Matricule « 46 274 » à Auschwitz
Maurice Ferstla : né en 1893 à Ustrom (Pologne) ; domicilié à Paris 20è ; tailleur ; arrêté comme otage juif fin août 1941 ; interné à Drancy, transféré à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 28 juillet 1942 à Birkenau.
Maurice Ferstla est né le 27 janvier 1893 à Ustrom en Silésie (Pologne). Il habite au 5, rue du Soleil dans le 20è arrondissement de Paris au moment de son arrestation.
En 1931, il est recensé au 3, rue du Soleil. Il exerce la profession de tailleur.
Il est marié avec Chana Rozenberg (1), née à Bialobozec (Pologne) le 15 mars 1902. Sa sœur, Faygla Wajchberg vit avec eux. Le couple a trois enfants. Un garçon, Albert, qui naît en 1924 et deux petites filles, Jeanne née le 21 novembre 1932 à Paris 20è et Claudine née 13 septembre 1938 à Paris 14è (1). Jeanne va à l’école de la rue Olivier Métra, et Claudine à l’école Jardin.
Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Maurice Ferstla est arrêté en août 1941 à Paris au cours de la deuxième grande rafle des Juifs résidant dans plusieurs arrondissements de la capitale, dont le 20è. La rafle est opérée conjointement par la police française et la Feldgendarmerie allemande, dans le cadre de représailles après des attentats commis contre des soldats allemands.
« Du 20 au 24 août 1941, une grande rafle a lieu à Paris. Cette rafle est d’abord menée, le 20 août, dans le 11ème, puis étendue, le 21, aux 10ème, 18ème, 19ème et 20ème arrondissements. Lors de cette rafle, la police française collaborant avec la Feldgendarmerie allemande, arrête tous les Juifs – hommes exclusivement – français et étrangers de 18 à 50 ans. 4 232 personnes (sur les 5 784 personnes que prévoyaient les listes) sont arrêtées et emprisonnées à Drancy, dans la cité de la Muette devenue camp d’internement de Juifs. Elle est désormais identifiée sous le nom de « camp de Drancy » (Wikipédia).
Au camp de Drancy (source DAVCC), Maurice Ferstla reçoit le matricule « 2779 ».Il est transféré de Drancy au camp allemand de Compiègne (le Frontstalag 122) le 29 avril 1942.
Il fait partie d’un transfert de 784 Juifs de Drancy vers Compiègne, où ils sont internés dans le camp « C » dans le « camp des Juifs ». 751 d’entre eux sont déportés le 5 juin 1942 à Auschwitz.Les autres, comme Maurice Ferstla et Abraham Wajbrot, seront déportés dans le convoi du 6 juillet 1942 avec notamment les 27 otages juifs de Caen qui ont été transférés le 4 mai à Compiègne.
C’est pourquoi la présence du nom de Maurice Ferstla sur une liste des déportés à Auschwitz par le convoi n° 2 au départ de Compiègne le 5 juin 1942 (source © Mémorial de la Shoah), ne doit pas nous tromper, il n’a pas été déporté dans ce convoi, mais il est bien parmi les 50 otages Juifs du convoi du 6 juillet 1942.
En témoignent d’une part sa fiche conservée au DAVCC et d’autre part son numéro d’immatriculation à Auschwitz : les déportés du convoi du 5 juin 1942 ont reçu des numéros nettement antérieurs à ceux du convoi dit des « 45 000 » : par exemple le numéro d’immatriculation à Auschwitz de Samuel Finkel de Clichy, qui est le nom du déporté qui suit celui de Maurice Fersla sur la liste du convoi n° 2 est le « 38 426 » à Auschwitz. Alors que celui de Maurice Ferstla sera le « 46 274 ».
Ils sont ainsi quelques otages Juifs arrêtés comme tels, dont le départ à été différé et dont le nom figure sur les listes du convoi dit n° 2 par le Mémorial de la Shoah.
Lire l’article : Les déportés juifs du convoi
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à leur déportation, voir les deux articles du site : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Maurice Ferstla est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Maurice Ferstla est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule «46 274» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Tous les déportés Juifs du convoi, excepté David Badache, restent à Birkenau.
Maurice Ferstla meurt le 28 juillet 1942 à Birkenau, 20 jours après son arrivée, d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau) où il est mentionné avec ses dates et lieux de naissance et de décès, son numéro matricule et avec l’indication « Mosaich » (confession israëlite, Juif).
- Note 1 : Chana Rozenberg-Ferstla est déportée à Auschwitz le 7 août 1942, depuis le camp de Pithiviers. Claudine
et Jeanne Ferstla, âgées de 3 et 9 ans, sont déportées à Auschwitz le 21 août 1942.
- Note 2 : Dans le cadre de son considérable travail mémoriel, Serge Klarsfeld a numéroté tous les convois raciaux partis de France à direction d’Auschwitz, en reprenant les numéros attribués par les Nazis. Les convois n° 1 et 2 sont partis les 27 mars et 5 juin 1942 de Compiègne. 67 autres partiront de Drancy, 5 de Pithiviers, 2 depuis Beaune la Rolande et 1 de Lyon. Mais on trouve dans les listes du Mémorial de la Shoah, un numéro – le n° 451 sans précision de sa date de départ – qui correspond au convoi du 6 juillet 1942.
S’il s’agit d’un convoi composé pour l’essentiel d’otages politiques, leur déportation s’inscrit dans le cadre de la politique allemande des otages contre le « judéo-bolchevisme » qui s’applique directement aux convois n° 1 et 2. Il comprend de plus de 50 otages Juifs déportés comme tels, et sa terrible mortalité (89 %) est proche de celle des convois raciaux. On remarque que le numéro 451 introduit une confusion dans la chronologie : il est en effet historiquement le 3ème convoi parti de Compiègne pour Auschwitz, et le 6ème des convois partis de France pour Auschwitz.
Sources
- Photos de la famille Ferstla, © in « Comité de l’école de la rue de Tlemcen », association pour la Mémoire des enfants Juifs du 20ème . Et © Mémorial de la Shoah.
- Drancy : Bundesarchiv, 183 B10920, Frankreich, Paris, festgenommene Juden im Lager.
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, Caen (dossier individuel consulté).
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- Death Books from Auschwitz(registres des morts d’Auschwitz), Musée d’Étatd’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- © Mémorial de la Shoah, Centre de documentation juive contemporaine (CDJC). Paris IVème.
- © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz (1946).
Notice biographique mise à jour en 2010, 2013, 2019 et 2021 à partir d’une notice succincte rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20ème arrondissement, par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit ma thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com