Constant Le Maître : né en 1901 à Montoir-de-Bretagne (Loire Inférieure) ; domicilié à Boulogne-Billancourt (Seine) ; chaudronnier ; cégétiste et communiste ; arrêté le 15 septembre 1941 ; interné aux camps de Voves et Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le
Constant Le Maître est né le 10 novembre 1901 à Montoir-de-Bretagne (Loire Inférieure / Loire Atlantique).
Au moment de son arrestation, Constant Le Maître habite au 183, rue Gallieni à Boulogne-Billancourt (Seine / Hauts-de-Seine).
Il est le fils de Marie, Françoise Normand, 36 ans, ménagère et de François, Marie Lemaître, 39 ans, manœuvre à l’usine des Forges de Saint-Nazaire, son époux.
Il est militant communiste et cégétiste.
Son registre matricule militaire indique qu’il habite route de Méan à Trignac (un faubourg de Saint-Nazaire) et qu’il est chaudronnier en cuivre, puis tôlier au moment du conseil de révision.
Il mesure 1m 63, a les cheveux et les yeux châtains. Le front couvert et le nez rectiligne, le visage large. Il a un niveau d’instruction « n°3 » pour l’armée (sait lire, écrire et compter, instruction primaire développée).
Soutien de famille, il est incorporé le 6 avril 1921 au 2è Dépôt des équipages de la Flotte à Brest, où il arrive le 7 comme apprenti marin. Il est nommé mécanicien de 1è classe le 1er juin 1921.
Pendant une permission, le 12 juin 1922, à Trignac, Constant Le Maître épouse Zénaïde Ménard, née en 1904.
Il est renvoyé dans ses foyers le 25 avril 1923, « certificat de bonne conduite accordé ».
Le couple Le Maître aura deux enfants, Constant dit Laurent né le 26 décembre 1922 (3) et Paulette en 1925, tous deux à Trignac. En avril 1927, la famille habite au 319, rue de Trignac à Méan (Saint Nazaire), puis quitte la Normandie pour la région parisienne.
Il est vraisemblable qu’il ait été chaudronnier à l’usine des forges de Trignac, où dès 1923 existe une cellule du Parti communiste. L’usine ferme en 1932, ce qui expliquerait sa « montée à Paris ».
Constant Le Maître est embauché comme chaudronnier – tôlier aux usines Renault de Billancourt.
En mars 1934, il habite au 183, rue Gallieni à Boulogne-Billancourt.
Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Toute la banlieue parisienne est occupée les jours suivants. Un premier détachement allemand occupe la mairie de Nanterre et l’état-major s’y installe. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Pendant l’Occupation, Constant Lemaître est un des organisateurs de la Résistance dans les usines Renault (diffusion de tracts de la CGT clandestine et recrutement pour l’OS (l’Organisation Spéciale du Parti communiste clandestin).
A la suite de l’arrestation le 13 septembre 1941 d’une militante communiste, Marie Dubois demeurant boulevard de la Gare, les services de la Brigade Spéciale ont découvert lors de la perquisition à son domicile « une liste de militants communistes qui tenaient habituellement réunion dans un local, au 12 bis, rue de la Goutte d’or (Paris 18ème). »
Lire dans le site : 24 communistes, chevilles ouvrières de l’appareil clandestin, arrêtés en région parisienne du 13 au 23 septembre 1941.
Constant Le Maitre est arrêté le 15 septembre 1941 par des agents de la Préfecture de police à Paris, sous l’inculpation « d’activités communistes ». Le 21 septembre 1941, il est condamné à 6 mois de prison. Il fait partie des 27 militants syndicalistes et/ou communistes ayant travaillé ou travaillant chez Renault au moment de leur arrestation qui vont être déportés à Auschwitz le 6 juillet 1942.
Lire dans le site :27 militants communistes et syndicalistes des usines Renault de
Boulogne-Billancourt déportés à Auschwitz le 6 juillet 1942.
Constant Le Maître est écroué à la Maison d’arrêt de la Santé. A la date normale d’expiration de sa peine d’emprisonnement, il n’est pas libéré.
Le 7 février 1942, en application de la Loi du 3 septembre 1940 (1), François Bard préfet de police de Paris ordonne son internement administratif au C.S.S. de Voves. Il est transféré au Dépôt de la Préfecture de police, quai de l’Horloge, du 7 février 1942 jusqu’au 16 avril 1942, en attente de son transfert à Voves.
Celui-ci a lieu le 16 avril 1942, à 5 h 50. Un groupe de 60 militants, dont Constant Le Maître « détenus par les Renseignements généraux » est transféré de la permanence du dépôt au camp de Voves (Eure-et-Loir), convoyés par les gendarmes de la 61è brigade. Ce camp (le Frontstalag n° 202 en 1940 et 1941) était devenu le 5 janvier 1942 le Centre de séjour surveillé n° 15.
Lire dans le site : Le camp de Voves
Dans deux courriers en date des 6 et 9 mai
1942, le chef de la
Verwaltungsgruppe de la Feldkommandantur
d’Orléans envoie au Préfet de Chartres deux listes (2) d’internés communistes
du camp de Voves à transférer au camp d’internement de Compiègne à la demande du commandement militaire en France.
