La solidarité s’organise, témoignage de Georges Dudal
Depuis le camp d’Aincourt, Georges Dudal est transféré le 18 février 1942 au camp de Voves.
« Le camp de Voves était formé de baraques en bois. Nous n’y sommes restés que trois mois,
et le 10 mai, les quatre-vingt détenus étaient sélectionnés pour une destination inconnue. Mis en quarantaine dans une baraque vide, nous avons attendu pendant plus de deux heures l’arrivée des allemands. Nous sommes partis en chantant la Marseillaise. Les camarades nous donnaient friandises et vivres et nous criaient, les larmes aux yeux : « courage les copains nous gagnerons la bataille ».
Dans le train bien gardé par les sentinelles allemandes, nous nous sommes empressés de manger tout ce que nous avions reçu. Le train s’est arrêté un bon moment près d’une carrière. Premier
réflexe : nous sommes arrivés, c’est là qu’ils ont décidé de nous faire disparaître. De nouveau nous avons chanté la Marseillaise, pas fiers, mais lucides. Mais le train a repris son parcours et ce fut Compiègne notre point de chute. C’était le 10 mai 1942.
A Compiègne la solidarité s’organisait, nombre de nos camarades ne recevaient pas de colis. Je faisais partie de ceux-là.
Nous avions formé un petit groupe de 15, tous venant de Voves, dont Désirat et Kesterman qui se sont évadés de Compiègne, Caplier, Bourneix, Meroteau.
J’étais le responsable de la fabrication de la nourriture. Lorsque les colis arrivaient, après les avoir réceptionnés et avoir récupéré les affaires personnelles, les camarades donnaient toute la
nourriture à notre « économe » et chaque jour je touchais biscuits, chocolat, pâtes, conserves, suivant les réserves.
Charge m’était donnée de faire le maximum pour donner à chacun un peu de nourriture.
Il y avait de l’herbe (du plantain), cela faisait la verdure. Les pâtes, les conserves permettaient d’inventer des plats. Je faisais cuire des petits gâteaux au soleil.
Notre camarade Chaussinant, ancien secrétaire du syndicat des pâtissiers, venait me voir chaque jour.
Ce pauvre Chaussinant est mort à Birkenau à Noël 1942. J’ai préparé la veille du 6 juillet pour tous nos
camarades un litre pour chacun de nouilles au chocolat.
Et ce fut le 6 juillet, le départ pour Auschwitz. Jamais nous n’aurions pu imaginer ce qui nous était réservé.