Matricule « 46 189 » à Auschwitz

Charles Véron : né en 1901 à Aulnay-sous-Bois (Seine-et-Oise / Seine-St-tourneur ; communiste ; arrêté le 17 août 1940 ; condamné à 18 mois de prison ; maison centrale de Clairvaux ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 17 août 1942.

Charles, Efflame (1), Gabriel Véron est né au domicile de ses parents le 4 novembre 1901 à Aulnay-sous-Bois (Seine-et-Oise / Seine-St-Denis).

23, avenue Béranger à Sevran

Il habite un petit pavillon au 23, rue Béranger à Sevran (Seine-et-Oise / Seine-St-Denis) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Jeanne, Yvonne Denès, 25 ans, sans profession et de Louis Véron, 29 ans, charretier, son époux, mariés le 5 septembre 1996 à Aulnay.
Selon sa fiche matricule militaire Charles Veron mesure 1m 72, a les cheveux blonds et les yeux bleus, le front moyen et le nez busqué. Il a le visage long, la bouche grande, les lèvres minces, le teint clair, le menton rond. Il a une cicatrice dans l’oreille droite. Au moment du conseil de révision, il travaille comme cantonnier à Sevran (Seine-et-Oise / Seine-Saint-Denis), où habitent ses parents au 6 bis rue Doulcet. Il a été chauffeur de locomotives (mention rayée). Il a un niveau d’instruction « n° 3 » pour l’armée (sait lire, écrire et compter, instruction primaire développée). Il a été classé dans la deuxième partie de la liste des conscrits du canton de Gonesse pour « palpitations et varices ».
Conscrit de la classe 1921, Charles Veron est « appelé à l’activité » en avril 1921. Il est incorporé au 508è Régiment de chars de combat le 11 avril. « Passé dans la disponibilité » le 1er avril 1923, Charles Veron est « maintenu provisoirement sous les drapeaux par l’application de l’article 33 de la Loi du 21 mars 1905 (2). Il s’agit du maintien dans le cadre de l’occupation de la Ruhr. Il est renvoyé dans ses foyers le 30 mai 1923, « certificat de bonne conduite accordé » et « se retire » au 6, bis rue Doulcet à Sevran. Il est affecté pour la réserve de l’armée active au 503è RCC, puis à la 5è section de COA en 1932 (Commis et ouvriers militaires d’administration).
En janvier 1924, il habite Aulnay-sous-bois rue de Turenne. En mai 1924 au 30, allée circulaire et en septembre au 59, allée circulaire.

Le 20 février 1926, à Aulnay-sous-Bois, il épouse Albertine, Victoria De Bocq.
Elle est née le 16 novembre 1899 à Aulnay-sous-Bois, ménagère. Le couple est domicilié au 50 allée circulaire à Aulnay.
En juin 1926, toujours à Aulnay, ils ont déménagé Pavillon Carmen, avenue de Balzac.
Son épouse décède le 10 février 1927. En mars 1927, il revient Allée circulaire, au n° 50.
En 1928, le 16 juillet, l’armée le reclasse à la « classe de mobilisation de 1919« , comme père de famille d’un enfant vivant (article 58 de la loi du 31 mars 1928). En janvier 1929, il est domicilié au 28, chemin des Marais à Aulnay.

