Matricule « 45 806 » à Auschwitz
Pierre LOUIS : né en 1922 à Dombasle (Meurthe-et-Moselle) ; domicilié à Villetaneuse (Seine-et-Oise / Seine-Saint-Denis) ; ouvrier d'usine présumé communiste ; arrêté le 28 avril 1942 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 8 août 1942.
Pierre LOUIS est né le 8 janvier 1922 à Dombasle (Meurthe-et-Moselle), prénom et nom confirmés à ma demande par l’Etat civil de Dombasle en 1994, et non Louis PIERRE comme indiqué sur certains sites (ce qui induit en cascade des informations erronées et une confusion avec un cousin du maire de Villetaneuse). Si les noms de ses père et mère sont «non dénommés» sur son acte de naissance, on sait que sa mère est Mathilde, Germaine Beccari, aveugle civile, née en 1892 en Meurthe-et-Moselle, qui habitait Villetaneuse à la Libération (elle est en effet destinataire de la carte d’interné politique de son fils, le 16 mars 1946, Cf. microfilms au DAVCC à Caen).
En 1936, Pierre LOUIS sous le nom de Beccari Pierre, est domicilié avec sa mère au n° 397, de l’avenue de Saint-Denis, appartement n° 748. Il a une sœur, Maria, née elle aussi en Meurthe-et-Moselle, en 1919.
Les deux adolescents travaillent comme ouvriers d’usine à la Société Azur de Villepinte.
Au moment de son arrestation, Pierre Louis habite au 71, avenue de Saint-Denis à Villetaneuse (Seine / Seine-Saint-Denis).
Pierre Louis est manœuvre.
Pierre Louis est proche ou membre des jeunesses communistes, considéré par la police française comme « communiste notoire » et figurant « sur une liste d’indésirables de Villetaneuse en 1940 ». A la déclaration de guerre de septembre 1939, sa classe, la « 42 », n’est pas mobilisable.
Le 13 juin 1940, les troupes allemandes de la 718e division investissent Stains, puis Villetaneuse. Le 14 juin, l’armée allemande entre par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Suivant les instructions du régime de Vichy, et devant la recrudescence de distributions de tracts et d’inscription communistes dans l’Est parisien, la police surveille systématiquement les militants communistes connus de ses services avant-guerre.
Selon sa fiche au DAVCC, on lit que Pierre Louis est « suspecté par la police d’activités communistes et d’actes de Résistance ».
Pierre Louis est arrêté le 28 avril 1942 à 6 heures du matin par un officier allemand assisté par un inspecteur français. Ce jour là une rafle est effectuée par l’occupant dans tout le département de la Seine.
Lire dans le site : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942).
Suivant cette politique des otages, les autorités d’occupation ordonnent l’exécution d’otages déjà internés et arrêtent 387 militants, dont la plupart avaient déjà été arrêtés une première fois par la police française pour « activité communiste » depuis l’interdiction du Parti communiste (26 septembre 1939) et libérés à l’expiration de leur peine. Les autres, comme Pierre Louis, sont connus ou suspectés par les services de police. Il s’agit de représailles ordonnées à la suite d’une série d’attentats à Paris (le 20 avril un soldat de première classe est abattu au métro Molitor, deux soldats dans un autobus parisien, le 22 avril un militaire est blessé à Malakoff).
Pierre Louis est interné le même jour au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122).
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Pierre Louis est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Pierre Louis est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro matricule «45 806» selon la liste par matricules du convoi établie en 1974 par les historiens polonais du Musée d’Etat d’Auschwitz.
Sa photo d’immatriculation à Auschwitz n’a pas été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.
Pierre Louis meurt à Auschwitz le 8 août 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 740 et le site internet © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau).
Lire dans le site : 80 % des « 45 000 » meurent dans les six premiers mois
Le jugement déclaratif de décès du 15 avril 1969 déclare Pierre Louis décédé à Compiègne (Oise) le 28 avril 1942, soit à la date de son arrestation ! En 1965, un dossier d’homologation de « Déporté politique » était en cours, mais la mention n’a jamais été établie. La seule trace écrite dans son dossier aux ACVG étant la mention « Résistance » et sa date d’arrestation et d’internement à Compiègne, considérée à tort comme date de décès. Seule une carte d’Interné a donc été délivrée à sa mère en 1966 (IP 1801. 169 66).
Il conviendrait que le Ministère honore sa mémoire en rectifiant cette erreur, par un arrêté qui reprenne la date de son décès (qui témoigne bien de sa déportation à Auschwitz), mentionnée sur le certificat de décès de l’état civil d’Auschwitz, accessible depuis 1995 et consultable sur le site internet du © Mémorial et Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau. Lire dans le site l’article expliquant les différences de dates entre celle inscrite dans les «Death
books» et celle portée sur l’acte décès de l’état civil français : Les dates de décès des « 45000 » à Auschwitz.
Chaque année les plaques commémoratives des six résistants Villetaneusiens morts pour la liberté de la France sont fleuries par la municipalité et les associations : Pierre Louis est ainsi honoré avec ses camarades Yvon Leclercq, Maurice Grandcoing, Gaston Noreux, Ernest Siegrist, Delphine Presset.
Sources
- Extrait du registre d’Etat civil de Dombasle et courrier (mai 1994).
- Archives de la Préfecture de police de Paris, Cartons occupation allemande, BA 2374.
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
- Liste des jeunes communistes nés entre 1912 et 1922,aptes à être déportés à l’Est 23/12/1941 (archives du CDJC. XLIV-198).
- Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen) indiquant généralement la date de décès au camp.
- © Musée d’Auschwitz Birkenau. L’entrée du camp d’Auschwitz 1.
- Hommage aux victimes et héros de la déportation de Villetaneuse, le 27/04/11 par © Saddri Derradji.
Notice biographique rédigée à partir d’une notice succincte pour le 60è anniversaire du départ du convoi des « 45 000 », brochure répertoriant les “45 000” de Seine-Saint-Denis, éditée par la Ville de Montreuil et le Musée d’Histoire vivante, 2002, complétée en novembre 2007 (2014, 2019, 2020, 2022 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45 000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45 000 », éditions Autrement, Paris 2005 (dont je dispose encore de quelques exemplaires pour les familles). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com