Georges Picot. © FNDIRP
Georges Picot : né en 1892 à Saint-Amand-Montrond (Cher) ; domicilié à Paris 20ème au moment de son arrestation ; tailleur d’habits ; militant communiste arrêté en janvier 1941, libéré puis arrêté en juin 1941 ; incarcéré à Fresnes, Voves et Compiègne. Déporté à Auschwitz, où il meurt le 19 septembre 1942

Georges Picot est né le 14 novembre 1892 à Saint-Amand-Montrond (Cher). Il habite au 55, rue Planchat à Paris 20ème au moment de son arrestation. Il est le fils de Louise Durand, 29 ans, sans profession et d’Etienne Picot , 33 ans, tailleur d’habits, son époux. Ses parents habitent route de Toucy à Saint-Amand-Montrond.
Son registre matricule militaire indique qu’il habite Savigny-sur-Braye (Loir-et-Cher) au moment du conseil de révision et travaille comme tailleur d’habits. Il mesure 1m 60, a les cheveux châtains clairs, les yeux châtain, les sourcils clairsemés, le front découvert, le nez cave, le visage rond. Il a un niveau d’instruction « n° 3 » pour l’armée (sait lire, écrire et compter, instruction primaire

développée).
De la classe 1912, il est appelé au service militaire le 8 octobre 1913 (n° matricule 1612). Il est incorporé au 170ème Régiment d’infanterie le 10 octobre. Le 13 juin 1914, il « passe » au 62ème Régiment d’artillerie. Il encore sous les drapeaux lors de la déclaration de guerre : le décret de mobilisation générale du 2 août le mobilise. Il fait partie des trois classes d’appelés qui resteront le plus longtemps sous les drapeaux (sa classe devait être libérée en 1915 : il fera 6 ans, 10mois et 22 jours).
Il a été cité à deux reprises à l’ordre du régiment et reçoit la Croix de guerre. Le 16 mai 1919, il « passe » au 7ème régiment d’artillerie en attente de sa démobilisation. Le 26 août 1919, il est envoyé en « congé illimité de démobilisation » par le dépôt du 1er  Régiment d’artillerie à Bourges et « se retire » à Saint-Amand, « certificat de bonne conduite accordé ».
Le 14 février 1920, Georges Picot épouse Renée, Marie Dodon, à Saint-Amand-Montrond.
Le 5 juillet 1931, Georges Picot a déménagé en région parisienne et habite au 13, rue Boinod, dans le 18ème arrondissement de Paris.
Selon son acte de naissance, il se remarie le 11 juillet 1931 à Paris 18ème avec Claudia, Louise, Garric (née le 25 avril 1898 à Carmaux (Tarn), elle est décédé le 13 janvier 1979 à Poissy (Yvelines).
Georges Picot est père de deux enfants (l’un est né en 1924, et Simone est née le 2 octobre 1934, à Paris 16ème). Le couple emménage au 71, avenue d’Italie (Paris 13ème) fin novembre 1931. Ce même mois, Georges reçoit sa carte du Combattant (28/11).
À partir de 1935 et jusqu’au moment de l’arrestation de Georges Picot, ils habitent au 55, rue Planchat, à Paris 20ème.
Au recensement de 1936, Georges Picot travaille à la Samaritaine comme tailleur d’habits, ainsi que son épouse.
Il est communiste et milite activement à la cellule 1153 du quartier Charonne (20ème arrondissement), où milite également François
Le Bihan
, qui habite rue Louis Ganne.
Georges Picot est « CDH » (1) (les Comités de Défense de l’Humanité, créés en 1929). Il vend le dimanche l’Humanité et la presse de son parti.
Licencié à la suite des grèves de 1936, Georges Picot ne trouve plus que de « petits emplois » selon son épouse. Le 18 janvier 1940, Georges Picot est rattaché à la dernière classe de la deuxième réserve (en tant que père de deux enfants). Il ne sera pas mobilisé.
Au moment de la débâcle, en juin 1940, il est évacué dans le Cher, son pays d’origine.
Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France.
De retour dans le 20ème, Georges Picot reprend une activité militante clandestine.
La recrudescence de la propagande communiste clandestine dans les arrondissements de l’Est parisien inquiète la police française. Des filatures, perquisitions et arrestations sont opérées par les renseignements généraux dans le 20ème arrondissement.
Georges Picot est arrêté pour « activité communiste » et emprisonné à la Santé le 24 janvier 1941 selon sa fiche au DAVCC. Il est certainement libéré sans condamnation, car on trouve mention d’une arrestation en « flagrant délit d’apposition de papillons
communistes 
» à la date du 23 juin 1941.
Il est alors inculpé d’infraction au décret-loi du 26 septembre 1939 et incarcéré à la Maison d’arrêt de Fresnes en attente de jugement.
Extrait de Fresnes, il est condamné le 18 août 1941 par la 12ème chambre du Tribunal correctionnel de la Seine à six mois de prison. Le 30 août 1941 il est transféré de Fresnes à la Maison centrale de Poissy (Seine-et-Oise).

