Matricule « 45 697 » à Auschwitz Rescapé
Louis Jouvin : né en 1907 à Caen (Calvados) ; domicilié à Grand Quevilly (Seine-Inférieure / Seine-Maritime) ; couvreur, agent technique PTT ; maire communiste de Grand-Quevilly ; arrêté dans la nuit du 21 au 22 octobre 1941 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, Sachsenhausen, Kochendorf, Dachau, Augsburg, décédé le 7 février 1995.
Louis Jouvin est né le 28 décembre 1907 à Caen (Calvados). Il habite au 56, rue Robert Legros à Grand Quevilly (Seine-Inférieure/Seine-Maritime) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Marie Quentin et d’Auguste Jouvin, peintre, son époux (mariés le 30 août 1884). Il a deux sœurs et deux frères : Alphonse 1901-1972, Yvonne 1907, Albert 1910, Odette 1914.
« Louis Jouvin suivit des études primaires puis exerça le métier de couvreur. Il adhéra au Parti communiste en 1934, alors qu’il était toujours dans le Calvados, et milita à Falaise où il assura le secrétariat d’une cellule » (Le Maitron).
« Sorti à 11 ans de l’école primaire pour devenir petit couvreur, il a vite connu l’exploitation et les conditions de vie difficiles du monde ouvrier. Mais jamais il ne s’est résigné à subir l’humiliation. Il adhère au Parti Communiste en 1934 » (allocution de sa petite fille, Catherine Jouvin-Voranger ).
Il se marie avec Yvonne Poulain, née le 13 septembre 1906 à Caen, modiste (voir la note 3), fille d’un charretier et d’une couturière.
Le couple a deux fils : Pierre, né le 7 mai 1927 (note 1), et Jean-Louis. Ils viennent s’installer au Grand-Quevilly au début des années 1930.
Louis Jouvin est agent technique aux PTT. Secrétaire du Syndicat CGT des Services techniques PTT, il est membre du Bureau de l’Union Départementale CGT à Rouen et du bureau départemental de la CGT de Seine-Maritime de 1938 à 1939. Yvonne Jouvin adhère au PCF en 1936.
Louis Jouvin est mobilisé le 2 septembre 1939 au 22ème Régiment d’Artillerie Divisionnaire à Caen.
Le 22 décembre 1939 il est arrêté à Vieux Berquin (Nord) et interrogé par la police comme « suspect« . A la suite d’un non-lieu, il est réaffecté au 89ème RAD de Dunkerque.
« Rappelé sous les drapeaux en septembre 1939, il fait partie des troupes françaises acculées sur les places de Dunkerque en juin 1940. Il réussit à gagner, à la nage, un navire anglais qui dépose les rescapés à Margate. Quelques jours plus tard il est redirigé sur Bordeaux et Nîmes pour y reprendre le combat, mais l’armistice est signé et il rejoint son foyer à Grand-Quevilly » (allocution de sa petite fille, Catherine Jouvin-Voranger, 7 octobre 2017). Il reçoit la croix de guerre 1939/1940.
Les troupes allemandes entrent dans Rouen le dimanche 9 juin 1940. Le 22 juin, l’armistice est signé : la France est coupée en deux par la « ligne de démarcation » qui sépare la zone occupée de celle administrée par Vichy. Le 10 juillet 1940 Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « Révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs, rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…). Après la capitulation et l’armistice du 22 juin, La Feldkommandantur 517 est installée à l’hôtel de ville de Rouen et des Kreiskommandanturen à Dieppe, Forges-les-Eaux, Le Havre et Rouen.
