Raoul Platiau : né en 1917 à Paris 13è ; domicilié à Suresnes (Seine) ; employé de bureau, chauffeur-livreur ; communiste ; arrêté le 5 octobre 1940, condamné à 6 mois de prison (Santé) ; interné administratif aux maisons d'arrêt de Clairvaux, Gaillon ; interné aux camps de Voves et de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt le 5 janvier 1943.
Raoul Platiau est né le 8 octobre 1917 à Paris 13è. Il habite au 27, avenue Jean Jaurès à Suresnes (Seine / Hauts-de-Seine) au moment de son arrestation.
Il est le fils de Jeanne, Yvonne, Anne Marie Rupert, 19 ans, née en 1887, couturière. Il est reconnu par son père Paul, Jean Platiau (né le 7 mai 1895 à Paris, employé) en 1918. Il a un frère, Paul (1918-1986)
Il est employé de bureau, puis chauffeur-livreur.
Le 25 avril 1936, à Suresnes, il épouse Marguerite, Françoise Lamiral, dactylo, née le 4 février 1915 à Choisy-le-Roi, domiciliée au 59, rue des Epinettes à Paris 17è.
Le couple a un fils, Claude Platiau, qui naît le 4 mai 1935.
Raoul Platiau adhère au Parti communiste en juin 1937. Il est considéré par les renseignements généraux comme un « militant révolutionnaire très actif ».
À partir du 1er mars 1938, la famille est domiciliée au 27, avenue Jean Jaurès (quartier des « Cités jardins ») à Suresnes.
Le 10 octobre 1938, le quotidien « Ce Soir » (directeur Louis Aragon) publie une liste de souscripteurs Pour la Tchécoslovaquie meurtrie : le nom de Raoul Platiau y figure.
Raoul Platiau est mobilisé à la déclaration de guerre au 101è régiment d’infanterie.
Le 3 juin 1940, plusieurs bombes tombent sur Suresnes, dont deux rue de Verdun. Le vendredi 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 24 juin, la première présence allemande se manifeste par un side-car arrivant par la rue du Bac. Les pavillons entourant le fort sont occupés, ainsi que la radiotechnique rue de Verdun. Plusieurs unités de la Wehrmacht s’installent à Suresnes (la cavalerie est cantonnée rue de Verdun, les chevaux sont gardés aux écuries de l’entreprise Watelet). Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Raoul Platiau est fait prisonnier avec les derniers bataillons du 101ème RI le 17 juin 1940 à Gondreville (Loiret) non loin de Nemours. Au cours du transfert vers l’Allemagne, il s’évade et revient à Suresnes.
Militant communiste, Raoul Platiau est arrêté le 5 octobre 1940 (d’après la Préfecture de Police de Paris), ou le 2 octobre 1940 (selon sa fiche au DAVCC) à Puteaux, par la police française, après une distribution de tracts sur le marché des Cités-Jardins de Suresnes (avec Emile Bouchacourt, René Jodon et Clément Pellerin). Il est interné à la Santé le 5 octobre (d’après la Préfecture de Police de Paris). Compte tenu de la date d’incarcération la date du 5 est la plus probable.
Cette arrestation est consignée d’ailleurs dans le registre journalier de la Brigade spéciale des Renseignements généraux (lire dans le site La Brigade Spéciale des Renseignements généraux), à la date du 9 octobre 1940 : 7 militants ont été arrêtés sous la responsabilité de l’inspecter « H » de la BS, en collaboration avec le commissariat de Puteaux.
Parmi eux, Emile Bouchacourt, René Jodon, Raoul Platiau, André Aubert.
Raoul Platiau est condamné à 6 mois de prison par la 12è chambre correctionnelle, le 14 janvier 1941.
Raoul Platiau et ses camarades font appel de la condamnation.
Le 28 mars 1941, à la date d’expiration normale de sa peine d’emprisonnement, le préfet de police de Paris, Camille Marchand, le fait interner à Clairvaux (lire dans le site La Maison centrale de Clairvaux) en application du décret du 18 novembre 1939 (1).
