Gervais Givaudin agrandissement
Gervais Givaudin à Auschwitz, le 8 juillet 1942

Matricule « 45 609 » à Auschwitz

Gervais Givaudin : né en 1913 à Champs-sur-Yonne (Yonne) ; domicilié à Paris 13ème ; ajusteur-mécanicien ; membre des JC et du Parti communiste ; arrêté le 28 juin 1941 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 9 janvier 1943

Gervais Givaudin est né le 8 janvier 1913 à Champs-sur-Yonne (Yonne) Il est domicilié dans le quartier Croulebarbe au 4, square Albin Cachot à Paris 13ème (1) au moment de son arrestation
Il est le fils de Pauline Adrienne Cordier, couturière, née à Pamiers (Ariège) le 6 août 1891, et de Marcel Pierre Givaudin, né le 29 décembre 1889 à Champs-sur-Yonne, mécanicien à Champs-sur-Yonne chez Delacroix. Ses parents se sont mariés à Paris 13ème le 27 septembre 1910.
Il a trois sœurs (Andrée, née en 1910, Odette, née en 1912 et Suzanne, née en 1914).

Gervais Givaudin au service militaire: corvée de balayage © Christian Raulic

Conscrit de la classe 1933, Gervais Givaudin effectue son service militaire (sur la photo, il est le deuxième en partant de la gauche).
Il travaille comme mécanicien ajusteur aux usines d’automobiles Delahaye à Paris, entreprise où milite la responsable communiste Jeanne Dennevert. Il est inscrit sur les listes électorales de 1937 pour le 13ème arrondissement, quartier Croulebarbe.

A Villejuif, chez ses parents © Christian Raulic
Avec sa fiancée © Christian Raulic

Il est d’abord adhérent des Jeunesses communistes, puis du Parti communiste

Gervais Givaudin, conscrit de la classe 1933, est donc mobilisable à la déclaration de guerre en 1939. Mais il a peut-être été « affecté spécial » sur son poste de travail.

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).

Tract clandestin du PC 13ème © BNF Gallica

Dès juillet 1940 des anciens militants du quartier Croulebarbe commencent à reconstituer clandestinement le Parti communiste. C’est le cas de Jeanne Dennevert, qui contactera les anciens membres de sa cellule, puis les militants revenus du front. Elle est en contact avec Denise Ginolin (elle même en liaison avec la direction du PC clandestin). La soixantaine de militants communistes vont éditer et distribuer les premiers tracts clandestins du 13ème.
Ancien membre des Jeunesses communistes et du Parti communiste, Gervais Givaudin a été contacté par Jeanne Dennevert dès sa démobilisation. Il participe alors à l’activité clandestine.

L’entreprise Delahaye travaille pour l’Allemagne (2).

Connu des services de Police avant-guerre, Gervais Givaudin est arrêté le 28 juin 1941 pour « propagande communiste » par la police française, vraisemblablement dans le cadre de la grande rafle concernant les milieux syndicaux et communistes. En effet, à partir du 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique, les Allemands arrêtent plus de mille communistes avec l’aide de la police française (nom de code de l’opération : «Aktion Theoderich»).
D’abord amenés à l’Hôtel Matignon (un lieu d’incarcération contrôlé par le régime de Vichy) ils sont envoyés au Fort de Romainville, où ils sont remis aux autorités allemandes. Ils passent la nuit dans des casemates du fort transformées en cachots. Et à partir du 27 juin ils sont transférés vers Compiègne, via la gare du Bourget dans des wagons gardés par des hommes en armes

Le jour même de son arrestation, Gervais Givaudin est interné au camp allemand de Royallieu (le Frontstalag 122) destiné à l’internement des «ennemis actifs du Reich», alors seul camp en France sous contrôle direct de l’armée allemande.
A Compiègne, il reçoit le matricule n° 889. Le 23 décembre 1941, son nom est inscrit, avec le n° 103, sur la liste de recensement des 131 jeunes communistes du camp de Compiègne nés entre 1912 et 1922, aptes à être déportés « à l’Est », en application de l’avis du 14 décembre 1941 du commandant militaire en France, Otto von Stülpnagel (archives du CDJC IV – 198) (4). Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».

Depuis le camp de Compiègne, Gervais Givaudin est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000»

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante  « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 ».
Lire dans le site : Le KL Aushwitz-Birkenau.
Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute réquisition – sera désormais sa seule identité pour les SS et les Kapos.

Gervais Givaudin est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro «45609» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942 et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale »

Sa photo d’immatriculation (4) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz. Il s’est déclaré athée (glaubenslos) lors de l’interrogatoire d’enregistrement.

Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks. Si aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date, on peut penser qu’il est revenu sur Auschwitz I compte tenu de son métier.