A partir de 1941, les distributions de tracts et opérations de sabotage par la Résistance se multipliant, la répression s’intensifie à l’encontre des communistes et syndicalistes. Dès le 22 juillet 1941, le nouveau préfet (René Bouffet) réclame aux services de police spéciale de Rouen une liste de militants communistes. Une liste de 159 noms lui est communiquée le 4 août 1941 avec la mention : « tous anciens dirigeants ou militants convaincus ayant fait une propagande active et soupçonnés de poursuivre leur activité clandestinement et par tous les moyens ». Ces listes, comportent la plupart du temps – outre l’état civil, l’adresse et le métier – d’éventuelles arrestations et condamnations antérieures. Elles seront communiquées à la Feldkommandantur 517, qui les utilisera au fur et à mesure des arrestations décidées pour la répression des actions de Résistance.
Le couple Jouvin participe très tôt à la reconstitution clandestine du PC à Grand-Quevilly puis à la Résistance dès juillet 1940. Voir en note 3, des extraits d’un courrier de leur petite fille, madame Catherine Jouvin-Voranget, qui retrace les activités de résistance de sa grand-mère Yvonne Jouvin, « Claire » puis « Camille » en 1943. Voir également la notice du Maitron : JOUVIN Yvonne [née POULAIN]
Leur fils Pierre Jouvin âgé de 14 ans en 1941, a obtenu a 13 ans son certificat d’études. Comme la scolarité est obligatoire jusqu’à 14 ans, il fait encore une année à l’Ecole Roger Salengro, dont le jeune instituteur est Michel Muzard, militant communiste qui est en liaison avec André Duroméa et Madeleine Dissoubray. C’est par l’intermédiaire de Michel Muzard, via Pierre Jouvin que ses parents reçoivent des messages de la direction communiste. Roger Muzard sera fusillé par les Allemands le 13 mars 1943 à Angers.
On lira la notice biographique dans le Maitron de ce « vrai héros » selon les mots de Madeleine Hamon (MUZARD Michel, Étienne, Gabriel, Bernard)
Lire en note 1 quelques lignes de présentation des responsabilités de Pierre Jouvin après-guerre. Et se reporter également dans le Maitron, à la notice qui lui est consacrée, par Jean-Pierre Besse : JOUVIN Pierre, Louis, Alfred
Louis Jouvin diffuse la presse clandestine du Parti communiste.
Il accomplit un sabotage sur les circuits électriques de la ligne téléphonique Le Havre-Paris utilisée par les Allemands.
« Louis Jouvin n’accepte pas la dictature mise en place par le régime de Vichy. Sa femme Yvonne et lui entrent en résistance active dès la fin 1940 : distribution de tracts à la porte des usines, agitation dans les files d’attente, pour obtenir du pain; le 19 octobre 1941 Louis fait partie de l’équipe de Francs-Tireurs et Partisans montée par André Duroméa et Michel Muzard (instituteur à l’école Salengro) qui fait dérailler un train Allemand entre Rouen et Pavilly. En tant qu’agent des lignes aux PTT, il a été chargé de couper les liaisons téléphoniques pour retarder l’arrivée des Allemands sur le site. L’opération est un succès qui déclenche de dures représailles : les Allemands exigent l’arrestation de 150 otages communistes (ou présumés tels), syndicalistes ou opposants au régime. La police française se charge de l’opération, dans la nuit du 21 au 22 octobre 1941″(allocution de sa petite-fille, Catherine Jouvin-Voranger, 7 octobre 2017).
« Louis Jouvin a été un des acteurs du déraillement du train militaire de Pavilly le 19 octobre 1941. Cette opération avait été soigneusement préparée à l’avance par André Pican et Michel Muzard (pour l’OS), en contact avec les deux envoyés du Comité Militaire National de l’OS. Lire dans le site : Le « brûlot » de Rouen (octobre 1941).
La distribution des tâches, les itinéraires d’approche et de repli, les horaires avaient été distribués à diverses formations de militants qui participaient à une action commune sans se connaître mutuellement. La protection armée revenait à l’OS, le déboulonnage à des cheminots utilisant un outillage de fabrication artisanale. Ainsi, le sabotage des lignes téléphoniques avait été confié à l’agent des PTT Louis Jouvin qui, travaillant précisément dans le secteur couvrant Pavilly, en connaissait tous les détails. Le point de déboulonnage était situé à 13 km de Rouen à cause du retour à vélo.
