Matricule « 46 115 » à Auschwitz

Attestation du PCF de Boulogne en 1946 (1)
Henri Schall : né en 1902 à Epernay (Marne) ; domicilié à Boulogne-Billancourt (Seine) ; employé communal, éboueur chargeur ; communiste, délégué CGT du personnel ; arrêté le 26 juin 1941 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 23 septembre 1942.

Henri Schall est né Henri Drocourt le 4 mars 1902 à Epernay (Marne). Il est légitimé par le mariage de ses parents.
Il habite dans les HBM du 34, square des Moulineaux, escalier 63, à Boulogne-Billancourt (Seine / Hauts de Seine) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marthe, Albertine Drocourt et d’Henri Schall, ajusteur mécanicien, son époux.
Il est l’aîné d’une fratrie de neuf enfants (Gaston né en 1903, Julien en 1905, Andrée en 1907, Albert, en1909, Renée en 1910, Aimée en 1912, Lucienne en 1913 et Pierre en 1914).
Le 1er mai 1922, il est appelé au service militaire (recrutement du bureau de Chalon-sur-Saône, matricule 277). Il est incorporé au 6è bataillon (ouvriers d’artillerie) et en est réformé le 16 juin 1922.

Le 26 août 1922 Henri Schall épouse à Autrêches (Oise) Marguerite, Lydie Lesueur, manouvrière, née le 26 mars 1903 dans ce village (décédée le 26 août 1984). Le couple aura trois garçons : Joseph, né le 1er juillet 1921 à Autrêches, Henri, né le 21 septembre 1923 à Oeuilly (Marne) et Albert, né le 26 février 1926 à Vauciennes (Marne).
En 1924, Henri Schall est embauché comme employé communal au service de l’enlèvement des ordures ménagères (éboueur, plus précisément cantonnier-chargeur titulaire) de Boulogne Billancourt.

34/36 Square des Moulineaux à Boulogne

Henri Schall milite à la Section du Parti communiste de Boulogne, 39 rue Carnot. Il est adhérent de la CGT, délégué syndical « à son travail » selon son fils Henri.

En 1936, Henri Schall vit au n° 34, avenue des Moulineaux (escalier 63), avec son épouse, ses enfants, sa nièce et son frère Julien François Albert (né le 9 mars 1905 à Magenta – Marne- ), charpentier chez Soulat à Boulogne.

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Toute la banlieue parisienne est occupée les jours suivants. Un premier détachement allemand occupe la mairie de Nanterre et l’état-major s’y installe.
Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

En 1941, il habite toujours au 34, square des Moulineaux. Pendant l’Occupation, il appartient à un groupe de résistants (cf. l’attestation de la section du PCF de Boulogne – 3/12/1948 au début de cette notice).

Extrait de la liste des RG du 26 juin 1941, montage à partir du début de la liste

Henri Schall est arrêté à son domicile à 6 heures du matin le 26 juin 1941, par le commissaire de police de Boulogne, pour « raisons politiques« , et « interné administratif pour raisons politiques« .

La liste des Renseignements généraux répertoriant les communistes internés administrativement le 26 juin 1941, mentionne pour Henri Schall : « Meneur particulièrement actif ».

Cette arrestation a lieu dans le cadre de la grande rafle commencée le 22 juin, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique. Sous le nom «d’Aktion Theoderich», les Allemands arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française qui applique le décret-loi du 18 novembre 1939 dirigé contre les « individus dangereux pour la défense nationale et pour la sécurité publique ». Les communistes arrêtés sont d’abord placés dans des lieux d’incarcération français. Ceux du département de la Seine sont rassemblés à l’Hôtel Matignon et gardés par la police de Vichy. Puis emprisonnés au fort de Romainville sous autorité allemande (alors annexe du camp de Royallieu) d’où ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu (Fronstalag 122) à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht et qui le jour-même devient un camp de détention des ennemis actifs du Reich. Royallieu est alors le seul camp de détention en France  placé sous le contrôle direct de l’armée allemande.

Deux autres militants communistes de Boulogne sont arrêtés à la même période : Alexis Martin et Fernand La Fenêtre.
A la date du 26 juin 1942, Henri Schall figure sur une liste d’agents communaux « privés de leur emploi pendant l’occupation allemande« . Il est indiqué que son épouse reçoit une délégation de traitement. Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Henri Schall est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942

Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. 

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Henri Schall est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45 420» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Lors de son immatriculation à Auschwitz, il donne comme adresse Berny par Vic-sur-Aisne, qui est sans doute le village de Berny-Rivière à moins de deux kilomètres de Vic-sur-Aisne (entre Compiègne et Soissons) où son épouse et ses fils ont dû se réfugier après son arrestation.

Dessin de Franz Reisz, 1946

Henri Schall meurt à Auschwitz le 23 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 1072), et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec son adresse, ses dates, lieux de naissance et de décès, et l’indication « Katolisch » (catholique).

Son décès est enregistré à l’infirmerie d’Auschwitz, le 23 septembre 1942 (à 9 h 15, précise l’acte de décès daté du 5
décembre 1946).
Voir à ce sujet l’article : Les dates de décès des « 45000 » à Auschwitz.

La mention «Mort en déportation» est apposée sur son acte de décès (arrêté du 1er avril 1998, paru au Journal Officiel du 14 juillet 1998).
Il a été déclaré « Mort pour la France». Il est homologué « Déporté politique« .
En septembre 1946, Marguerite Schall qui habite alors 14, rue Saint Paul à Paris IVème sollicite du maire de Boulogne l’attribution d’un logement HLM. La réponse d’Alphonse Le Gallo (maire SFIO) est négative, « faute de logements vacants déclarés par les propriétaires ».

Note 1 : A la Libération, la date réelle de création des FTPF n’est guère connue des militants. Les groupes FTPF ont en effet été créés à partir de mai- juin 1941 à partir de l’OS (Organisation Spéciale) du Parti communiste clandestin. Arrêté le 26 juin 1941, Henri Schall a été plus vraisemblablement membre de l’OS.

Sources 

  • Lettre du 4 octobre 1988 et documents communiqués par son fils Henri, qui fut lui aussi éboueur à Boulogne-Billancourt (du 20 novembre 1944 au 21 septembre 1972).
  • Archives communales de Boulogne-Billancourt, recherches de Mme Edith Bauer, archiviste (juillet 1988) : liste des employés communaux privés d’emploi, extraits de naissance, de mariage, de décès.
  • Death Books from AuschwitzSterbebücher von Auschwitz,  (registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • © Site Internet Légifrance.gouv.fr
  • © Site Internet www. Mortsdanslescamps.com
  • © Square des Moulineaux, Street-wiew.
  • Montage photo du camp de Compiègne à partir des documents du Mémorial © Pierre Cardon
  • © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946)
  • © Photo du wagon utilisé pour le transport des déportés,© Mémorial de Langeais
  • Archives de la Préfecture de police de Paris. Renseignements généraux, Liste des militants communistes internés le 26 juin 1941.
  • Courriels de Madame Geneviève Girard, Gilbert Schall, son petit fils.

Notice biographique rédigée en novembre 2005 (complétée en 2016,  2019 et 2021) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par l’association « Mémoire vive » et la municipalité de Gennevilliers.  Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger , vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

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