Le 6 avril 1941, Raoul Platiau est ramené à la Santé avec Emile Bouchacourt, Couprie et René Jodon pour le jugement en appel. Leurs peines sont
confirmées.
Le 11 avril 1941 les Renseignements généraux, adressent pour information aux services du nouveau Préfet de police de Paris – Camille Marchand – entré en fonction le 19 février 1941, une liste de 58 «individus» internés administrativement pour propagande communiste par arrêtés du Préfet de Police Roger Langeron, qui a cessé ses fonctions le 24 janvier 1941. 38 d’entre eux ont été condamnés pour infraction au décret du 26 septembre 1939 (reconstitution de ligue dissoute / dissolution du Parti communiste). Les RG mentionnent pour Raoul Platiau, outre ses dates et lieu de naissance : « Arrêté le 5 octobre 1940 pour distribution de tracts et condamné à 6 mois de prison par la 12è chambre, le 14 janvier 1941».
Lire dans le site : le rôle de La Brigade Spéciale des Renseignements généraux dans la répression des activités communistes clandestines.
Raoul Platiau demeure 4 mois et demi à la Santé au lieu d’être ramené à Clairvaux, car le camp est saturé. Il est alors transféré en septembre 1941 au camp de Gaillon, où il est enregistré avec le numéro de dossier 53 740.
Lire dans ce site : la-Maison-centrale-de-Gaillon.
Le 18 février 1942, le nom de Raoul Platiau (ainsi que ceux deux autres suresnois, Emile Bouchacourt et René Jodon) figure sur une liste de militants dont l’évasion « même par la force », serait préparée par la direction nationale du Parti (2).
Le 4 mai 1942, Raoul Platiau est transféré avec ses deux camarades suresnois au camp français de Voves, où il ne reste que deux semaines. Lire dans le site : Le camp de Voves
Dans deux courriers en date des 6 et 9 mai 1942, le chef de la Verwaltungsgruppe de la Feldkommandantur d’Orléans envoie au Préfet de Chartres deux listes d’internés communistes du camp de Voves à transférer au camp d’internement de Compiègne à la demande du commandement militaire en France. Sur les deux listes d’un total de cent neuf internés, 87 d’entre eux seront déportés à Auschwitz.
Le bruit court dans le camp qu’il va y avoir des fusillés : aussi, le 20 mai 1942, lorsque des gendarmes viennent le chercher avec les 27 autres internés pour les transférer au camp allemand LE Frontstallag 122 de Royallieu à Compiègne, ils chantent la Marseillaise.
Dix-neuf d’entre eux seront déportés à Auschwitz. Raoul Platiau arrive avec ses camarades, Emile Bouchacourt et René Jodon, à Compiègne le 21 mai 1942.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Raoul Platiau est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation lors de son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 est inconnu.
Le numéro « 46 256 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 correspondait à ma tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Ce numéro, quoique plausible, ne saurait être considéré comme sûr en raison de l’existence des quatre listes alphabétiques successives que j’ai reconstituées, de la persistance de lacunes pour quatre noms, mais d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il ne figure plus dans mon ouvrage Triangles rouges à Auschwitz
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Raoul Platiau meurt à Birkenau le 5 janvier 1943 d’après le certificat de décès établi au camp d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz / Sterbebücher von Auschwitz (registre des morts) Tome 3 page 940).
La mention Mort en déportation est apposée sur son acte de décès (arrêté du 3 novembre 1997 paru au Journal Officiel du 27 janvier 1998).
Cet arrêté porte néanmoins une mention erronée : Décédé le 1er septembre 1942 à Auschwitz (Pologne). Il serait souhaitable que le ministère prenne désormais en compte par un nouvel arrêté la date portée sur son certificat de décès de l’état civil d’Auschwitz, accessible depuis 1995 (Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau). Lire dans le site l’article expliquant les différences de dates entre celle inscrite dans les «Death books» et celle portée sur l’acte décès de l’état civil français) Les dates de décès des « 45 000 » à Auschwitz.