« Le déraillement réalisé, les groupes se replient, Louis Jouvin, Michel Muzard, Antoine de Paris rentrent chez Lucie Guérin (dans son appartement boulevard des Belges) avec André Pican, chaussures et vêtements déchirés où ils passent le reste de la nuit ». In Les bataillons de la jeunesse, Albert Ouzoulias.
« Louis Jouvin était-il particulièrement soupçonné par la police en raison de son lien professionnel avec la ligne touchée par le sabotage ? Quoi qu’il en soit, Il sera arrêté 48 heures après le déraillement dans le cadre de la rafle en milieu communiste, probablement au même titre que les 150 autres militants depuis longtemps fichés par la police de Rouen et du département de Seine-Inférieure ». Jean Paul Nicolas, correspondant du Maitron.
La police recherche activement les auteurs du sabotage, à partir de descriptions d’un garde barrière et « met le paquet » pour retrouver dans quelle usine les outils ont été fabriqués. Analyse métallographique du type d’acier employé : ce n’est pas un acier des ateliers SNCF de Sotteville, ni de la Compagnie Française des Métaux à Déville ! Etc…L’analyse des alliages de la soudure ne donne rien non plus. Encore raté ! De fait Rouen est une ville comportant beaucoup d’industries et on ne parvient pas à identifier le métallo qui confectionnait sur son tour les outils pour sabotage et les tubes d’acier des bombes pour attentats. Ce métallo était bien sûr « plusieurs » et dans des industries inattendues (Jean Paul Nicolas).
Louis Jouvin est arrêté dans la nuit du 21 au 22 octobre 1941, entre une heure et deux heures du matin, chez lui, par la police française et locale (2). Louis Jouvin indique qu’avec lui sont arrêtés Louis Briand, Michel Guillot, Marcel Le Dret, André Voranget, Michel Bouchard, Adrien Fontaine, Robert Gaillard, Lucien Ducastel, Jean Valentin.
Son arrestation est ordonnée par les autorités allemandes en représailles au sabotage (le 19 octobre) de la voie ferrée entre Rouen et Le Havre (tunnel de Pavilly) Lire dans le site Le « brûlot » de Rouen. Une centaine de militants communistes ou présumés tels de Seine-Inférieure sont ainsi raflés entre le 21 et 23 octobre.
Ecroués pour la plupart à la caserne Hatry de Rouen, tous les hommes appréhendés sont remis aux autorités allemandes à leur demande, qui les transfèrent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) entre le 25 et le 30 octobre 1941. Trente neuf d’entre eux d’entre eux seront déportés à Auschwitz. Louis Jouvin est incarcéré à la caserne Hatry à Rouen puis transféré au camp allemand de Compiègne (Frontstalag 122) le 25 octobre 1941.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, voir les deux articles du site : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Son épouse continue le combat : « Yvonne Jouvin organisa en avril 1942 une manifestation de femmes en faveur de l’amélioration du ravitaillement ». Le Maitron.
Depuis le camp de Compiègne, Louis Jouvin est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation. Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le blog le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Aushwitz-Birkenau
Louis Jouvin est enregistré à leur arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 (11 heures du matin) sous le numéro
matricule « 45 697 ». Ce matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz (1) a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale »
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet : «Nous sommes interrogés sur nos professions. Les spécialistes dont ils ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et s’en retournent à Auschwitz I » (témoignage de Pierre Monjault). Louis Jouvin est affecté au camp principal d’Auschwitz, dans le kommando des couvreurs. Ils y sont 32 français au début. Louis Jouvin sera le seul survivant.
