Matricule 45 617 à Auschwitz Rescapé
Henri Gorgue né en 1907 à Paris (20è) ; domicilié à Romainville (Seine / Seine-St-Denis) ; doreur-argenteur, serrurier, charpentier en fer chez Renault et Citroën ; maire-adjoint communiste ; engagé en 1936 dans les brigades internationales en Espagne ; arrêté le 3 janvier 1942 ; interné à la caserne des Tourrelles, au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz , Gross-Rosen, Hersbrück, Dachau ; Rescapé ; décédé 18 janvier 1998 à Tergnier (Aisne).
Tous les textes en italique rouge sont transcrits depuis les témoignages écrits – ou enregistrés sur cassettes audio – d’Henri Gorgue.
Henri Gorgue est né le 14 avril 1907 à Paris 20è. Au moment de son arrestation, il habite au 128, avenue de Brazza, à Romainville (Seine / Seine-Saint-Denis).
Son père Georges Désiré Gorgue, né en 1867, est ouvrier gainier d’art : il meurt d’un cancer en 1919. Sa mère, Juliette Moulié, née en 1879, est alors veuve avec 7 enfants. Elle confie Henri à l’Assistance publique ; on le place dans l’Allier non loin de Montluçon, où il « n’est pas heureux« .
Il travaille dès l’âge de 11 ans et demi comme apprenti chez un menuisier.
A 14 ans, il vend « des croissants, sandwichs et chocolats à la gare d’Ainay ».
Henri Gorgue se marie à 19 ans, le 30 octobre 1926 à Romainville avec Hélène, Georgette Roulinat, bobineuse, née le 7 mars 1906 à Gennevilliers (Seine / Hauts de Seine). La profession «d’argenteur» est indiquée à l’état civil pour Henri Gorgue (il a sans doute appris le métier de doreur-argenteur avec l’artisan menuisier chez lequel il a été placé.
Le couple a une fille née en 1928 à Romainville.
Il effectue son service militaire en 1927, dans l’artillerie (comme mécanicien-artilleur).
Rendu à la vie civile, il travaille de 1928 à 1929 comme serrurier-charpentier en fer aux usines d’automobiles Louis Renault, puis en 1930 aux usines André Citroën où il apprend le métier de traceur-serrurier avec un ancien ouvrier des chantiers navals. Il est élu « délégué syndical des ouvriers d’entretien ».
En 1933, il est licencié de chez Citroën pour fait de grève. Inscrit sur une « liste noire », il ne trouve pas de travail dans les grosses entreprises du département. De 1933 à 1935, il est secrétaire du Comité de chômeurs de Romainville.
Il est embauché par la municipalité communiste de Bagnolet et devient chef de l’atelier municipal.
Militant communiste et délégué syndical, il adhère au mouvement antifasciste Amsterdam-Pleyel, et devient administrateur du journal « Paix et Liberté » organe du Comité national de Lutte contre la guerre et le fascisme dont le premier numéro parait le 15 décembre 1935, véritable « porte voix » du Rassemblement populaire qui préfigure le Front populaire.
En mai 1935, il habite 128, avenue de Brazza à Romainville.
Le 12 mai 1935, il est élu en 10è position sur 27, sur la liste de Pierre Kerautret aux élections municipales de Romainville (la liste communiste fut élue au second tour face à la liste socialiste SFIO de Georges Fenouil, à celle de concentration républicaine et radicale du Docteur Rameau et à celle républicaine et socialiste de Pueyo (Maitron). Le 18 mai, il devient 4è adjoint au maire, délégué sénatorial en 1935.
Au moment de la guerre d’Espagne il s’engage le 26 novembre 1936 dans les Brigades Internationales pour défendre l’Espagne républicaine, avec son frère Roger, son beau-frère Lucien Roulinat (qui sera tué au combat) et Boris Guimpel.
Mécanicien d’artillerie, il est, dit-il «commissaire politique du 1er régiment d’artillerie, commandant Rigaud». Son frère est affecté à la 3è batterie « Anna Pauker ».
Puis Henri Gorgue est commandant de batterie. Il crée une batterie antitanks (« des canons antichars soviétiques » dit-il). Blessé il est replié sur Valence. Puis lors de la défense de Madrid, il est affecté à l’Etat-Major d’un régiment d’artillerie espagnol « sous les ordres d’André Marty ». Il est envoyé en permission à Paris en 1938.