Il est homologué « Déporté politique ». Raoul Platiau est homologué (GR 16 P 481705) au titre de la Résistance intérieure française (RIF) comme
appartenant à l’un des mouvements de Résistance .
- Note 1 : L’internement administratif a été institutionnalisé par le décret du 18 novembre 1939, qui donne aux préfets le pouvoir de décider l’éloignement et, en cas de nécessité, l’assignation à résidence dans un centre de séjour surveillé, « des individus dangereux pour la défense
nationale ou la sécurité publique ». Il est aggravé par le gouvernement de Vichy en 1941. - Note 2 : Le 18 février 1942, dans un pli confidentiel adressé à M. Caumont, préfet délégué (directeur du secrétaire général pour la police), le Préfet de police de Paris, François Bard, l’informe d’un projet révélé par ses services « en vue de mettre en application les directives données par les dirigeants communistes à l’évasion »… « même par la force » d’un certain nombre de militants actuellement internés dans les camps de concentration, les responsables chargés de ce travail procèdent actuellement à l’élaboration d’une liste sur laquelle figurent les internés considérés comme des militants particulièrement convaincus, susceptibles de jouer un rôle important dans l’éventualité d’un mouvement insurrectionnel et pour lesquels le Parti semble décidé à tout mettre en œuvre afin de faciliter leur évasion. Après une première sélection, les dirigeants communistes ont retenu les noms ci-après de plusieurs internés de la région parisienne et de la province, qui seraient actuellement détenus pour la plupart au camp de Gaillon dans l’Eure». Cette curieuse note semble fort peu vraisemblable. Certes, un mois avant – le 17 janvier 1942 – Roger Ginsburger s’est évadé de Gaillon. Mais la « note confidentielle » accrédite la thèse de la préparation d’une évasion massive que connaîtrait le Ministère de l’intérieur. Or la plupart des militants de cette fameuse liste ne sont ni les tout premiers responsables de l’appareil clandestin du PC, ni des membres connus des anciens services d’ordre du Parti, ce qui semblerait logique dans le cadre d’une évasion collective d’une telle ampleur. Cette liste pouvait plus certainement constituer un appui pour l’obtention de nouveaux moyens policiers, voire conforter le maintien en fonction du Préfet, qu’il sait précaire (François Bard sera d’ailleurs remplacé le 21 mai 1942).
Sources
- Mairie de Suresnes, 15 septembre 1988.
- Témoignages : Emile Bouchacourt, rescapé « 45 000 » de Suresnes, Mme Buchaille, sœur de René Jodon, 5 avril 1992
- Internés au camp de Gaillon, Archives de la préfecture de police, BA 2374.
- Stéphane Fourmas, Le centre de séjour surveillé de Voves (Eure-et-Loir) janvier 1942 – mai 1944, mémoire de maîtrise, Paris-I (Panthéon-Sorbonne), 1998-1999
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC)
- Ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en octobre 1993.
- Death Books from Auschwitz(registres des morts d’Auschwitz), Musée d’Étatd’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres (incomplets) des certificats de décès établis au camp d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- © Photo de la porte d’entrée du camp d’Auschwitz : Musée d’Auschwitz-Birkenau.
- Archives de la Préfecture de police de Paris. Renseignements généraux. 11 avril 1941, liste de « 58 individus internés pour propagande communiste clandestine ».
- Archives de la Police, Cartons occupation allemande, BA 2374.
- Archives de la Préfecture de police de Paris, dossiers Brigade spéciale des Renseignements généraux, registres journaliers.
Notice biographique (complétée en 2016, 2019 et 2021), réalisée en 2005 par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942, éditions Autrement, Paris 2005. Prière de mentionner les références (auteur et coordonnées du site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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