En application d’une directive de la Gestapo datée du 21 juin 1943 accordant aux détenus des KL en provenance d’Europe occidentale la possibilité de correspondre avec leur famille et de recevoir des colis renfermant des vivres, Louis Jouvin, comme les autres détenus politiques français d’Auschwitz, reçoit en juillet 1943 l’autorisation d’échanger des lettres avec sa famille – rédigées en allemand et soumises à la censure – et de recevoir des colis contenant des aliments. Ce droit leur est signifié le 4 juillet 1943.
Entre le 14 août 1943 et le 12 décembre 1943, il est en quarantaine au Block 11 avec la quasi totalité des Français survivants. Lire l’article du blog « les 45000 au block 11. Le 12 décembre 1943, les Français quittent le Block 11 et retournent dans leurs anciens Kommandos. Louis Jouvin retourne au Kommando des couvreurs jusqu’au 3 août 1944, date à laquelle il est à nouveau placé en quarantaine, au Block 10, avec la majorité des «45000» survivants.
Dès 1944, devant l'avancée des armées soviétiques, les SS commencent à ramener vers le centre de l’Allemagne les déportés des camps à l’Est du Reich, dont Auschwitz. Les premiers transferts de "45.000" ont lieu en février 1944 et ne concernent que six d’entre eux. Quatre-vingt-neuf autres "45 000" sont transférés au cours de l'été 1944, dans trois camps situés plus à l'Ouest - Flossenbürg, Sachsenhausen, Gross-Rosen - en trois groupes, composés initialement de trente "45 000" sur la base de leurs numéros matricules à Auschwitz. Une trentaine de "45 000" restent à Auschwitz jusqu'en janvier 1945. Lire dans le site : "les itinéraires suivis par les survivants".
Louis Jouvin est transféré avec 29 autres «45 000» au camp de Sachsenhausen, le 29 août 1944 : il y reçoit le matricule « n° 94 260 ».
Puis il est transféré à Kochendorf (kommando de Natzweiler-Struthof), situé sur le Neckar à 50 km de Stuttgart, (anciennes mines de sel converties en usines souterraines pour les constructions Heinkel), avec Georges Gourdon, Henri Hannhart, Germain Houard, Lahoussine Ben Ali, Guy Lecrux, Gabriel Lejard, Maurice Martin, où ils arrivent le 5 octobre 1944.
Il y est affecté au Kommando des électriciens avec le matricule « 149 709 ».
Fin mars 1945, ils sont évacués sur Dachau, à pied jusqu’à Augsburg (c’est l’une de ces terribles «marches de la mort» au cours de laquelle périssent des milliers de déportés).
Concernant le camp de Kochendorf et la marche de la mort Kochendorf-Augburg, lire dans le site les souvenirs de Gabriel Lejard. Récit : d’Auschwitz à Kochendorf et les marches de la mort de Kochendorf à Augsburg, puis Dachau
Puis ils sont à nouveau évacués, cette fois-ci en train, jusqu’à Dachau où ils arrivent le 8 avril 1945. Louis Jouvin y porte toujours le matricule « 140 709 ». Il y retrouve son camarade René Demerseman, du Trait. Devant l’avance des américains, l’Etat major allemand ordonne de tuer tous les prisonniers. Mais le communiste Oskar Müller, membre du comité international des prisonniers (il sera ministre du travail du land de Hesse en 1945), parvient à faire évader quelques prisonniers afin d’avertir les soldats américains de l’endroit exact du camp et de l’urgence qu’il y a à intervenir. Le matin du 29 avril, le 3e bataillon du 157e régiment de la 45e division US attaque le camp et le libère.
Louis Jouvin est rapatrié en France le 18 mai 1945 selon son témoignage
Il est homologué «Déporté politique».
Sa demande pour être reconnu «Déporté Résistant» est demeurée sans suite.
Il est décoré de la Croix de guerre 39-45, de la médaille de la Déportation et Invalides.
