Justin Daguts : né en 1896 à Graulhet (Tarn) ; domicilié à Aube (Orne) ; mineur, postier ; arrêté le 18 octobre 1941 ; interné à Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 20 octobre 1942
Justin Daguts est né le 3 mars 1896 au domicile de ses parents rue Barricouteau à Graulhet (Tarn).
Il habite à Aube, près de l’Aigle (Orne) au moment de son arrestation.
Justin Daguts est le fils de Catherine, Sophranie Bascoul, 28 ans, sans profession et de Frédéric Daguts, 36 ans, cultivateur, son époux. Il a une sœur aînée, Berthe, Juliette(1890-1980) et un cadet, Léon (né le 9 décembre 1905 à Graulhet (1).
Il a exercé successivement les métiers de cultivateur, puis mineur et à partir de 1924, facteur PTT (1).
Lors du conseil de révision, Justin Daguts habite à Graulhet. Il y travaille comme cultivateur. Son registre matricule militaire indique qu’il mesure 1m 69, a les cheveux châtain moyen, les yeux bleus, le front moyen, le nez rectiligne. Il a un niveau d’instruction « n°2 » pour l’armée (sait lire et écrire). Conscrit de la classe 1916, il est mobilisé par anticipation en mai 1915, comme tous les jeunes hommes de sa classe depuis la déclaration de guerre. Classé le 20 mai 1915 en deuxième partie de liste pour « musculature insuffisante » par la commission de réforme de Dijon, il est à sa demande classé service armé comme infirmier le 17 juillet 1915.
Le 1er janvier 1916, il passe à la section coloniale d’infirmiers militaires. Le 13 juillet 1916, il monte au front. Le 29 janvier 1917 il est
rattaché au 43ème régiment d’infanterie.
Justin Daguts est blessé le 19 mars 1918, dans le secteur de Craonne, suite à une manipulation de détonateur (il perd la 2ème phalange de l’index de la main gauche). Il est à nouveau blessé par éclat d’obus à la main gauche le 21 août 1918, toujours dans le secteur de Craonne (bataille du Chemin des Dames). Il « passe » à la 1ère section d’infirmiers le 7 janvier 1919.
Le 4 mars 1919, à la mairie de Moularès (Tarn), Justin Daguts épouse « Alodie », Louise Anglès (elle est née à Moularès le 11 février 1900. Elle est décèdée à l’Aigle le 1er avril 1985).
Le couple aura deux enfants, Maurice (né en 1919 à Moularès) et Gabriel (né le 1er mai 1920-2016). Le 3 juin 1919, toujours mobilisé, il passe à la 15ème section d’infirmiers. Le 19 septembre 1919, il est mis en congé illimité de démobilisation, « certificat de bonne conduite accordé ».
Il « se retire » à cette date à Albi au 3, rue de Saunal, puis le couple déménage à Castres pour une petite maison de ville, au 38, rue Maillot à Castres.
En mai 1920, il est employé à la Compagnie du Midi (Chemins de fer) et a déménagé au 16 , rue des jardins à Castres (information à partir des recherches de Madame Béatrice Boudon, à partir de l’acte de naissance de son grand-père : c’est en effet Justin Daguts qui le déclare en mairie de Castres le 1er mai 1920. La mère de Gabriel Boudon habite alors au 38, rue Maillot).
En 1921, travaillant comme mineur, il habite à la Côte du Parc à Saint-Benoit (canton de Carmaux) chez M. Miquel.
Il est embauché comme facteur aux PTT (2). Pour la réserve militaire, Justin Daguts est classé en 1924 comme « Affecté spécial », tableau n° II, au titre de la réserve militaire, comme facteur des PTT.
En 1927, il revient à Albi (Pélissier) chez M. Maurel. Son frère se marie le 10 octobre 1927 avec Charlotte Cassy.
En 1930, il est muté par les PTT à Aube (Orne) à 7 km de L’Aigle. En mars 1935 il habite à Rai (Orne), commune voisine d’Aube et de Boisthorel.
Le 30 mars 1940, il est rayé de l’Affectation spéciale, comme la majorité des «affectés spéciaux» connus comme communistes ou syndicalistes, et affecté au dépôt de recrutement du Mans.
