Matricule « 45 520 » à Auschwitz
Roger Desmonts : né en 1911 à Ormes (Eure) ; domicilié à Levallois-Perret (Seine) ; tourneur sur métaux ; communiste ; arrêté le 21 février 1941, puis le 12 février 1942 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 8 août 1942.
Roger Desmonts est né le 8 novembre 1911 à Ormes (Eure). Il habite au 17, rue Edouard Vaillant à Levallois-Perret (Seine / Hauts-de-Seine) au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Angèle, Victorine Zéphirine Suchomer, cultivatrice qui habite non loin d’Ormes à Tournedos-Bois Hubert et d’Eugène, Gaston Desmonts, cultivateur. Il a un frère.
Roger Desmonts est embauché tourneur sur métaux dans une entreprise de Boulogne-Billancourt (les Etablissements Salnepley).
Il effectue son service militaire de 1931 à 1932.
En 1935 – 36, Roger Desmonts travaille comme décolleteur à l’entreprise Chenard et Walcker (40, rue du Moulin de la Tour à Gennevilliers) puis, en 1936 (…), comme régleur à l’entreprise Stlmson (102 bis, rue du Point du Jour à Billancourt). Il travaille comme tourneur décolleteur aux usines Renault, à Boulogne-Billancourt. Adhérent du Parti communiste, il est secrétaire d’une cellule.
Lire dans le site : 27 ouvriers de chez Renault déportés à Auschwitz
Il part combattre en Espagne républicaine et fut affecté dans une compagnie du Génie. Il est rapatrié à une date inconnue.
Il entre à la Société des Moteurs Gnome et Rhône (SMGR) le 6 janvier 1939 comme décolleteur. In « Gnôme et Rhône : 39-45 parcours de 67 salariés » par Serge Boucheny et Dominique Guyot. Association d’Histoire Sociale CGT de la SNECMA. Page 91.
Il épouse le 10 juin 1939 Pierrette, Marie Petit, mécanicienne, âgée de 19 ans. Ils habitent alors au 17, rue Edouard Vaillant. Puis le couple est domicilié au 99, rue Danton à Levallois. Ils ont eu une fille, Josée, née le 11 janvier 1938.
Roger Desmonds, compte tenu de sa qualification professionnelle, est très certainement « affecté spécial » dans son usine à la déclaration de guerre, le 3 septembre 1939.
Le vendredi 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Un premier détachement allemand occupe la mairie de Nanterre et l’état-major s’y installe. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
« Porté sorti » le 30 juin 1940, « exode » date de la fermeture de l’usine Kellermann, il est réembauché le 19 novembre 1940 comme manœuvre. Il est domicilié 99, rue Danton toujours à Levallois-Perret. Il est « porté sorti » le 21 janvier 1941 : sa fiche porte la mention manuscrite « arrêté pour propagande ». Continuant à militer au Parti communiste devenu clandestin, Roger Desmonts est arrêté le 21 février 1941, par la police française (2). Ce jour-là une douzaine de militants communistes sont appréhendés et des milliers de tracts sont saisis. Tous sont inculpés d’infraction au décret-loi du 26 septembre 1939 (reconstitution de parti dissous, propagande communiste). Il reprend son travail, mais est, à nouveau, arrêté pour propagande en avril 1942. In « Gnôme et Rhône : 39-45 parcours de 67 salariés » Page 91.
« En 1940, il continuait à militer au Parti communiste devenu clandestin, il travaillait comme tourneur dans une usine de Boulogne-Billancourt, habitait toujours Levallois-Perret, au 99, rue Danton. Les Comités populaires d’usine, canalisaient une partie de l’expression du Parti communiste, ainsi celui de l’usine Citroën de Levallois protesta contre l’arrestation d’un dirigeant du comité populaire de l’entreprise. Celui-ci était intervenu auprès de la direction pour des revendications salariales, le tract dénonçait : « Hier, Daladier, Reynaud, Blum embastillaient les ouvriers luttant contre la guerre ; aujourd’hui Laval, Pétain, Belin emprisonnent ceux qui luttent contre la misère ». (Octobre 1940). Un tract fut ramassé par la police sur la chaussée de la rue Victor
Hugo, le 25 janvier 1941, à Levallois-Perret : « Pagaïe à Vichy. Un traître chasse l’autre : Flandin remplace Laval. A bas le Gouvernement de la trahison et de la famine. Place au Gouvernement du Peuple ! Ils ne nous auront pas… nous les aurons ! » (Janvier 1941). Les militants communistes distributeurs de tracts étaient pourchassés. Roger Desmonts fut arrêté le 21 février 1941, par des policiers des Brigades spéciales d’intervention (BS1) des commissariats de Puteaux et de Levallois-Perret. Douze militants communistes furent appréhendés ce jour-là : deux de Levallois-Perret, sept de Gennevilliers et un de Villeneuve la Garenne. Plusieurs milliers de tracts furent saisis, ainsi qu’une liste de militants. Tous furent inculpés d’infraction au décret-loi du 26 septembre 1939, reconstitution de parti dissous, propagande communiste. Ces chutes en entraînèrent d’autres, une trentaine dans cette partie de la banlieue ouest, entre le 17 février et le 1er mars, ce qui porta un très rude coup à l’organisation communiste ». In Le Maitron, notice biographique de Roger Desmonts par Daniel Grason.