Louis Jouvin a été maire de Grand-Quevilly de 1945 à 1947 (Wikipédia et communication téléphonique de son fils Pierre). Il y habite, rue Mathilde Juliot.
Il succède à Tony Larue, maire SFIO entre 1936 et 1940, puis entre 1944 et 1945. Ci-contre un appel à une réunion publique avec son camarade Adrien Fontaine
« Louis est libéré à Dachau le 28 avril 1945 et rapatrié en France le 13 mai. Il a le typhus et ne pèse plus que 35 kg. A l’extrême limite de ses forces, il est hospitalisé à l’Hospice Général, actuel hôpital Ch. Nicolle. Le Parti Communiste les a néanmoins présentés aux élections municipales d’avril 1945, Adrien Fontaine et lui, et ils ont été élus, alors même qu’ils n’étaient pas encore rapatriés des camps. Lors de l’élection du maire par le 1er conseil municipal du 19 mai 1945, tous deux sont absents, excusés. Louis Jouvin est élu au premier tour et proclamé Maire de Grand-Quevilly. Mais il ne pourra présider son premier conseil que le 27 juillet 1945. Sa courte mandature s’est déroulée dans le contexte difficile de l’immédiat après-guerre : pénurie de charbon, d’essence, de bois, de nourriture. Les troupes d’occupation ont laissé les bâtiments publics dans un état lamentable : l’école Pasteur est à reconstruire, le stade a été vandalisé, il faut créer un dispensaire. Mais la commune est pauvre, et les caisses désespérément vides. M. Boré, conseiller municipal, espère pouvoir servir de la viande au moins une fois par semaine aux personnes âgées inscrites aux repas d’entr’aide. Paulette Lacour, résistante, sœur d’Albert Lacour qui fut abattu dans la grotte de Barneville et élue au conseil municipal cherche des espadrilles, des galoches et des blouses pour les enfants.
En dépit des restrictions, la municipalité parvient à faire partir les enfants en colonie de vacances à Bois-Guillaume pendant l’été 45. Puis elle trouve une solution pérenne et achète, pour 2 millions de francs, couverts par un emprunt, une colonie de vacances « prête à l’emploi » à Gouville-sur-mer, dans la Manche. Les enfants peuvent partir dès l’été 46 : les filles en août, les garçons en septembre. Dans l’urgence, Paulette Lacour doit faire l’avance d’une partie des frais de fonctionnement et se faire rembourser par la suite. Cette réalisation, lancée sans moyens, fait la fierté de Louis Jouvin. Elle symbolise l’espoir mis dans la jeunesse pour une société plus égalitaire. La colonie de Gouville fonctionnera jusqu’à l’été 1957, et sera ensuite remplacée par celle de Soulac-sur-Mer » .
Les élections municipales du 22/10/1947 sont défavorables à Louis Jouvin : Tony Larue le devance de 4 voix. Il est élu maire de Grand-Quevilly, Louis Jouvin devient conseiller municipal. Il le restera jusqu’en 1959 (allocution de sa petite fille, Catherine Jouvin-Voranger, 7 octobre 2017).
En 1947, il milite à la FNDIRP, dont il est membre du bureau départemental. Il est adhérent à l’Amicale d’Auschwitz.
Il est membre du comité fédéral du PCF et vice-président de l’Amicale des élus communistes de Seine-Inférieure.
Le 26 juin 1960, avec Germaine Pican, Lucien Ducastel, Robert Gaillard et Louis Eudier, il organise au Petit-Quevilly la première rencontre des «45000» et des «31000» survivant-e-s qu’ils avaient pu retrouver.
Puis la commémoration à Rouen du 20e anniversaire de la libération d’Auschwitz. Le 27 mai 1973 c’est la rencontre à Gonfreville-L’Orcher (ci joint le menu à son nom). Il est au Havre, en 1980 (photo ci-dessus).
