Matricule « 45 525 » à Auschwitz
Jacques Faipeur : né en 1906 à Paris 20è ; domicilié à Antony (Seine) ; ouvrier miroitier ; communiste ; arrêté la nuit du 27 juin 1941 ; interné au camp de Compiègne déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz, où il meurt en 1942.
Jacques Faipeur est né le 13 mars 1906 dans le 20è arrondissement de Paris.
Il habite au 11, rue Louis à Antony (ancien département de la Seine – aujourd’hui Hauts-de-Seine) au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Emilie, Victorine Carlu, 21 ans, blanchisseuse et d’Alfred, Alexandre Faipeur, 26 ans, tourneur, son époux. Son père est décédé en 1919.
Il a trois frères Léon (né en 1904), Emile (né en 1907) et Auguste, né en 1912.
Jacques Faipeur épouse Marcelle Birard le 9 juin 1928 à Paris 20è. Elle a 21 ans, née le 21 janvier 1907 à Paris 20è. Elle travaille comme coupeuse (ouvrière de confection) et habite au 29, rue des Amandiers dans le même arrondissement. Jacques Faipeur habite alors au 45 de la même rue. Sa mère est décédée au moment du mariage.
Le couple a deux enfants (Jeannine et Jean-Claude, né le 28 mai 1937 à Antony (Seine, Hauts-de-Seine), décédé le 8 décembre 2021 à Périgueux (Dordogne).
Jacques Faipeur est ouvrier-miroitier de métier, mais le chômage provoqué par la crise du début des années 1930 le conduit à travailler comme emballeur pour la librairie Hachette, métier qu’il exerce au moment de son arrestation.
En 1935 il est venu s’installer à Antony, au 11, rue Louis, et s’inscrit sur les listes électorales de la ville. Communiste militant, il est responsable du service d’ordre du Parti communiste à Antony, selon son épouse.
«Militant communiste d’Antony, Jacques Faipeur se présenta au second tour des élections municipales de mai 1935. Derrière Maurice Duchiron et G. Heller, Jacques Faipeur obtint 1441 voix, et seul G. Heller fut élu. En octobre 1935, Jacques Faipeur était un des représentants communistes au comité de coordination socialiste et communiste d’Antony. Jacques Faipeur fut perquisitionné le 29 août 1939 par le commissaire de police de Sceaux qui trouva des tracts d’avant guerre et trois numéros de L’Aube nouvelle datée du 26 août 1939» (Le Maîtron).
Le 14 juin 1940, les troupes de la Wehrmacht entrent dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Toute la banlieue parisienne est occupée les jours suivants. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…).
Actif dans la clandestinité après l’interdiction du Parti communiste le 26 septembre 1939, Jacques Faipeur est arrêté la nuit du 27 juin 1941, à son domicile, par des policiers français, à la suite d’une lettre anonyme parvenue à la préfecture de police de la Seine le signalant comme se livrant à la propagande communiste (rapport de Police, « communiste très actif » mentionné par De Brinon).
La liste des Renseignements généraux répertoriant les communistes internés administrativement le 27 juin 1941, mentionne pour Jacques Faipeur : « Meneur particulièrement actif ».
Cette arrestation a lieu dans le cadre de la grande rafle commencée le 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique.
Sous le nom «d’Aktion Theoderich», les Allemands arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy, ils sont envoyés, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré par la Wehrmacht et qui ce jour là devient un camp de détention des “ennemis actifs du Reich”.
Jacques Faipeur est arrêté en même temps que trois de ses camarades d’Antony, Georges Heller (déporté et mort à Flossenbourg le 28 décembre 1944), Maurice Duchiron (déporté et mort à Mauthausen le 16 mai 1945) et Roger Bourdeaux (déporté et mort à Mauthausen le 1er avril 1945). Il est remis le jour même aux autorités allemandes, celles-ci l’internent le 28 juin 1941 à Compiègne (Frontstalag122), sous le matricule n° 500.
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le wagon qui l’emporte à Auschwitz, « il griffonna et jeta hors du train un mot pour la marraine de sa mère : «Je pars pour la relève… Je ne reviendrais sûrement pas. Prends soin de Marcelle et des enfants». Témoignage de son fils Jean-Claude. La lettre a été égarée des années après la Libération par son épouse qui la gardait précieusement dans le livret de famille .