« Sur les conseils de Pierre Rebière », il ne retourne pas en Espagne et participe avec lui à la fondation de l’amicale des volontaires en Espagne républicaine (AVER), en particulier à Romainville.
Henri Gorgue est de nouveau désigné comme délégué sénatorial par le conseil municipal de Romainville en 1938.
Lors de l’Exposition universelle de février 1938, il fait racheter au moment du
démontage les charpentes métalliques du pavillon de Pologne, par la municipalité de Romainville pour 1,72 francs du kilo à la maison Schmid, Bruneton et Morin (60.000 F), pour en faire d’abord un gymnase, puis une salle des fêtes.
En septembre 1939, il est mobilisé dans un régiment du Train (8è armée) à Belfort avec le grade de sous-officier. Il y est « mal vu, car parle trop » et son livret militaire mentionne « esprit douteux, à surveiller ». Il demande à être affecté dans un régiment d’artillerie (il est mécanicien d’artillerie).
Il est au 107è R.A. à Belfort. Lors des combats à Saint-Florentin, le peloton qu’il commande est « le seul à réussir à se replier ». Il veut partir en Algérie. Son centre de démobilisation (Colmar) a été replié à Avignonet-Lauragais, près de Toulouse.
Entre temps, la commission départementale, le déchoit de son mandat de conseiller
municipal, le 15 février 1940.
Jusqu’au 10 juin 1940 des troupes françaises (le 401è régiment d’artillerie de défense anti-aérienne), occupent le Fort de Romainville, qu’elles quittent sans combattre. Un détachement de la Luftwaffe l’occupe alors. Le 13 juin 1940 la Wehrmacht occupe Pantin. Le 14 juin, l’armée allemande occupe Drancy et Gagny et entre par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants.
Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
En octobre 1940, le MBF, Commandement militaire allemand installé à Paris, décide de faire du Fort de Romainville un camp d’internement. Les détenus sont officiellement enregistrés à partir du 1er novembre 1940. 3900 femmes et 3100 hommes y furent interné.e.s avant d’être déporté.e.s. ( 40% de toutes les Résistantes françaises seront internées au Fort de Romainville avant leur déportation).
Démobilisé, Henri Gorgue rentre à Romainville. Il est repris à la mairie de Bagnolet dirigée par la Délégation spéciale dont le président est Félix Dargent (il sera désigné comme maire par Vichy). Il reprend contact avec certains de ses camarades du Parti communiste d’avant-guerre, dont Maurice Cayzac, commis à la mairie de Bagnolet. Il est en pourparlers dit-il pour la création d’un groupe de l’O.S : il est « mis en attente pour une action armée du Parti communiste clandestin ».
Suivant les instructions du régime de Vichy, et devant la recrudescence de distributions de tracts et d’inscription communistes dans l’Est parisien, la police surveille systématiquement les militants communistes connus de ses services avant-guerre.
Le responsable de son triangle lui dit de disparaître et d’entrer dans la clandestinité parce qu’il est très connu. Mais il n’en a pas le temps : le 3 janvier 1942, à 3 heures du matin, des inspecteurs de la P.J. l’arrêtent à son domicile.
Accusé d’activités communistes (son passé de Brigadiste est connu des Renseignements généraux), il est conduit à la Préfecture de police de Paris, puis incarcéré à la caserne des Tourelles (1), où il retrouve une vingtaine d’anciens des Brigades Internationales (voir la Liste des « 45000 » ayant combattu en Espagne (1936-1938), qui ont pour la plupart été raflés le 24 décembre 1941 (les commissaires de police de la Seine ont reçu le 23 novembre l’ordre d’opérer le 24 décembre à 6 heures du matin des perquisitions et arrestations chez les « membres des Brigades internationales »).
Aux Tourelles, il se souvient de France Hamelin. « Nous avions des contacts avec les copines qui étaient dans un bâtiment à part, par l’intermédiaire de notre responsable de bâtiment. Je me souviens qu’à la suite d’une brimade du directeur du camp à l’égard des femmes qui avaient été privées de visites, nous avons organisé une collecte de vivres que nous leur avons fait parvenir au titre de la solidarité ».
Le 5 mai 1942, (et non le 14 avril 1942), il est transféré au camp allemand à Compiègne avec 23 autres internés. Au camp de Royalieu (Fronstalag 122) il est -dit-il – « avec André Tollet responsable aux questions militaires », en raison de son passé de brigadiste.