Il se retire à Illeville-sur-Montfort, où il est président de le l’Amicale des Anciens Combattants et Victimes de Guerre.
Louis Jouvin est mort le 7 février 1995.
La cellule du PCF du Grand-Quevilly a été baptisée du nom de Louis Jouvin.
En octobre 2016, une cérémonie s’est tenue aux Bains-Douches, en présence du conseiller régional, Joachim Moyse, de plusieurs membres de la famille Jouvin, de la représentante de la fédération PCF de Seine-Maritime, Tiphaine Berthelot, des élus et militants communistes du Petit et du Grand Quevilly, mais aussi de Petit et Grand-Couronne, de Saint-Etienne-du-Rouvray et du secrétaire de la section Couronne / Quevilly, Didier Cahard, ainsi que de nombreux militants…
« Le 23 juin 2017, le Conseil Municipal de Grand-Quevilly, réuni sous la présidence de M. Marc Massion, a accepté de donner le nom de notre grand-père à un espace situé sur le territoire communal. Nous tenons à remercier le groupe communiste d’avoir porté cette demande chère à notre famille, et la municipalité d’avoir consenti à y donner suite. Plus de 70 ans après les évènements et 22 ans après le décès de Louis Jouvin et celui de Tony Larue, une page se referme. Mais l’histoire de la ville de Grand-Quevilly continue, au-delà de celle de ses édiles, dans le souci, partagé par tous, du bien-être de ses habitants et des valeurs républicaines. Ces remerciements sont exprimés au nom des familles en descendance directe de Louis et Yvonne Jouvin, Je vous remercie de votre attention » (allocution de sa petite fille, CatherineJouvin-Voranger, 7 octobre 2017).
Samedi 7 octobre, le maire de Grand-Quevilly Marc Massion, Didier Béranger adjoint au maire communiste, Pierre Jouvin, fils de Louis et Yvonne, ancien combattant, porte parole de la mémoire du maquis de Barneville, et Philippe Jouvin, représentant la famille dévoilaient la plaque commémorant l’action de celui qui fut syndicaliste, combattant et résistant, déporté puis maire de 1945 à 1947.
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Note 1 : Son fils Pierre s’est engagé et a participé à Libération de la poche de Dunkerque (de septembre 1944 au 9 mai 1945) au sein du 1er bataillon du 67ème régiment d’Infanterie. Il était président de l’ANACR. Jean-Paul Nicolas vient de nous annoncer son décès survenu le 2 avril 2020.
- Note 2 : Dans le questionnaire biographique qu’il rédigea le 10 septembre 1947, il mit en cause Georges Déziré qui lui aurait répondu lorsqu’il l’avait averti de la surveillance dont lui Jouvin faisait l’objet que « surveiller n’est pas toujours arrêter, alors qu’il aurait dû me faire quitter le domicile pendant qu’il était encore temps ». Le Maitron.Note 3 : Yvonne Jouvin : « Sa femme Yvonne Jouvin, elle aussi communiste depuis 1936, a continué le combat seule après l’arrestation de Louis : distributions de tracts et de journaux clandestins, hébergement de militants en fuite (Charles Pieters, Suzanne Roze-Clément). Avec Madame Le Dret et Madame Guillot (épouses des deux 45000), appels à réagir dans les queues pour le ravitaillement, assaut victorieux d’un centre allemand de subsistances à Grand-Quevilly (les femmes et les enfants participant à cet assaut sont repartis avec des boules de pain, des saucissons, sous les yeux médusés des sentinelles allemandes, qui n’avaient su comment réagir face à ces mères de familles chargées d’enfants).La police française est venue à son domicile rue Mathilde Julio à Grand-Quevilly, en janvier 1943, pour l’arrêter à son tour. Prenant prétexte d’enfiler un manteau, elle a réussi à s’échapper par le fond du jardin, leur terrain donnant sur deux rues. Elle a trouvé refuge chez des cheminots à Dieppe (comme Charles Pieters, de Dieppe, avait trouvé refuge à Grand-Quevillly) puis elle est envoyée dans la Somme par le Parti Communiste clandestin.
