La « division des jeunes » au C.S.S d’Aincourt
Georges Dudal à son retour de déportation a apporté de nombreux et précieux témoignages manuscrits portant sur sa clandestinité, son arrestation à 17 ans, son passage au « mitard » à la prison de Fresnes à 18 ans, la « DJ » au camp d'Aincourt à 19 ans, la solidarité à Compiègne, Auschwitz, Gross Rosen...
« A ma sortie de prison (Fresnes), – après avoir été acquitté « ayant agi sans discernement « , car n’étant pas majeur -, la police m’attendait pour me conduire au dépôt où un convoi en direction du premier camp d’internement de la région parisienne, Aincourt, était formé. Ce camp avait pour appellation « Centre d’éducation surveillée » (en fait « Centre de Séjour surveillé »).
Le directeur de ce camp, le commissaire Andrey, considérait que les jeunes ne devaient pas être en contact avec les vieux militants. Un dortoir fut donc aménagé, portant le nom de « DJ » : dortoir des jeunes. La majorité des jeunes était membre des JC et ce fut par la suite une pépinière d’otages, de fusillés et de déportés.
Nous restons très peu de cette « DJ » ; deux seulement du convoi des 45000, Devaux et Dudal. Mario Ripa est rentré en 1945 et depuis 1947 nous n’avons plus de nouvelles. Quant à Robert Lambotte, il est décédé depuis le retour d’Auschwitz.
Déportés le 6 juillet 1942, parmi les anciens de la « DJ » qui ne sont pas rentrés il y avait, Bourneix, Caplier et Maroteau, tous trois de Puteaux ; Daoudal de Villejuif, Fréssineau de Paris, Lambolley de Saint-Denis, Preuilly, Roger Guy, Saint-Yves et notre Camarade Benoit, plus âgé que nous, qui se trouvait on ne sait pourquoi à la « DJ ».
La majorité de ces camarades était passée par Voves ou Rouillé. Nombre faisait partie du convoi vers Compiègne en partance de Voves le 10 mai 1942. De ce convoi la majorité à été déportée le 6 juillet 1942 à Auschwitz.
Seuls Aondetto, Guilbert Marcel, Lambotte, Dudal sont rentrés en 1945. Dans ce camp d’Aincourt se trouvaient beaucoup de responsables, tant du PC que des syndicalistes : Léon Mauvais, Eugène Hénaff, Fernand Grenier, Henri Raynaud, Poulmarch, Jean-Pierre Thimbaut, Guy Mocquet, Roger Seurat, Maurice Niles, Auguste Delaune, Français – maire de
Vitry-, Dino Scolari, Michels, et j’en passe.
A la « DJ », nous étions environ 60. Combien en reste-t-il aujourd’hui ? Des fusillés : Guy Mocquet, Grimbaum, Jurquet ; des déportés…
La vie au camp d’Aincourt n’était pas très dure mis à part l’isolement. La nourriture était légère, mais nous recevions des colis. Les familles faisaient des miracles pour nous soutenir dans cette période de restrictions.
Nous faisions du sport, des jeux, les camarades professeurs nous donnaient des cours : français, allemand, maths, économie politique etc…
Un camarade avait pu passer, à la suite d’une visite, le bouquin » Histoire du Parti Bolchévique de l’URSS « . Chaque soir notre camarade Merotin (illisible…), mort en déportation à Buchenwald, nous faisait la lecture à la lueur d’une lampe électrique après le couvre feu. Nous chantions aussi, le moral était au beau fixe. Un matin, des bruits circulent qu’une perquisition va avoir lieu.
Dans la « DJ » il fallait faire disparaître ce bouquin, sans traces. A dix, nous l’avons mangé, page par page !
Un certain nombre de camarades étaient partis pour Rouillé en octobre 41. Le 18 février 1942 un nouveau convoi partait vers Voves. Il fallait démanteler cette » DJ » qui aux yeux du commissaire Andrey devenait trop politique.
Le camp de Voves était formé de baraques en bois. Nous n’y sommes restés que trois mois, et le 10 mai, les quatre-vingt détenus étaient sélectionnés pour une destination inconnue. Mis en quarantaine dans une baraque vide, nous avons attendu pendant plus de deux heures l’arrivée des allemands. Nous sommes partis en chantant la Marseillaise.
En cas d’utilisation ou publication de ce témoignage, prière de citer : « Témoignage publié dans le site « Déportés politiques à Auschwitz : le convoi dit des 45.000 » site : deporte-politiques-auschwitz.fr
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