Depuis le camp de Compiègne, Jacques Faipeur est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro « 45 525 ». Sa photo d’immatriculation (5) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
On ignore la date exacte de son décès à Auschwitz.
L’état civil français fixe, dans les années d’après-guerre, la date de son décès au 6 juillet 1942 à Compiègne, soit la date du départ. Le journal officiel du 17 octobre 1989 a corrigé cette date en « 11 juillet 1942 à Auschwitz » soient les 5 jours prévus après le départ du convoi par les textes officiels lorsque la date du décès à Auschwitz est inconnue.
Roger Abada, un des rescapés du convoi, écrit qu’il est mort parmi les premiers du convoi, dans l’article du « Patriote Résistant » qui exprime sa solidarité avec le fils de Jacques Faipeur (document ci-dessous) .
Jacques Faipeur est homologué adjudant-chef dans la Résistance Intérieure Française comme membre du Front National de lutte pour la liberté et l’indépendance de la France (bien que celui-ci soit créé après son arrestation) et reçoit le titre de Déporté politique. Il est homologué (GR 16 P 214804) au titre de la Résistance intérieure française (RIF) comme appartenant au « Front National pour la libération et l’indépendance de la France ».
Il est déclaré « Mort pour la France« . Une cellule du PCF d’Antony a porté son nom jusque dans les années soixante-dix. Son nom figure sur le site de la ville d’Antony (Déportés et résistants antoniens morts pour la France » et sur le monument aux morts de la commune.
En 1956 et 1957, son fils, Jean-Claude, ouvrier clicheur, est parmi les 21 jeunes, fils de déportés fusillés et massacrés, emprisonnés à Fresnes en raison de leur refus d’accomplir leur service militaire « sous les ordres d’un général allemand, assassin de patriotes ». Il s’agit de Hans Speidel qui avait été nommé en 1956 à la tête des troupes terrestres de l’OTAN à laquelle appartenait la France.
Entre juin 1940 et le printemps 1942, Speidel avait été le chef d’Etat-major d’Otto von Stülpnagel, commandant militaire en France. Après un passage sur le front de Russie, il était revenu en France en 1944 comme chef d’Etat-major de Rommel.
Les jeunes gens sont l’objet d’un grand mouvement de solidarité et notamment de la part de l’Amicale d’Auschwitz et de plusieurs «45.000» (Roger Abada, Jacques Jung, Germain Houard… Lettres auPatriote Résistant, articles dans la presse locale). Jean-Claude Faipeur fut envoyé outre-mer, dans des troupes qui ne dépendaient pas de l’OTAN.
- Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après guerre directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz–Birkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- Questionnaire biographique (contribution à l’histoire de la déportation du convoi du 6 juillet 1942), envoyé aux mairies, associations et familles au début de mes recherches, en 1987, rempli par sa veuve, Marcelle Faipeur (mai 1989), depuis Cogolin (Var) où elle s’était retirée. Elle est décédée en 2002.
- Courrier de Jean-Claude Faipeur, 24 mars 1989.
- Témoignages : 24/3/1989.
- Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, Le Maitron, Claude Pennetier (dir), éditions de l’Atelier, version de travail Internet 2017. Notice Claude Pennetier : renseignements communiqués par son fils Jean-Claude. Et tome 27, page 172. Version électronique consultable grand public depuis décembre 2018.
- Bulletin de l’Amicale d’Auschwitz, n° 74, décembre 1957-janvier 1958).
- Bureau de la Division des archives des victimes des conflits contemporains (DAVCC), Ministère de la Défense, Caen (fiche individuelle consultée en 1992).
- © Site Internet Mémorial-GenWeb- Relevé Bernard Tisserand
- © Site www.mortsdanslescamps.com
- Archives de la Préfecture de police de Paris. Renseignements généraux, Liste
des militants communistes internés le 26 juin 1941. - Jean-Claude Faipeur, Crime de Fidélité ou Speidel, l’affront fait à la France, à compte d’auteur, 2008.
Notice biographique rédigée en septembre 2003, mise à jour en 2012 ; 2019 et 2021, par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris 2005. Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com