Matricule « 45 715 » à Auschwitz

Ben Ali Lahousine est né au Maroc le 15 octobre 1918. Il habite Paris au moment de son arrestation.
On ignore la date et les circonstances de celle-ci, mais plusieurs survivants pensent qu’il était un «droit commun» (il y eut une quinzaine «d’otages asociaux» selon la terminologie allemande dans le convoi du 6 juillet 1942, et on sait que les « SS » ont utilisé des «droits communs» comme encadrement dans les camps de concentration).

Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Le 22 juin, l’armistice est signé.
Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Ben Ali Lahousine est remis aux autorités allemandes et interné au camp allemand de Royallieu à Compiègne (le Frontstalag 122).

Lire l’article du site : Les wagons de la Déportation

Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks, responsables aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le Parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.

Ben Ali Lahousine est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45 715″, selon la liste par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau.

On sait qu’il est rapidement «Vorarbeiter» à Birkenau. Le Vorabeiter, contremaître, est dispensé de travail physique. Il doit veiller à ce que le travail de son équipe soit exécuté. Selon les camps, il reçoit une ration de soupe supplémentaire.
Lahousine se signale par sa brutalité. « ll est l’homme de main des SS» dit de lui Aimé Oboeuf.
Il ne semble pas qu’il ait été en quarantaine au Block 11 avec la quasi totalité des « 45 000 ».

Dès 1944, devant l'avancée des armées soviétiques, les SS commencent à ramener vers le centre de l’Allemagne les déportés des camps à l’Est du Reich, dont Auschwitz. Les premiers transferts de "45 000" ont lieu en février 1944 et ne concernent que six d’entre eux. Quatre-vingt-neuf autres "45 000" sont transférés au cours de l'été 1944, dans trois camps situés plus à l'Ouest - Flossenbürg, Sachsenhausen, Gross-Rosen - en trois groupes, composés initialement de trente "45 000" sur la base de leurs numéros matricules à Auschwitz.  Une trentaine de "45 000" restent à Auschwitz jusqu'en janvier 1945.   Lire dans le site : "les itinéraires suivis par les survivants".

Le 29 août 1944 Ben Ali Lahousine est transféré, avec vingt-neuf autres « 45 000 », d’Auschwitz à Sachsenhausen, où il reçoit le matricule « 94 264 ».
Il est affecté avec sept autres «45 000» à Kochendorf, kommando de Natzweiler-Struthof, situé sur le Neckar à 50 km de Stuttgart (mines de sel et usines souterraines), où ils arrivent le 5 octobre 1944.
Fin mars 1945 devant l’avancée des armées américaines, ils sont évacués sur Dachau : à pied jusqu’à Augsburg, puis en train jusqu’à Dachau où ils arrivent le 8 avril 1945.
Lahousine Ben Ali meurt à Dachau, au moment de la libération du camp par les américains, le 29 avril 1945.
Pour Aimé Obeuf (« 45 934 ») il aurait été exécuté par des détenus.
Selon Georges Dudal (« 45 494 ») arrivé à Dachau le 24 avril, il s’agirait de déportés soviétiques victimes ou informés de ses exactions comme «Vorarbeiter» à Auschwitz.

Sources

  • Liste (incomplète) par matricule du convoi du 6 juillet 1942 établie en 1974 par les historiens du Musée d’Etat d’Auschwitz-Birkenau (Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (Ministère de la Défense, Caen).
  • Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen. Démarche faite en juin 1992 : aucun dossier à son nom.
  • Mémorial de Sachsenhausen (matricule et date de transfert).
  • Souvenirs d’Aimé Obeuf et de Georges Dudal (oraux).

Notice biographique par Claudine Cardon-Hamet, mise à jour en 2010, 2013, 2019, 2021 et 2025 avec Pierre Cardon, réalisée à partir d’une notice succincte rédigée en janvier 2001 pour l’exposition organisée par l’association « Mémoire Vive » à la mairie du 20è arrondissement de Paris. Claudine Cardon-Hamet est docteur en Histoire, autrice des ouvrages :Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45 000 », éditions Autrement, Paris 2005) et de Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45 000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé), qui reproduit sa thèse de doctorat (1995). Prière de mentionner ces références (autrice et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice.
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