A la date d’expiration normale de sa peine d’emprisonnement, il n’est pas libéré (alors qu’il a un billet de sortie) et le 13 février 1942, il est transféré à la « souricière » (le sous-sol de la Conciergerie, dépôt de la Préfecture de police de  Paris) avec 23 autres militants.
Le préfet de police de Paris, François Bard ordonne son internement administratif le 26 mars 1942 en application de la Loi du 3 septembre 1940 (2).

Le 16 avril 1942, à 5 h 50, il fait partie d’un groupe de 60 militants « détenus par les Renseignements généraux » qui est transféré de la permanence du dépôt au camp de Voves (Eure-et-Loir), convoyé par les gendarmes de la 61ème brigade.

Transfert à Voves. Les noms des policiers sont occultés

Ce camp (Frontstalag n° 202 en 1940 et 1941) était devenu le 5 janvier 1942 le Centre de séjour surveillé n° 15. Il est inscrit sous le n° 105, n° de dossier 406.765.
Dans deux courriers en date des 6 et 9 mai 1942, le chef de la Feldkommandantur d’Orléans envoie au Préfet de Chartres deux listes (3) d’internés communistes du camp de Voves à transférer au camp d’internement de Compiègne à la demande du Militärbefehlshabers Frankreich, le MBF, commandement militaire en France.
François Picot figure sur la première liste de 81 noms qui vont être transférés le 10 mai 1942 à Compiègne : le directeur du camp a fait supprimer toutes les permissions de visite « afin d’éviter que les familles assistent au prélèvement des 81 communistes pris en charge par l’armée d’occupation ».  La « prise en charge  par les gendarmes allemands s’est effectuée le 10 mai 1942 à 10 h 30 à la gare de Voves ». Il poursuit « Cette ponction a produit chez les internés présents un gros effet moral, ces derniers ne cachent pas que tôt ou tard ce sera leur tour. Toutefois il est à remarquer qu’ils conservent une énergie et une conviction extraordinaire en ce sens que demain la victoire sera pour eux ». Il indique également « ceux qui restèrent se mirent à chanter la «Marseillaise» et la reprirent à trois reprises ».

Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à leur déportation, voir les deux articles du site :
La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et«une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Georges Picot est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942. Cf Article du site : Les wagons de la Déportation

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation lors de son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu. Lire dans le blog le récit du premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Le numéro « « 45983 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à une tentative de
reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon dernier livre Triangles rouges à Auschwitz. Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avantl’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date

Georges Picot meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 927 et le site internet©Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec ses dates et lieux de naissance et de décès, et avec l’indication « katholisch» (catholique). Ce certificat porte comme cause du décès :
« schwere Bronchitis » (Broncho-pneumonie). L’historienne polonaise Héléna Kubica a révélé comment les
médecins du camp signaient en blanc des piles de certificats de décès avec «l’historique médicale et les causes fictives du décès de déportés tués par injection létale de phénol ou dans les chambres à gaz». Il convient en outre de souligner que cent quarante-huit «45000» ont été déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz les 18 et 19 septembre 1942, ainsi qu’un nombre important d’autres détenus du camp enregistrés à ces mêmes dates.
D’après les témoignages des rescapés du convoi, leurs camarades ont tous été gazés à la suite d’une vaste « sélection » interne des « inaptes au travail », opérée dans les blocks d’infirmerie. Lire dans le site : Des causes de décès fictives.
Georges Picot est déclaré « Mort pour la France » et homologué comme « Déporté politique ».
Un arrêté ministériel du 31 juillet 1997 paru au Journal Officiel du 14 décembre 1997 porte apposition de la mention «Mort en
déportation
» sur son acte de naissance et jugement déclaratif de décès et reprend la date portée sur le certificat de l’état civil d’Auschwitz.
Une plaque commémorative a été apposée sur son ancien domicile, 55 rue Planchat.  