Le 1er mars 1930 à Paris 11è, Charles Véron épouse Alice, Marie, Hélène Schmitt.
Elle est cartonnière, âgée de 24 ans, née le 12 juin 1905.domiciliée au au 78, rue de la Folie Regnault avec sa mère. Lui est tourneur, domicilié au 28, chemin des Marais.
Le couple a deux enfants, dont une fille, Jeanine, qui naît le 2 septembre 1937 (épouse Marcadet, elle habitait encore à l’adresse de ses parents en 1990).
Charles Véron est tourneur sur métaux de formation. Puis il est embauché comme cantonnier par la municipalité de Sevran, à direction communiste depuis 1932.
En 1938, il a déménagé au 23, rue Béranger, un petit pavillon, à Sevran. Il est reclassé dans la classe de mobilisation de 1917, comme père de famille de deux enfants vivants.
Membre du Parti communiste, il est un des responsables de la section de Sevran du P.c. Après la dissolution du Parti communiste et la déchéance des élus municipaux communistes par le Conseil de Préfecture à la fin février 1940, ceux-ci ont repris contact avec la direction clandestine du PC (Étienne Fajon) par l’intermédiaire de l’ancien maire communiste Gaston Bussière (arrêté dans la nuit du 18 au 19 juin 1941, celui-ci est fusillé le 21 septembre 1942 au Mont Valérien).
Après la déclaration de guerre de septembre 1939, Charles Véron est mobilisé au 503è Dépôt de chars à compter du 1er mars 1940. Démobilisé il revient à Sevran.

Le 13 juin 1940 des éléments de l’armée allemande occupent Sevran. La Werhmarcht se dirige ensuite vers Paris, via Drancy, Saint-Denis et Saint-Ouen.Le 13 juin 1940 l’armée allemande occupe Saint-Denis, Saint-Ouen et Sevran. Le 14 juin, l’armée allemande entre par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants.  Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

© Site Mairie de Sevran

Suivant les directives de la direction clandestine du Parti, les élus municipaux communistes déchus et les militants de Sevran occupent brièvement la mairie le 24 juillet 1940 exigeant leur retour « aux affaires ». Des tracts de la section communiste clandestine sont diffusés (La Résistance en Seine-Saint-Denis).
Dans le cadre de la politique de répression qui vise à faire pression sur les milieux et familles communistes, le commissaire de police de Livry-Gargan va alors cibler un certain nombre d’élus et militants connus, dont Charles Véron.

Son domicile est perquisitionné fin juillet et des tracts « d’origine communiste » sont trouvés. Un juge d’instruction du tribunal de Pontoise ordonne son arrestation le 7 août 1940 pour infraction aux articles 1 et 3 du décret du 26 septembre 1939. Il est arrêté le 17 août 1940 et mis à la disposition du procureurCharles Véron est condamné le 19 septembre 1940 à dix-huit mois de prison par le tribunal correctionnel de Pontoise. Ecroué à la Santé ou à Fresnes, il fait appel de cette sentence, mais elle est confirmée par la cour d’appel de Paris le 28 novembre.

Clairvaux : séance de punition

Il est alors transféré à la maison centrale de Clairvaux où il reçoit le numéro d’écrou 2017, sous statut de droit commun, alors qu’il a été condamné comme politique. A la date d’expiration normale de sa peine d’emprisonnement, le 1er décembre 1941, il est maintenu à Clairvaux. Il va demander régulièrement la
transformation de son statut de droit commun en celui de détenu administratif.
Lire dans le site : La Maison centrale de Clairvaux.
Sur ordre des autorités d’Occupation (13 février 1942), le Préfet de l’Aube le fait transférer avec d’autres détenus de Clairvaux – dont  René Paillole, Roger Le Bras, Frédéric Ginolin – au camp allemand de Royallieu à Compiègne, le Frontstalag 122.
Il est transféré avec ses camarades à Compiègne le 23 février 1942.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Charles Véron est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Charles Véron est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «46 189» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.

Charles Véron meurt à Auschwitz le 17 août 1942d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 409 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec ses dates, lieux de naissance et de décès, avec l’indication « glaubenslos » (athée).

