Marius Proville à Auschwitz le 8 juillet 1942

Matricule « 46 022 » à Auschwitz

Marius Proville : né en 1893 à Aubervilliers (Seine / Seine-St-Denis; domicilié à Saint-Ouen (Seine / Seine-St-Denis) ; outilleur ; communiste ; arrêté le 27 juin 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 19 septembre 1942.

Marius Proville est né le 15 août 1893 à Aubervilliers (Seine / Seine-St-Denis).
Il habite au 53, rue des entrepôts à Saint-Ouen  (Seine / Seine-St-Denis) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Madeleine Huet, 43 ans (1850-1912) et d’Emile Proville, 42 ans (1851-1922), vidangeur, son époux. Il est le cinquième d’une fratrie de six enfants : Eugénie, née en 1875, Jules né en 1878, Emile, né en 1883 (décédé a deux ans), Emile Hippolyte, né en 1890 et Fernand, né en 1902.
Domicilié au 12, rue Paul-Bert à Aubervilliers au moment du conseil de révision, il travaille comme apprenti mécanicien.
Marius Proville est recensé au bureau militaire n° 1 de la Seine avec le matricule militaire « 4843 ».Il est appelé au service militaire en novembre 1913 au 29è Régiment d’artillerie de campagne. Il « passe » ensuite au 59è RAC où il est blessé par un coup de pied de cheval en février 1914.

53, rue des entrepôts à St Ouen

Il est encore sous les drapeaux au moment de la déclaration de guerre et envoyé au front, où il sera grièvement blessé (1) : il est blessé par des éclats d’obus (avant bras gauche et œil droit) pendant la bataille de l’Artois, le 13 septembre 1915. Il est cité à l’ordre du régiment : « Canonnier plein d’entrain s’étant constamment signalé par son attitude sous le feu. Très grièvement blessé, a donné l’exemple du plus grand courage ».
Il est décoré de la Croix de guerre avec palme et reçoit la Médaille militaire en 1916. Il reçoit une pension de retraite de 5è classe pour énucléation de l’œil droit.
A sa démobilisation, il « se retire » au 1, rue du chemin de fer à Aubervilliers, « certificat de bonne conduite accordé ». En mai 1932, il est déclaré réformé définitif n° 1 par la commission de réforme de la Seine, avec une pension permanente de 75 %.
En 1934, il habite au 88, avenue du Maréchal Foch à Neuilly-Plaisance.
Il est métallurgiste, outilleur. Il est connu des services de police pour être un « meneur communiste très actif ».

Le 13 juin 1940 l’armée allemande occupe Saint-Denis, puis Saint-Ouen. Le 14 juin, l’armée allemande occupe Drancy et Gagny et entre par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants.  Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

A l’automne 1940 des militants communistes de Saint-Ouen diffusent les tracts et journaux du Parti clandestin. Fin octobre 1940, les services de police notent une recrudescence de la propagande communiste et perquisitionnent aux domiciles des communistes connus.
Marius Proville est arrêté comme communiste le 27 juin 1941 sur réquisition du commissaire de police de Saint-Ouen : les RG le soupçonnent de propagande communiste clandestine, car il a été avant-guerre un « meneur communiste très actif » (2).

Extrait de la liste des RG du 27 juin 1941, montage à partir du début de la liste

La liste des Renseignements généraux répertoriant les communistes internés administrativement le 27 juin 1941, mentionne pour Marius Proville : « Meneur communiste très actif ».Cinq autres audoniens sont arrêtés à Saint-Ouen en même temps que lui et pour les mêmes motifs, dont  Ambroise Sorin et Roger Chaput.

Ces arrestations s’inscrivent dans le cadre d’une grande rafle concernant les milieux syndicaux et communistes. En effet, à partir du 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique, les Allemands arrêtent plus de mille communistes avec l’aide de la police française (nom de code de l’opération : «Aktion Theoderich»).

D’abord amenés à l’Hôtel Matignon (un lieu d’incarcération contrôlé par le régime de Vichy) ils sont envoyés au Fort de Romainville, où ils sont remis aux autorités allemandes. Ils passent la nuit dans des casemates du fort transformées en cachots. Et à partir du 27 juin ils sont transférés vers Compiègne, via la gare du Bourget dans des wagons gardés par des hommes en armes. Ils sont internés au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht, le « Frontstalag 122 » camp destiné à l’internement des «ennemis actifs du Reich», alors seul camp en France sous contrôle direct de l’armée allemande. Il y est immatriculé entre les numéros 241 et 993 (numéros connus des militants internés le 27 juin 1941 (2).
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Marius Proville est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Immatriculation le 8 juillet 1942

Marius Proville est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «46 022» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation (1) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.

