Centre de séjour surveillé » : Ouvert d’abord aux Républicains espagnols, entassés par familles entières, aux combattants des Brigades internationales, interdits dans leurs propres pays. Les rejoignent de nombreux réfugiés d’Europe centrale fuyant la terreur nazie, des indésirables en tous genres, y compris, bien sûr, les « indésirables » français : communistes, gaullistes etautres patriotes (on ratissait large), juifs saisis dans les rafles, «droit commun» aux causes bien datées (marché noir) ». France Hamelin in Le Patriote Résistant N° 839 février 2010. Ce Centre de séjour surveillé fonctionne dans l’ancienne caserne d’infanterie coloniale du boulevard Mortier à Paris. En 1942, deux bâtiments seulement étaient utilisés, un pour les hommes et un pour les femmes. Ils étaient entourés de fil de fer barbelé. Chaque bâtiment disposait de 3 WC à chasse d’eau, largement insuffisants. Des latrines à tinette mobile étaient en outre disposées dans l’étroit espace réservé à la promenade. La nuit, une tinette était placée dans chaque dortoir. C’est peu dire les conditions épouvantables imposées à des internés dont le nombre variera de 400 à 600 personnes. A cela s’ajoutait une sous-alimentation chronique entraînant bon nombre de maladies : entérites gastro-intestinales, affections cardiaques, tuberculose… © In site Internet Association Philatélique de Rouen et Agglomération.
- Note 4 : « Indésirables » : des militants communistes (dont plusieurs anciens des Brigades Internationales) et des « droits communs ». La plupart des « droits communs » déportés dans le convoi du 6 juillet sont apparentés ou proches des milieux communistes
Sources
- Communication avec M. Claude Antony Maire-adjoint de Bobigny (2 novembre 1989).
- Brochure « 40ème anniversaire des camps de la mort » in « Bonjour Bobigny » d’avril 1985.
- Archives communales, 11 sept 1990.
- © Gilbert Joubert, Pdf Cercle d’Etudes et de Recherches Historiques de Bobigny Balbiniacum CERHBB (rues et plaques).
- Archives de la Préfecture de police de Paris, cartons occupation allemande, Carnet B, BA 1774.
- Fichier national du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993 par André Montagne.
- Témoignage de Fernand Devaux.
- Avis de décès (1992).
- Death Books from Auschwitz(registres des morts d’Auschwitz), Musée d’Étatd’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Caserne des Tourelles in © prisons-cherche-midi-mauzac
Notice biographique rédigée en novembre 2007 (complétée en 2014, 2019, 2020 et 2022) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) . Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger cette notice biographique, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com