Plaque commémorative à son ancien domicile, 55, rue Planchat

Après-guerre, son épouse, qui habite Conflans-St-Honorine, entreprend des démarches pour que son mari soit homologué comme Déporté politique. Sur les conseils de Germaine Le Bihan, qu’elle connaissait lorsqu’elle et son mari habitaient rue Ganne, elle rencontre Roger Arnould à la FNDIRP le 22 avril 1972, auquel elle remet une pellicule photo.
La FNDIRP en fait faire plusieurs tirages papiers que Roger Arnould m’a transmis. Gorges Picot est homologué comme Résistant, au titre de la Résistance Intérieure Française (RIF) comme appartenant à l’un des cinq mouvements de Résistance (FFC, FFI, RIF, DIR, FFL). Cf. service historique de la Défense, Vincennes  GR 16 P 476059.

  • Note 1 : En 1929, la mise en liquidation de la Banque ouvrière et paysanne par le gouvernement met l’économie de l’Humanité en difficulté. A l’appel de Marcel Cachin, le directeur du journal, se créent des Comités de défense de l’Humanité (CDH) qui collectent les fonds nécessaires. Les militants se chargent bénévolement de la vente du journal, à la criée, dans la rue ou bien par tournées de portage à domicile. C’est en particulier l’Humanité du dimanche qui sont ainsi vendus créant un lien direct entre les lecteurs de l’Humanité et le journal (© Ciné archives).
  • Note 2 : L’internement administratif a été institutionnalisé par le décret du 18 novembre 1939, qui donne aux préfets le pouvoir de décider l’éloignement et, en cas de nécessité, l’assignation à résidence dans un centre de séjour surveillé, « des individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique ». Il est aggravé par le gouvernement de Vichy fin 1940. La loi du 3 septembre 1940 proroge le décret du 18 novembre 1939 et prévoit l’internement administratif de « tous individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique« . Les premiers visés sont les communistes.
  • Note 3 : Sur les deux listes d’un total de cent neuf internés, arrivés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122) les 10 et 22 juin 1942, 87 d’entre eux seront déportés à Auschwitz.
  • Note 4 : François Isaac de Bagnolet se souvient du 10 mai 1942 à Voves : « Les Allemands arrivent au camp vers 10 h et en repartent vers 11 h 30, avec 78 ou 80 camarades, pris cette fois parmi les anciens du camp…. Ces bons camarades sont partis courageusement, avec une attitude noble, digne de vrais Français. Ils sont vraisemblablement emmenés à Compiègne… ». In « Gens
    de Bagnolet vers l’été 1944 pour la Libération »
    de Jean Pierre Gast.

Sources  

  • Témoignage de Madame Claudia Picot, sa veuve (entretien avec Roger Arnould, avril 1972).
  • Pellicule photo envoyée à la FNDIRP le 24 avril 1972. Roger Arnould la fera développer et renverra pellicule et tirages à Mme Picot habitant alors Conflans-Sainte Honorine. Un tirage est conservé dans les dossiers qu’il m’a confiés.
  • Etat civil du Cher et du Tarn.
  • Fichier national des déplacés de la Seconde guerre mondiale (archives des ACVG).
  • Stéphane Fourmas, Le centre de séjour surveillé de Voves (Eure-et-Loir) janvier 1942 – mai 1944, mémoire de maîtrise, Paris-I (Panthéon-Sorbonne), 1998-1999.
  • Liste de noms de camarades du camp de Compiègne, collectés avant le départ du convoi et transmis à sa famille par Georges Prévoteau de Paris XVIIIème, mort à Auschwitz le 19 septembre 1942 (matricules 283 à 3800) (BAVCC).
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
  • Death Books from Auschwitz(registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et
    le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Helena Kubica : “Methods and types of treatment”, p. 318 in “Auschwitz 1940-1945”, tome 2. Musée d’état d’Auschwitz-Birkenau 2000.
  • Liste communiquée par M. Van de Laar, mission néerlandaise de Recherche à Paris le 29.6.1948, établie à partir des déclarations de décès du camp d’Auschwitz. Liste Auch 1/7 (DAVCC Caen).
  • © Site Internet Legifrance.
  • Archives départementales de Paris : jugements du tribunal correctionnel de la Seine.
  • Archives de la Préfecture de police de Paris, Cartons occupation allemande, BA 2374.
  • © Le CCS de Voves. Archives départementales d’Eure et Loir.
  • Immeuble rue Planchat © Google Maps
  • Plaque rue Planchat ©Paris rue.com
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
  • Photo montage © Pierre Cardon
  • Registres matricules militaires du Cher

Notice biographique mise à jour en  2014, 2016 et 2021 à partir de la notice rédigée en 2002 par Claudine Cardon-Hamet
pour l’exposition de Paris de l’association «Mémoire vive». Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour
Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942
dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette biographie. Pour compléter ou corriger cette biographie, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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