Dessin de Franz Reisz, 1946

Marius Proville meurt à Auschwitz le 19 septembre 1942, d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 968) et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec son matricule, ses dates, lieux de naissance et de décès, avec l’indication « Katolisch » (catholique).
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois

Il convient de souligner que cent quarante-huit «45000» ont été déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz les 18 et 19 septembre 1942, ainsi qu’un nombre important d’autres détenus du camp enregistrés à ces mêmes dates. D’après les témoignages des rescapés, ils ont tous été gazés à la suite d’une vaste sélection interne des « inaptes au travail », opérée dans les blocks d’infirmerie.
Lire dans le site : Des causes de décès fictives

Un arrêté ministériel du 29 octobre 2009 paru au Journal Officiel du 27 décembre 2009 porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur ses actes et jugements déclaratifs de décès. Mais il comporte une date erronée : « décédé le 25 août 1942 à Auschwitz (Pologne) ». Il serait souhaitable que le Ministère prenne en compte, par un nouvel arrêté, la date portée sur son certificat de décès de l’état civil d’Auschwitz, accessible depuis 1995 et consultable sur le site internet du © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau. Lire dans le site l’article expliquant les différences de dates entre celle inscrite dans les «Death books» et celle portée sur l’acte décès de l’état civil français). Lire dans le site :  Les dates de décès des « 45000 » à Auschwitz.
Marius Proville est homologué « Déporté Politique ». Marius Proville (GR 16 P 492419) est homologué au titre de la Résistance intérieure française (RIF) comme appartenant à l’un des mouvements de Résistance.

La Stèle dans le square des 45000 et 31000

À Saint-Ouen, son nom est gravé sur le Monument de la Résistance et de la Déportation du cimetière communal, et sur la stèle érigée en « Hommage aux résistants, femmes, hommes, déportés à Auschwitz-Birkenau », inaugurée le 24 avril 2005 dans le Square des « 45.000 » et des « 31.000 » (le convoi de femmes du 24 janvier 1943).

Le  neveu de Marius Proville, Louis Proville (né le 23 juin 1906 à Aubervilliers) est engagé dans la Résistance. Arrêté, il est déporté à Auschwitz par le convoi du 27 avril 1944. Il y reçoit le matricule « 186.277 ». Louis Proville est transféré à Buchenwald (le convoi dit des “Tatoués”) le 12 mai 1944, puis à Flossenbürg, Mauthausen et finalement Dachau, où il est libéré en 1945.

  • Note 1 : Sur sa photo d’immatriculation à Auschwitz, on constate que Marius Proville a l’œil gauche complètement fermé : il s’agit d’une blessure datant de la guerre 1914/1918, ayant entraîné une énucléation.
  • Note 2 : Liste « de noms de camarades du camp de Compiègne », collectés avant le départ du convoi et transmis à sa famille par Georges Prévoteau de Paris XVIIIè, mort à Auschwitz le 19 septembre 1942 : il s’agit des matricules 241 à 3800. Liste au DAVCC.
  • Note 3 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après-guerre directeur du Musée d’Etat d’AuschwitzBirkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Etat civil en ligne d’Aubervilliers, tables décennales.
  • Arbre généalogique de Catherine Delecque (© Généanet).
  • Témoignage de Fernand Devaux(décembre 1985).
  • Fichier national de la Division des Archives des Victimes des Conflits Contemporains (DAVCC ex BAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en juillet 1992 et juin 1993.
  • Archives de la Préfecture de police de Paris, Cartons occupation allemande, BA 2397.
  • Death Books from Auschwitz(registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • © Site Internet Legifrance.
  • © Site Internet MemorialGenWeb.
  • Registres matricules militaires, classe 1913, 1er bureau de la Seine. Remerciements à M. Daniel Depaux.
  • Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
  • Archives de la Préfecture de police de Paris. Renseignements généraux, Liste des militants communistes internés le 26 juin 1941.

Notice biographique rédigée à partir d’une notice succincte pour le 60è anniversaire du départ du convoi des « 45 000 », brochure répertoriant les “45 000” de Seine-Saint-Denis, éditée par la Ville de Montreuil et le Musée d’Histoire vivante, 2002, complétée en novembre 2007 (2014,  2019, 2020, 2022 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45 000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45 000 », éditions Autrement, Paris 2005 (dont je dispose encore de quelques exemplaires pour les familles).  Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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