Il participe à la chorale du camp et enseigne pour le « Comité » le français aux Italiens et aux Espagnols internés. «Tollet faisait des cours sur la CGT» dit-il. Faisant allusion à l’évasion d’André Tollet le 22 juin 1942 par un tunnel : « j’aurais dû partir avec lui par le souterrain, mais je suis resté en raison de mes responsabilités clandestines ».
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Henri Gorgue est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Henri Gorgue est enregistré à leur arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 (11 heures du matin) sous le numéro matricule « 45 617 ».
Son matricule sera tatoué sur son avant-bras gauche quelques mois plus tard. Sa photo d’immatriculation (1) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Il témoignera sur quelques éléments marquants à leur arrivée, comme l’assassinat par le kapo du Block 19 du jeune Clément Matheron âgé de 18 ans, assassinat rapporté également par Georges Dudal « il choisit le plus jeune de notre transport, le petit Matheron et commence à le frapper derrière la tête. Trois fois de suite, Matheron se releva, la quatrième, il resta au sol. C’est alors que la brute s’acharna sur lui et lui assena des coups sur tout le corps. Il frappa pendant dix minutes. La bête humaine était à bout de souffle, suait à grosses gouttes. Il laissa notre pauvre petit camarade pour mort.
Le 13 juillet 1942 : « Nous sommes interrogés sur nos professions. Les spécialistes dont ils ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et s’en retournent à Auschwitz I, ils sont approximativement la moitié de ceux qui restaient de notre convoi. Les autres, dont je suis nous restons à Birkenau où nous sommes employés pour le terrassement et pour monter des baraques appelées Block. » (Pierre Monjault).
Il est témoin de l’horreur au quotidien, décrite minutieusement par René Maquenhen (lire dans le site, La journée-type d’un déporté d’Auschwitz.
Serrurier de métier, Henri Gorgue, est affecté dans un atelier du camp principal (Auschwitz-I). Il travaille au Kommando Schlosserei (serrurerie)
et, pour la direction des travaux (Bauleitung) dans la ville d’Auschwitz. Il dort au Block 22 .
En juillet 1943, en application d’une directive de la Gestapo datée du 21 juin 1943 accordant aux détenus des KL en provenance d’Europe occidentale la possibilité de correspondre avec leur famille et de recevoir des colis renfermant des vivres, Henri Gorgue, comme presque tous les autres détenus politiques (= non juifs) français d’Auschwitz, reçoit l’autorisation d’échanger des lettres avec sa famille – rédigées en allemand et soumises à la censure – et de recevoir des colis contenant des aliments. Ce droit leur est signifié le 4 juillet 1943.
Entre le 14 août 1943 et le 12 décembre 1943, il est en quarantaine au Block 11 avec la quasi totalité des Français survivants.
Lire l’article du site « les 45000 au block 11″.
D’après Georges Brumm, ils sont mêlés à des « libérables » : « Une dizaine de « 45 000 », Gorgue, Buisson et moi, nous nous retrouvons dans la chambrée dite des « Aristocrates » avec 30 à 40 détenus polonais, tchèques et divers (la plupart d’anciens Kapos) qui attendent leur « libération« . Il a raconté la terrible histoire de cette
mère qu’ils voient à travers les planches qui barrent les fenêtres du block 11, qui pleure dans la cour entre les blocks 11 et 10, avec sa fille à son bras. Un matin « on n’a plus vu la mère… Et puis on n’a plus vu la gosse ». Il se souvient avoir chanté le « chant des Marais », appris aux Tourelles, et d’avoir été volontaire avec Georges Dudal, René Demerseman et d’autres « 45 000 » pour le déchargement d’un train de betteraves, dont ils réussissent à en dévorer quelques unes.
Le 12 décembre 1943, les Français quittent le Block 11 et retournent dans leurs anciens Kommandos. Henri Gorgue est affecté au Block 15. La Résistance clandestine lui donne des responsabilités à caractère militaire (collecte d’armes, transport de messages : « Henri Gorgue, qui faisait partie d’un Kommando de serrurerie, transportait des messages camouflés dans des bouteilles vides d’acétylène et les remettait à un endroit convenu ; il fut également chargé de subtiliser une carte du front, alors qu’il effectuait des réparations à la Kommandantur du camp » (Roger Abada, un des dirigeants du groupe français de résistance qui note son nom sur son carnet après son transfert à Dora avec la mention PM : préparation militaire. Lire : Décembre 1942 : La Résistance à Auschwitz et la création du premier groupe français
Henri Gorgue se souvient d’un des chefs de son Block, un allemand, ancien commissaire politique en Espagne où il était responsable d’une batterie allemande et qu’il leur sert « de la soupe en rab’ ». Septembre 1944 : « (…) les combats avaient pris une importance capitale dans les Beskides, les partisans déployaient dans cette région une activité intense. Aussi, en accord avec la direction du camp, décidions-nous de remettre en état de fonctionnement nos groupes paramilitaires qui étaient restés à l’état de cadres » (Hermann Langbein).
