Georges Dudal le 8 juillet 1942 à Auschwitz

Témoignage de Georges Dudal

Noël, Noël, Noël, les enfants sont heureux, émerveillés. C'est un beau jour qui reste gravé en mémoire. Le père Noël apporte les jouets, les friandises et la joie des petits et des grands.

Le Noël 1942 fut pour moi le plus triste de mon existence et reste aussi gravé dans ma mémoire. Sur 1170 hommes, du convoi dit « 45000 », arrivés le 8 juillet 1942 au camp de la mort d’Auschwitz, à Noël, à peine 6 mois après notre arrivée, plus de 1000 camarades nous avaient quittés. Morts dans des conditions atroces, les coups, la faim, le soif, le travail forcé jusqu’à épuisement, les épidémies, la chambre à gaz, vers laquelle nos amis partaient en chantant la Marseillaise. Dans ce block 5 à Birkenau nous ne restions plus que 5 ou 6 de notre convoi. La semaine était de 7 jours pleins, sans repos. Pour ce Noël 1942 des bruits circulaient, nous devions nous reposer toute la journée pour fêter ce beau jour… Les SS avaient planté un sapin très haut, tout illuminé, qui nous rappelait les arbres de Noël de notre France.
Le 24 décembre, le soir nous avons chanté des chansons de notre jeunesse pendant plus d’une heure. Grand moment de bonheur pour nous et nos camarades Polonais qui nous fit oublier pour quelques instants notre triste destin.
Mais à 3 heures du matin de ce 25 décembre : branle bas de combat, réveil à coups de matraques. Appel à l’extérieur par moins 20°C en dessous de zéro pendant plusieurs heures au garde à vous.
L’appel terminé, départ pour le travail forcé, nous étions des milliers, peut-être plus de 10.000. Le but de l’opération prévue par les SS était d’empierrer la route centrale de Birkenau environ 1 km de long. Sur chaque côté de la route, des SS, des chiens féroces, des coups frappant à cœur joie, mortellement parfois. Les pierres étaient transportées dans nos vestes, enfilées à l’envers, c’est à dire le dos devant pour former une poche en remontant les deux angles de la veste, dans laquelle deux pelles de pierres étaient versées. Il fallait courir sous les coups et les morsures des chiens pendant plus de 500 mètres et sans arrêts, toute la journée sans toucher de nourriture.

Noël 1940 à Auschwitz, peinture de Wladyslav Siwek (Musée d’Auschwitz). On y voit les cadavres alignés au pied du sapin. L’horrible et macabre tradition est amplifiée en 1942 !  In Musée d’Auschwitz. Peintre polonais connu,  Wladyslav Siwek  est interné  à Auschwitz de 1940 à 1944, puis à Sachsenhausen.

Résultat : des centaines des morts estimés à plus de 2000. Le soir les SS jouissaient de cette journée dramatique et pour comble les corps des victimes étaient empilés au pied de l’arbre de Noël comme des cadeaux.
Ce n’était qu’une de ces dures épreuves endurées : il y en a eu bien d’autres. Nous étions là pour mourir. Le sort a voulu que je rentre en France en 1945. Je pesais 32 kilos, la peau et les os. Pourquoi suis-je rentré, la chance ? Le destin ? Mais surtout la solidarité et le moral. Tous nos camarades qui ont laissé leur vie dans cet enfer sont morts dans des conditions inhumaines, pour la Patrie après avoir lutté contre l’envahisseur. Mais la reconnaissance de la France est plus que discutable (1).

Il ne faut pas oublier, pour ne plus revoir cela.

Ce Noël 1942 à Birkenau est également raconté dans l’ouvrage de Julien Unger, Le Sang et l’Or, Editions Le Manuscrit, 2007, p.114.-116.

Note 1 : Georges Dudal fait ici référence aux discriminations dont furent l’objet les déportés communistes, pourtant victimes de La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942), lorsque leurs familles ou les rares rescapés voulurent faire prendre en compte leurs actes de résistance à l’occupant. Lire dans le site, l’article : La carte de « Déporté-Résistant ».
Georges Dudal lui-même mit de nombreuses années pour faire reconnaître son combat : 
D’abord homologué « Déporté Politique », il ne sera homologué « Déporté Résistant » que sur la fin de sa vie. Notre ami « Jojo » a reçu la Croix du Combattant et la médaille du Combattant volontaire de la Résistance.

En cas d’utilisation ou publication de ce témoignage, prière de citer : « Témoignage publié dans le site  « Déportés politiques à Auschwitz :
le convoi dit des 45.000
» : deporte-politiques-auschwitz.fr . 
Adresse électronique :  deportes.politiques.auschwitz@gmail.com 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *