Maurice Dehoux : né en 1909 à Dieppe (Seine-Inférieure) ; domicilié à La Londe (Elbeuf, Seine-Inférieure) : horloger ; communiste ; arrêté le 21 octobre 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 12 octobre 1942.
Maurice, Emile, Marie, Lucien Dehoux est né le 13 novembre 1909 à Dieppe (Seine-Maritime).
Au moment de son arrestation, il est domicilié au « Clos fleuri », lieu-dit du Buquet, par La Londe (agglomération d’Elbeuf, Seine-Inférieure / Seine Maritime) (1).
Il est le fils d’Olive, Camille, Eléonore Vergnory, 21 ans, giletière, née à Dieppe le 6 octobre 1888 et d’Emile, Jean Joseph Dehoux, 21 ans, employé de commerce, son époux, né à Thines (Hainaut-Belgique) le 17 septembre 1887. Ses parents se sont mariés à Dieppe le 1ermai 1909.
Ses parents se séparent (jugement de divorce prononcé par le tribunal de Charleroi le 26 février 1921) et sa mère se remarie à Dieppe en 1923 avec Gaston Harand, horloger.
Le couple et Maurice Dehoux s’installe 2, rue de Barentin à Pavilly (Seine-Inférieure), où il ouvre un magasin d’horlogerie.
Maurice Dehoux travaille comme horloger.
Il est engagé politiquement au Parti communiste « à la tête de toutes les manifestations, meetings et réunions […] en somme, le chef du mouvement extrémiste de Pavilly (…) son activité a attiré l’attention des autorités locales et du service de la gendarmerie de Pavilly» (rapport de police, enquête après la Libération pour l’homologation au titre de Déporté politique).
En 1938, il ouvre un atelier d’artisan bijoutier dans la Grande-Rue de Bourg-Achard (Eure). Célibataire, Maurice Dehoux a depuis 1937, pour amie Antoinette Drevet, divorcée, institutrice à l’école maternelle du centre à Oissel (1), née en 1907.
Le 9 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent à Rouen. L’armée française a fait sauter le pont pour empêcher le passage sur la rive gauche, mais n’a pu éviter l’occupation de la ville. Le 15 juin, tout le département de l’Eure est occupé.
Paris est occupé le 16 juin. Le 22 juin 1940, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
La Kreiskommandantur est installée à l’Hôtel de ville du Havre. A partir de 1941, les distributions de tracts et opérations de sabotage par la Résistance se multipliant, la répression s’intensifie à l’encontre des communistes et syndicalistes.
Pendant l’Occupation, Maurice Dehoux se rend chaque semaine au magasin de sa mère, à Pavilly, pour y prendre des montres à réparer. Le formulaire d’homologation au titre de la Résistance Intérieure Française (RIF), indique « responsable aux planques ».
À partir du 5 août 1940, il est contacté par André Petit et Léon Munier, du PCF clandestin. Maurice Dehoux est agent de liaison « chargé de l’hébergement et du ravitaillement de réfractaires planqués dans les communes de Bourg-Achard et de Bourgtheroulde, devenus par la suite maquis de Pont-Audemer, puis maquis Surcouf » (2).
Le 4 août 1941, il est inscrit sur une liste de 159 militant·e·s communistes devant être interné·e·s administrativement dans un camp de séjour surveillé. La liste est préparée par le commissaire principal de police spéciale de Rouen et adressée au Préfet de Seine-Inférieure à sa demande.
Le 20 octobre 1941, son beau-père Gaston Harand, est arrêté à son domicile par des gendarmes de la brigade de Pavilly, au lendemain du sabotage dans le tunnel de la voie ferrée sur la commune de Pavilly.
Lire dans ce site : « Le Brûlot » de Rouen : Le « brûlot » de Rouen.
Maurice Dehoux est arrêté le 22 octobre 1941 (3), dans sa boutique, par des gendarmes de la brigade de Bourg-Achard, sur ordre de la Feldkommandantur de Rouen. Il est enfermé à la caserne Hatry de Rouen.
Le motif porté sur sa fiche individuelle au DAVCC de Caen est « A appartenu au Parti communiste« .
Il est remis aux autorités allemandes à leur demande. Celles-ci l’internent au camp de Royallieu à Compiègne (Frontstalag 122), où il reçoit le matricule n° 1895.
Depuis ce camp, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Maurice Dehoux est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
On ignore son numéro d’immatriculation à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942. Le numéro «45434 ??» figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules. Cette reconstitution n’a pu aboutir en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules. Il était donc hasardeux de maintenir ce numéro en l’absence de nouvelles preuves. Il ne figure plus dans mon ouvrage «Triangles rouges à Auschwitz». De plus nous savons désormais que ce numéro est celui de Pierre Felten (photo reconnue le 30 avril 1948 par les rescapés et familles des déportés du convoi).
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Maurice Dehoux meurt à Auschwitz le 12 octobre 1942 d’après le registre d’état civil de la municipalité d’Auschwitz (in Death Books from Auschwitz Tome 2 page 218). Cependant l’arrêté ministériel du 28 janvier 1988 portant apposition de la mention «Mort en déportation» sur ses actes de naissance et de décès et paru au Journal Officiel du 13 mars 1988, porte encore la mention « décédé le 31 août 1942, à Birkenau (Pologne)». Dans les années d’après-guerre, l’état civil français a fixé des dates de décès fictives (le 1er, 15 ou 30, 31 d’un mois estimé) à partir des témoignages de rescapés (ici André Faudry, de Saint-Maur), afin de donner accès aux titres et pensions aux familles des déportés.
Maurice Dehoux a été déclaré « Mort pour la France« .
Le titre de «Déporté politique» lui a été attribué. La carte est au nom de sa mère, Madame Hanrand, 2, rue de Barentin à Pavilly.
Son nom est honoré sur le monument aux morts de Bourg-Achard.
- Note 1 : La Londe (Elbeuf) ou Oissel (adresse qu’il indique lors de l’interrogatoire à Auschwitz, le 8 juillet 1942 et qui est l’adresse de son amie) ou encore Bourg-Achard (une des adresses indiquées sur sa fiche au DAVCC), qui est l’adresse de sa boutique d’horlogerie.
- Note 2 : A la Libération, de nombreux certificats remplis par des militants ou liquidateurs du Front national sont souvent entachés d’erreurs, par méconnaissance des dates : Maurice Dehoux ne peut pas héberger de « réfractaires » au STO, ayant été arrêté bien avant la « relève » de septemebre 1942, puis la loi du Mais habitant la campagne, il a pu héberger des militants clandestins. Ces approximations ont souvent amené les commissions d’attribution au titre de Déporté Résistant – commissions peu favorables aux communistes – à rejeter les demandes.
- Note 3 : Sur une note recopié au DAVCC de Caen, on trouve le 22/XI/1941. Mais il s’agit sans doute d’une erreur. Ancien militant communiste connu de Pavilly, il est dans la logique de l’occupant qu’il soit arrêté après le sabotage du tunnel de Pavilly.
Sources
- ACVG : témoignage de Jules Lecourt de Barentin (76).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Fichier national de la Division des archives des victimes des conflits contemporains
(DAVCC), ministère de la Défense, Caen. Fiche individuelle consultée en juin 1992. - DAVCC : dossier de Maurice Dehoux, cote 21 P 441 676, cote 21 P 461 564, recherches de Madame Ginette Petiot pour l’Association « Mémoire Vive » en 2012.
- © Site Internet Mémorial-GenWeb
- © Sitewww.mortsdanslescamps.com
- Etat civil de Dieppe.
Notice biographique rédigée en avril 2011, complétée en 2017 et 2021, par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 », Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
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