Constant Le Maître figure sur la première liste, sous le n° de dossier 408.563. Sur les deux listes d’un total de cent neuf internés, 87 d’entre eux seront déportés à Auschwitz. Le directeur du camp a fait supprimer toutes les permissions de visite « afin d’éviter que les familles assistent au prélèvement des 81 communistes pris en charge par l’armée d’occupation ». La prise en charge par les gendarmes allemands s’est effectuée le 10 mai 1942 à 10 h 30 à la gare de Voves. Il poursuit : « Cette ponction a produit chez les internés présents un gros effet moral, ces derniers ne cachent pas que tôt ou tard ce sera leur tour. Toutefois il est à remarquer qu’ils conservent une énergie et une conviction extraordinaire en ce sens que demain la victoire sera pour eux ». Il indique que « ceux qui restèrent se mirent à chanter la «Marseillaise» et la reprirent à trois reprises ». Le directeur du camp a fait supprimer auparavant toutes les permissions de visite « afin d’éviter que les familles assistent au prélèvement des 81 communistes pris en charge par l’armée d’occupation ».
Constant Le Maître est interné le 10 mai 1942 au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122) avec ses 80 camarades.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Constant Le Maître est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation lors de son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu.
Le numéro » 46 252 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz. De plus, la photo du déporté portant ce numéro matricule prise à Auschwitz lors de la séance d’immatriculation le 8 juillet 1942, n’a pas été retrouvée, aucune comparaison avec sa photo d’avant-guerre n’est donc possible.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Constant Le Maître meurt à Auschwitz, le 2 septembre 1942 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 3 page 761). L’avis de décès reçu par son épouse indique la date du 31 janvier 1943.
On sait par le certificat de décès du Musée d’Auschwitz que cette date est erronée. D’ailleurs Marcel Guilbert, un des rescapés de Boulogne avait témoigné dès son retour que son camarade était mort « peu de temps après l’arrivée au camp ».
L’arrêté ministériel du 1er juin 1994 apposant la mention « Mort en déportation » sur son acte de décès et paru au Journal Officiel du 16 juillet 1994, porte également la mention « décédé le 31 janvier 1943 à Auschwitz (Pologne) ». Il serait souhaitable que le ministère prenne désormais en compte par un nouvel arrêté la date portée sur son certificat de décès de l’état civil d’Auschwitz, accessible depuis 1995 (Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau).
Voir l’article : Les dates de décès des « 45 000 » à Auschwitz.
Sans nouvelles de son mari depuis le 11 mai 1942, Mme Lemaître et sa fille quittent le 1, passage Legrand à Boulogne pour Villeneuve-le-Roi (Seine-et-Oise / Val-de-Marne) en juillet 1943.
Constant Le Maître est homologué comme « Déporté politique« , et déclaré « Mort pour la France » (notification le 21 mai 1946).
Le nom de Le Maitre est donné à une cellule du PCF à Boulogne (in l’Etincelle n° 81 / 4 janvier 1947). Constant Le Maître était très connu aux usines Renault. Mais il se peut que l’hommage ainsi rendu ait été destiné à son fils qui portait le même prénom que lui, et qui est fusillé au Mont Valérien.
Son fils Constant (dit Laurent) Le Maitre est né le 26 décembre 1922 à Trignac (Loire-Inférieure. Il est machiniste dans un studio à Boulogne.
Réfractaire au STO, agent de liaison de l’OS-FTPF, il est chargé de la récupération d’armes, du transport et de la diffusion de tracts à la volée devant les usines Renault, SNAC et Salmson à Boulogne. Il est arrêté dans une remise où est découvert un dépôt d’armes. Il est condamné à mort le 5 octobre 1943 et fusillé le 23 octobre au Mont Valérien.
- Note 1 : La loi du 3 septembre 1940 proroge le décret du 18 novembre 1939 et prévoit l’internement de « tous individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique« . Les premiers visés sont les communistes.
- Note 2 : Sur les deux listes d’un total de cent neuf internés, 87 d’entre eux seront déportés à Auschwitz.
- Note 3 : Constant Le Maître fils, qui travaillait comme machiniste de plateau aux studios Continental Film à Billancourt, entré au Front national, sera arrêté le 1er avril 1943 à l’intérieur du
dépôt d’armes rue de La Rochefoucauld par trois inspecteurs de la BS2. Interrogé et brutalisé pendant 8 jours par les brigades spéciales, il ne parlera pas. Il est fusillé le 23 octobre 1943 au Mont-Valérien.
Sources
- Enquête de la gendarmerie de Villeneuve-Le-Roi pendant l’Occupation (pièce 7416/1) DAVCC..
- Témoignage de Marcel Guilbert, rescapé du convoi.
- Articles de L’Etincelle (23 février 1957).
- Archives communales de Boulogne-Billancourt, recherches de Mme Edith Bauer, archiviste (juillet 1988) : extraits de naissance et de décès, avis concernant le fils de Constant Le Maitre.
- Usine de Trignac : Les ouvriers communistes : sociologie de l’adhésion ouvrière au PCF, L’Harmatan 1996.
- Stéphane Fourmas, Le centre de séjour surveillé de Voves (Eure-et-Loir) janvier 1942 – mai 1944, mémoire de maîtrise, Paris-I (Panthéon-Sorbonne), 1998-1999.
- Death Books from Auschwitz(registres des morts d’Auschwitz), Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau,
1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés). - © Site InternetLégifrance.gouv.fr
- © Site InternetWWW. Mortsdanslescamps.com
- © VRID. Le camp de Voves
- © Musée d’Auschwitz Birkenau. L’entrée du camp d’Auschwitz 1.
- © Le Maitron, notice de Constant Le Maitre fils (notice Daniel Grason)
- © Registres matricules militaires de Loire Atlantique.
Notice biographique rédigée en novembre 2005 (complétée en 2016, 2019 et 2021) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005) à l’occasion de l’exposition organisée par l’association « Mémoire vive » et la municipalité de Gennevilliers. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com