Lire dans le site : La Résistance dans les camps nazis.
Dès 1944, devant l'avancée des armées soviétiques, les SS commencent à ramener vers le centre de l’Allemagne les déportés des camps à l’Est du Reich, dont Auschwitz. Les premiers transferts de "45.000" ont lieu en février 1944 et ne concernent que six d’entre eux. Quatre-vingt-neuf autres "45 000" sont transférés au cours de l'été 1944, dans trois camps situés plus à l'Ouest - Flossenbürg, Sachsenhausen, Gross-Rosen - en trois groupes, composés initialement de trente "45 000" sur la base de leurs numéros matricules à Auschwitz. Une trentaine de "45 000" restent à Auschwitz jusqu'en janvier 1945. Lire dans le site : "les itinéraires suivis par les survivants".
Henri Gorgue est transféré d’Auschwitz au camp de Gross Rosen le 7 septembre 1944, « par train régulier » avec vingt-neuf autres « 45 000 », où ils sont enregistrés. Henri Gorgue reçoit le matricule « 41.181 ». Après leur quarantaine, les « 45 000 » sont répartis dans divers Kommando. Une quinzaine d’entre eux, dont Henri Gorgue, est affecté aux usines Siemens.
Le 9 février 1945, le camp de Gross-Rosen est évacué vers d’autres camps.
Henri Gorgue et dix-sept « 45.000 » sont transférés à Hersbrück (camp annexe de Flossenbürg, constructions Dogger) entre le 8 et le 11 février 1945.
Cette fois l’évacuation se fait par wagons découverts par un temps glacial ( » il y a beaucoup de morts à l’arrivée « ). Ils sont immatriculés à Hersbrück : Henri Gorgue a le numéro « 84 707 ».
Le 20 avril 1945, devant l’avancée des troupes américaines, le camp est évacué. Les dix-sept « 45 000 » restants partent à pied avec des centaines d’autres déportés d’Hersbrück vers Dachau. « Le vendredi 20 avril, 14 790 détenus quittent le KZ en quatre colonnes : trois de 4000 déportés et une de 2600 personnes environ. Une seule de ces colonnes, commandée par l’Obersturmführer Pachen, atteint Dachau. Sur ces 4 000 évacués, 2 654 survivent. Les gardes SS tirent sur tout prisonnier trop fatigué ou malade pour avancer. Ils arrivent à Dachau le 24 avril » (US Mémorial Holocaust).
Le 29 avril, le camp est libéré par le 3e bataillon du 157e régiment de la 45e division d’infanterie (7e armée sous le commandement de Patton) US. Mais les troupes américaines décident une quarantaine pour les anciens détenus en raison d’une épidémie de typhus.
Le 15 mai un convoi de camions organisé par l’armée Leclerc ramène Henri Gorgue et ses compagnons à Paris, à l’Hôtel Lutétia où il arrive le 16 mai.
Il écrit : « Nous étions huit de Romainville. Je suis le seul rescapé ».
Homologué « Déporté politique », il reçoit la médaille de la Déportation, celle des anciens des Brigades Internationales et la Croix du Combattant.
Il a témoigné de la mort de plusieurs de ses camarades, comme Albert Beaucousin, interné avec lui aux Tourelles.
A son retour, il habite au 2, Cité La Rochefoucault à Romainville.
Le 30 juillet 1947, un arrêté paru au Bulletin municipal officiel de la ville de Paris Ouvrier d’état, le titularise par rétroactivité « Rétroactivité de la titularisation comme ouvrier d’état, au 1er janvier 1942 ». En 1938, il nommé ouvrier d’Etat de 3ème catégorie à la mairie de Bagnolet.