Elle poursuit le combat dans la clandestinité, sous le pseudonyme de Camille, maquis Jeanne d’Arc. Elle part ensuite dans l’Oise, dans le réseau de résistance Inter 27, où sous le pseudonyme de Claire elle fait partie du poste de commandement de Rosoy pour la recherche d’armes, de ravitaillement etc. Elle met fin à son engagement FTPF en mars 1945, et rentre à Grand-Quevilly pour y attendre le retour de Louis, dont elle est sans nouvelles depuis août 1944. A la fin des années 70, sa belle-fille (ma mère – épouse de Pierre Jouvin, le fils aîné) s’insurge sur le fait qu’Yvonne Jouvin ne soit pas reconnue comme Résistante, alors que tant d’hommes qui en ont sûrement moins fait qu’elle, le sont. Animée par des idées féministes, ma mère prend les choses en main, et constitue le dossier auprès des Anciens Combattants de Seine-Maritime. Des mois, des années passent, sans réponse. Ça ne perturbe pas ma grand-mère, qui se doute bien que son appartenance au Parti communiste n’aide pas à la progression de sa demande dans les arcanes du Ministère. Ma mère, lorsqu’elle finit par prendre conscience de l’incurie de l’administration, reprend le combat pour sa belle-mère, et remonte un dossier complet : si ça t’amuse, semblait lui dire ma grand-mère, désabusée…. Le suspens a pris fin le 28/12/1982 (un an après l’élection de François Mitterrand : faut-il voir là un lien de cause à effet ?) : enfin le statut de Résistante lui était accordé, pour les actions menées entre le 7 mars 1942 et le 30 août 1944 (période très restrictive, lorsqu’on sait que dès 1940, elle était dans la lutte contre l’occupant). Ma grand-mère avait alors 75 ans. Elle a reçu la Croix de Combattant Volontaire de la Résistance le 8 mai 1983, à Illeville-sur-Montfort (27) des mains du Lieutenant Vannier, Commandant du Maquis Jeanne d’Arc à Elbeuf, ancien déporté, en présence de son mari Louis et de tous ses enfants et petits-enfants ». Extraits d’un courriel de Madame Catherine Jouvin-Voranger (août 2014)
Sources
- Questionnaire biographique (contribution à l’histoire de la déportation du convoi du 6 juillet 1942), envoyé aux mairies, associations et familles au début de mes recherches, en 1987, rempli avec beaucoup de gentillesse par Louis Jouvin le 20 octobre 1987.
- Attestation du Front National du 22 octobre 1968 (Munier, liquidateur).
- © Mémorial Sachsenhausen.
- Lettre de Georges Gourdon à Roger Abada – 8 août 1988.
- Témoignage de Lucien Ducastel (1988).
- Fichier national du Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
- © Archives en ligne du Calvados-Caen.
- « Mémoire vive n° 30 ».
- © Blog des élus communistes de Grand-Quevilly.
- © Correspondance octobre 2011 avec Bruno Prepoleski, élu communiste de Grand-Quevilly.
- Documents recueillis par Jean Paul Nicolas aux AD de Seine Maritime (cote 54 W 7958), mel mai 2014.
- Courriels et photos de la petite fille de Louis Jouvin, Madame Catherine Jouvin-Voranger (août 2014).
- In Front de gauche 76. Discours de sa petite fille.
- Photos couleur de Philippe Jouvin et André Delestre
- Courriel de Jean-Paul Nicolas du 4 avril 2020
- Photos des cartes de Dachau et Kochendorf © International Center on Nazi Persecution, Bad Arolsen Deutschland
Notice biographique rédigée en 2003 (complétée en 2012, 2016, 2017, 2020, 2022 et 2024, par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées du site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com