Il convient de souligner que vingt-six autres «45 000» ont été déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz ce même jour. C’est le début d’une grande épidémie de typhus au camp principal, qui entraîne la désinfection des blocks, s’accompagnant d’importantes « sélections » des « inaptes au travail » avec comme conséquence la mort dans les chambres à gaz. La veille, vingt-six « 45 000 » ont ainsi été assassinés.
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois

Le certificat de décès, délivré le 5 avril 1946 par l’officier de l’état civil au Ministère des Anciens combattants et victimes de guerre porte la date fictive du 15 octobre, destinée à permettre aux ayants droit d’avoir accès aux titres et pensions.
Malheureusement cette date est reprise dans l’arrêté ministériel du 2 mai 2001 apposant la mention Mort en déportation sur son acte de décès et paru au Journal Officiel du 8 juillet 2001. Il serait souhaitable que le ministère prenne désormais en compte les archives du camp d’Auschwitz emportées par les Soviétiques en 1945. Elles sont accessibles depuis 1995 (certificats de décès de l’état civil d’Auschwitz, documents officiels allemands établis par les médecins du camp d’Auschwitz, à la mort d’un détenu) ou les informations consultables sur le site internet du © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau.
Voir l’article : Les dates de décès des « 45 000 » à Auschwitz.

Charles Véron a été déclaré « Mort pour la France » et homologué comme « Déporté politique ».
Son nom est inscrit sur le monument aux morts de la commune. Une plaque apposée sur la façade de la mairie de Sevran honore son nom et ceux de cinq élus « victimes de la barbarie nazie ».
« Les communistes de Sevran ont payé un lourd tribut. De nombreux camarades ont été emprisonnés. La plupart des élus communistes ont été envoyés aux camps de la mort et ne sont jamais revenus, comme Jean Cayet, Gaston Lévy, Georges Denancé, Maurice Métais, André Mortureux, André Rousseau et Charles Véron. Lucien Gelot, 17 ans, engagé dans les FFI, suivit le Colonel Fabien et tomba en Alsace. Bruno Banker, 20 ans, poursuivant les Allemands avec un groupe de FTP, est tombé tout proche du pont du canal. Lucien Sportisse, instituteur à Sevran, est tombé au maquis dans la région de Lyon. Jean Hemmen, l’oncle de Denise Albert et de Paulette Descoins, officier de la brigade internationale en Espagne, fusillé …»Interview pour les 30 ans de la libération de Sevran de Louis Le Maner, Suzanne Bussière et Lucien Geneux (par Michel Prin « La Renaissance »,  juillet 1974). In © Blog de Clémentine Autain.

  • Note 1 : Ce prénom est d’origine bretonne. Il veut dire « rayonnant, brillant ».
  • Note 2 : Le rappel des hommes effectuant leur première année de service dans la réserve est autorisé  » dans les cas où les circonstances paraîtraient l’exiger  » (art. 33). De manière générale, le rappel est motivé par l’  » agression  » ou la  » menace d’agression caractérisée par le rassemblement de forces étrangères en armes  » (art. 40). 

Sources

  • Mairie de Sevran : certificat de décès (12 avril 1990).
  • Archives de la Préfecture de police, Cartons occupation allemande, BA 2374.
  • La Résistance en Seine-Saint-Denis, Joël Claisse et Sylvie Zaidman, préface de Roger Bourderon Syros éd. page 390.
  • Fichier national de la Division des Archives des Victimes des Conflits Contemporains (DAVCC ex BAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
  • Archives départementales de Paris : jugements du tribunal correctionnel de la Seine.
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Death Books from Auschwitz (registres des morts d’Auschwitz), Musée d’Étatd’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
  • © Site Internet Legifrance.
  • © Site Internet MemorialGenWeb.
  • © Google Street Wiew
  • © Photo séance de punition à Clairvaux, collection Henri Manuel, Musée national des Prisons, ministère de la Justice.
  • Registres matricules militaires.

Notice biographique rédigée à partir d’une notice succincte pour le 60è anniversaire du départ du convoi des « 45 000 », brochure répertoriant les “45 000” de Seine-Saint-Denis, éditée par la Ville de Montreuil et le Musée d’Histoire vivante, 2002, complétée en novembre 2007 (2014,  2019, 2020, 2022 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45 000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45 000 », éditions Autrement, Paris 2005 (dont je dispose encore de quelques exemplaires pour les familles).  Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com

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