En 1947 à Varsovie, il dépose avec Eugène Garnier qui est le porte-parole des « 45.000 », auprès du tribunal de guerre polonais au procès de Rudolf Höss (Höß), SS- Obersturmbannfürer, ancien commandant d’Auschwitz. Le procès a lieu du 11 mars au 2 avril 1947. Henri Gorgue y témoigne le 25 mars 1947 notamment de l’assassinat de Jean Cazorla, un ancien comme lui des Brigades internationales, qui est tué pour avoir voulu défendre un homme fatigué que frappait un Kapo.
Condamné à mort, Höss est exécuté par pendaison le 16 avril 1947 à Auschwitz.Lire dans le site : Henri Gorgue témoigne au procès de Höss
En 1973, Henri Gorgue habite à Barzanes (près de Cravant) et milite à l’ADIRP de l’Yonne.
Le 21 janvier 1973, il participe à une rencontre d’anciens « 45 000 » au «Royal Monceau» avec Roger Abada, Emile Bouchacourt, Georges Brumm, Abel Buisson, Louis Jouvin, Charles Lelandais, Henri Marti et Roger Pélissou où ils évoquent le camp de Gross-Rosen. Louis Jouvin évoque la possibilité d’une rencontre des rescapés de leur convoi en Seine-Maritime.
En 1987, Henri Gorgue habite désormais à Caillouël-Crépigny (Chauny, dans l’Aisne). Il était encore secrétaire général de l’ADIRP pour l’Aisne. Pendant longtemps, il assure le secrétariat du Syndicat CGT du personnel actif et retraité des Communaux pour la Seine et la Seine-et-Oise.
Son épouse Hélène décède le 1er avril 1994 à Chauny.
Henri Gorgue meurt le 18 février 1998 à Tergnier (Aisne).
- Note 1 : La caserne des Tourelles. « Ouvert d’abord aux Républicains espagnols entassés par familles entières, aux combattants des Brigades internationales, interdits dans leurs propres pays. Les rejoignent de nombreux réfugiés d’Europe centrale fuyant la terreur nazie, des indésirables en tous genres, y compris, bien sûr, les « indésirables » français : communistes, gaullistes et autres patriotes (on ratissait large), juifs saisis dans les rafles, «droit commun» aux causes bien datées (marché noir) ». France Hamelin, in Le Patriote Résistant N° 839 – février 2010. « Ce Centre de séjour surveillé fonctionne dans l’ancienne caserne d’infanterie coloniale du boulevard Mortier à Paris. En 1942, deux bâtiments seulement étaient utilisés, un pour les hommes et un pour les femmes. Ils étaient entourés de fil de fer barbelé. Chaque bâtiment disposait de 3 WC à chasse d’eau, largement insuffisants. Des latrines à tinette mobile étaient en outre disposées dans l’étroit espace réservé à la promenade. La nuit, une tinette était placée dans chaque dortoir. C’est peu dire les conditions épouvantables imposées à des internés dont le nombre variera de 400 à 600 personnes.
A cela s’ajoutait une sous-alimentation chronique entraînant bon nombre de maladies : entérites gastro-intestinales, affections cardiaques, tuberculose… » In © Association Philatélique de Rouen et Agglomération.
Sources
- Correspondances d’Henri Gorgue avec Roger Arnould (1973).
- Questionnaire biographique (contribution à l’histoire de la déportation du convoi du 6 juillet 1942), envoyé aux mairies, associations et familles au début de mes recherches, rempli par Henri Gorgue (octobre 1987).
- Témoignages audio d’Henri Gorgue recueillis par mes soins en 1992.
- « Femmes et Hommes de Romainville », de la Résistance à la Libération. Par Guy Auzolles et Albert Giry, édité par la ville de Romainville, 1999.
- Le Maitron, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, CD-Rom édition 1997. Edition informatique 2012. Edition papier, tome 30, page 146.
- Hermann Langbein, Hommes et femmes à Auschwitz, p. 263.
- © Site Internet Généanet. Recherches d’Olivier Legrand.
- Wagons découverts. Site du Musée d’Auschwitz.
- Photo d’immatriculation d’Henri Gorgue à Auschwitz : Musée d’état Auschwitz-Birkenau / collection André Montagne.
Notice biographique notice rédigée pour le 60è anniversaire du départ du convoi des « 45 000 », brochure répertoriant les “45 000” de Seine-Saint-Denis, éditée par la Ville de Montreuil et le Musée d’Histoire vivante, 2002, complétée en novembre 2007 (2014, 2019, 2020, 2022 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45 000 », éditions Autrement, Paris 2005). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique. Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com