Gervais Givaudin meurt à Auschwitz le 9 janvier 1943 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 349 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau). Un arrêté ministériel du 13 septembre 1993, paru au Journal Officiel du 24 octobre 1993, porte apposition de la mention «Mort en déportation» sur les actes et jugements déclaratifs de décès de Gervais Givaudin. Mais cet acte porte une mention inexacte « décédé le 15 janvier 1943 à Auschwitz (Pologne) ». Si dans les années d’après-guerre, l’état civil français a fixé des dates de décès fictives (le 1er, 15 ou 30, 31 d’un mois estimé) à partir des témoignages de rescapés, afin de donner accès aux titres et pensions aux familles des déportés, il serait souhaitable que le ministère prenne désormais en compte, par un nouvel arrêté, les archives du camp d’Auschwitz emportées par les Soviétiques en 1945, et qui sont accessibles depuis 1995 et consultables sur le site internet du©Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-BirkenauVoir l’article :Les dates de décès des « 45000 » à Auschwitz.

Une plaque honorant son nom et celui de Georges Dudach (fusillé par les nazis), a été apposée au square Albin Cachot à la Libération (in Le 13ème arrondissement de Paris, du Front populaire à la Libération). Avec la rénovation du square, elle semble avoir disparu (elle ne figure d’ailleurs pas sur le relevé « Patrimoine des plaques commémoratives de la seconde guerre mondiale à Paris »).

  • Note 1 :« Ouverte en 1932 par la mutuelle La France Mutualiste, cette voie privée donne accès aux différents immeubles qui la bordent et qui furent construits pour faciliter l’hébergement des anciens combattants de la Première Guerre mondiale qui étaient les principaux bénéficiaires de la mutuelle. Elle doit son nom au fondateur de La France mutualiste : Albin Cachot ».
  • Note 2: « Depuis l’automne 1940 furent conclus des accords libres et privés stipulant « transfert de poids lourds de zone non occupée ». Au terme de ces accords agréés par le MBF à la mi-janvier 1941, six sociétés automobiles, dont Delahaye, 20, rue du Banquier travaillent pour les allemands » (Annie Lacroix-Riz, in Médiapart). Outre des voitures de luxe, Delahaye fabriquait en effet des camions avant-guerre, notamment le camion type 119 qui servait aux sapeurs-pompiers (in Club Delahaye).
  • Note 3 : Le camp de Compiègne, placé sous l’autorité de la Wehrmacht depuis juin 1940 était devenu le point de départ des convois de représailles, conformément à la décision d’Otto von Stülpnagel, confirmée par Karl Heinrich von Stülpnagel, dans ses ordonnances des 10 et 24 avril 1942. La dernière de ces instructions indiquait que chaque Feldkommandant devait prendre les futurs déportés, en priorité parmi les internés de Compiègne. Mais 39 % seulement des jeunes communistes (nés entre 1922 et 1932) qu’Otto von Stülpnagel avait prévu de transférer à l’Est en décembre 1941, furent retenus en avril 1942. En effet, les critères de choix qui, quatre mois plus tôt, étaient l’appartenance (vraie ou supposée) au Parti communiste, l’âge et l’aptitude au travail, avaient été revus dans un sens plus restrictif. Les autorités allemandes distinguaient dans ce camp, depuis le 31 décembre 1941, les internés en simple détention de police (Polizeihäftlinge), arrêtés à titre administratif, et les otages, destinés à être fusillés ou déportés.
  • Note 4 : 522 photos d’immatriculation des « 45.000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après guerre directeur du Musée d’Etat d’AuschwitzBirkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.

Sources

  • Témoignages d’Auguste Monjauvis.
  • Le 13ème arrondissement de Paris, du Front populaire à la Libération(EFR 1977) ouvrage collectif de Louis Chaput, Germaine Willard, Roland Cardeur,Auguste Monjauviset son frère Lucien. FC ACVG. Le 13e arrondissement de Paris du Front populaire à la Libération, Paris, 1977, p. 95, 114, 139.
  • Liste de noms de camarades du camp de Compiègne, collectés avant le départ du convoi et transmis à sa famille par Georges Prévoteau de Paris XVIIIème, mort à Auschwitz le 19 septembre 1942 (matricules 283 à 3800) (BAVCC).
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
  • Death Books from Auschwitz (registres des morts d‘Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
  • Photo d’immatriculation à Auschwitz : Musée d’état d’Auschwitz-Birkenau /©collection André Montagne.
  • Photos de famille : envoi par mail de son neveu, M. Christian Raulic, que je remercie pour ses courriels.
De gauche à droite : Fernand Devaux, Claudine Cardon-Hamet, Christine Lévisse-Touzé, Serge Wolikow © Pierre Cardon

Notice biographique mise à jour en 2013, 2016 et 2019 à partir de la notice rédigée en 2002 par Claudine Cardon-Hamet pour l’exposition de Paris 14° du 23 novembre 2002 de l’association «Mémoire vive». Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : «Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942 » Editions Autrement, 2005 Paris et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des «45000», éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com, 

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