De retour à Levallois, militant communiste connu pour cette raison des services de police, il est à nouveau arrêté le 12 avril 1942, « pour ses activités
communistes« .
Il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122), en vue de sa déportation comme otage.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Roger Desmonts est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Roger Desmonts est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule
«45 520» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation (2) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.
Roger Desmonts meurt à Auschwitz le 8 août 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 221 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec ses dates, lieux de naissance et de décès, avec l’indication « Katolisch » (catholique). Il convient de souligner que cent quarante-huit «45000» ont été déclarés décédés à l’état civil d’Auschwitz les 18 et 19 septembre 1942, ainsi qu’un nombre important d’autres détenus du camp enregistrés à ces mêmes dates. D’après les témoignages des rescapés, ils ont tous été gazés à la suite d’une vaste sélection interne des inaptes au travail, opérée dans les
blocks d’infirmerie.
Lire dans le site : Des causes de décès fictives.
Un arrêté ministériel du 8 août 1988 paru au Journal Officiel du 17 septembre 1988 porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur ses actes et jugements déclaratifs de décès. Mais il comporte une date erronée : « décédé en fin d’année 1942 à Auschwitz (Pologne) ». Il serait souhaitable que le Ministère prenne en compte, par un nouvel arrêté, la date portée sur sonb certificat de décès de l’état civil d’Auschwitz, accessible depuis 1995 et consultables sur le site internet du © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau. Lire dans le site l’article expliquant les différences de dates entre celle inscrite dans les «Death books» et celle portée sur l’acte décès de l’état civil français) Les dates de décès des « 45000 » à Auschwitz
Il a été déclaré « Mort pour la France » et le titre de « Déporté politique » lui a été attribué.
La carte de « Déporté politique » a été attribuée à Josée Desmonts, 90 rue Danton à Levallois.
Sa nièce qui a recueilli la photo très abîmée que conservait sa grand-mère, écrit « Mon souvenir c’est que c’était le
fils et le frère dont on était fier, dont on n’a jamais vraiment admis la disparition. Ma grand-mère était une paysanne habitant pas très loin d’Ormes, sans moyen de communication hormis la poste et son fils étant parti sur Paris, les nouvelles ont du se raréfier petit à petit jusqu’à ne plus en avoir du tout et pour cause ! ».
Elle m’a envoyé également une émouvante lettre de son épouse Pierrette, que celle-ci adresse en 1944 à sa belle-mère, lettre qui témoigne de la terrible incertitude où elle est quant au destin de son mari et de l’ignorance où elle est de son lieu de déportation.
Envoi d’une autre photo de Josée Desmonts, chez sa grand-mère à Tournedos, en 1947.
Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après-guerre directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz–Birkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Note 2 : « Un tract fut ramassé par la police sur la chaussée de la rue Victor Hugo, le 25 janvier 1941, à Levallois-Perret : « Pagaïe à Vichy. Un traître chasse l’autre : Flandin remplace Laval. A bas le Gouvernement de la trahison et de la famine. Place au Gouvernement du Peuple ! Ils ne nous auront pas… nous les aurons ! » (Janvier 1941).
Sources
- Archives municipales de Levallois.
- Photocopie de l’acte de mariage (mail de Mme Françoise Benoiton-Marié, mai 2014).
- Liste (incomplète) par matricules du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (archives des ACVG).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets- de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Fichier national du Bureau des archives des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen, octobre 1993.
- © Site Internet Legifrance.
- Courriels de sa nièce, Mme Françoise Benoiton-Marié. Envoi de photos de famille en mars-avril-mai 2014. Avec tous mes remerciements pour ses recherches.
- Photo de famille retouchée par © Pierre Cardon.
- Carte postale du « Père cent » (à 100 jours de la « Quille », de la libération). Montage photo en agrandissant le haut de la carte où se trouve Roger Desmonts entouré de camarades.
- In « Gnôme et Rhône : 39-45 parcours de 67 salariés » par Serge Boucheny et Dominique Guyot. Association d’Histoire Sociale CGT de la SNECMA 2018.
- © Photo du service du personnel de Gnôme et Rhône / Archives Safran Aircraft Engines.
- On peut lire sa notice biographique rédigée par Daniel Grason dans Le Maitron, dictionnaire du Mouvement ouvrier, version électronique, désormais en accès libre, maitron-en-ligne.univ-paris1.fr/.
Notice biographique rédigée en 2007 (complétée en 2016, 2019, 2021 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com