Du 7 au 19 juin 1940 la Normandie est envahie par les chars de Rommel. Le 14 juin 1940, Alençon est ciblée par la Lufwaffe. Le 16 juin la 7èmePanzerdivision ravitaille à Flers, et traverse l’Orne à Alençon le 17. Flers, Vire et Coutances sont prises sans résistance. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français » et lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…)
A partir d’août et septembre 1940, des ex-membres du Parti communiste dissous et des militants syndicalistes parviennent à se regrouper sous l’impulsion de Faustin Merle et d’Eugène Garnier. Des tracts appelant au sabotage des installations de l’occupant et des journaux sont diffusés. Dès le début de l’Occupation allemande, la police de Vichy a continué de surveiller les syndicalistes, anciens élus, candidats ou militants communistes « notoires » et procédé à des perquisitions et des arrestations.
Justin Daguts est arrêté le 18 octobre 1941, soit au Mêle-sur-Sarthe (Orne), le 18 octobre 1941 selon sa femme, pour distribution de tracts anti-allemands, ou à l’Aigle, (Orne) selon Eugène Garnier. Le même jour que Lucien Blin, Maurice Denis, Louis Fernex, Eugène Garnier, Léon Leriche et Christ Vannier, syndicalistes ou militants communistes de l’Orne qui seront comme lui déportés à Auschwitz. «Le danger imminent de voir se développer des attentats et de nouvelles distributions massives de tracts, notamment dans la région flérienne où elles ont été très nombreuses durant les mois précédents, pousse les autorités locales à lancer une grande opération de ratissage sur tout le département. Au total, dix-neuf personnes sont arrêtées dans la journée.» (3).
Eugène Garnier, rescapé du convoi du 6 juillet 1942 et arrêté lui aussi ce 18 octobre 1941, a écrit à propos de cette rafle : « Les arrestations et perquisitions de la Gestapo le jour même, ont lieu à la suite de la distribution massive d’un tract (rédigé et imprimé par imprimerie clandestine). Cette diffusion est à la base de l’arrestation de 3 camarades traduits en cour martiale, dont l’un deux, Henri Veniard fut fusillé à Caen le 12 novembre 1941. Les tracts appelaient au sabotage des installations de l’Occupant et des entreprises sous leur contrôle, également au renforcement de la Résistance et à la création de comités populaires, qui par la suite donnèrent naissance au Front national et aux premiers groupes FTPF».
Justin Daguts est remis aux autorités allemandes à leur demande.
Celles-ci l’internent dès le 19 octobre 1941 au camp allemand de Royallieu à Compiègne le (Frontstalag 122).Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz. Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Justin Daguts est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942. Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942. Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45157 » et « 46326 », d’où le nom de « convoi des 45000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité. Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Son numéro d’immatriculation à Auschwitz n’est pas connu. Le numéro « 45419 ? » figurant dans mes deux premiers ouvrages sur le convoi du 6 juillet 1942 (éditions de 1997 et 2000) correspondait à une tentative de reconstitution de la liste du convoi par matricules, qui n’a pu aboutir en raison de l’existence de quatre listes alphabétiques successives, de la persistance de lacunes pour plus d’une dizaine de noms et d’incertitudes sur plusieurs centaines de numéros matricules.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ». Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau, situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Justin Daguts meurt à Auschwitz le 20 octobre 1942 (date inscrite dans les registres du camp et transcrite à l’état civil de la municipalité d’Auschwitz ; in Death Books from Auschwitz, Tome 2, page 204). L’état civil fictif établi après la Libération (dates de décès fictives, le 1er, 15 ou 30, 31 d’un mois estimé) afin de donner accès aux titres et pensions aux familles des déportés) mentionne toujours « dédédé en septembre 1942 à Birkenau« . Il serait souhaitable que le ministère prenne désormais en compte les travaux des historiens du Musée d’Auschwitz, basés sur les archives du camp d’Auschwitz emportées par les Soviétiques en 1945, et qui sont accessibles depuis 1995.
Justin Daguts a été déclaré « Mort pour la France » en avril 1948. Le titre de « déporté politique » lui a été attribué (n° 11720033). Par arrêté du secrétaire d’État aux anciens combattants en date du 24 novembre 1987, il est décidé d’apposer la mention « Mort en déportation » sur ses actes de décès.
Son nom est honoré sur le monument aux morts d’Aube, devant le calvaire.
- Note 1 : Léon Daguts est mineur au puits Sainte-Marie à Blaye-les-Mines. Il est Résistant, homologué FFI (dossier administratif GR 16 P 154422 à Vincennes).
- Note 2 : Information de son registre matricule militaire. Madame Marinette Daguts, qui pense être une parente éloignée, m’a informée par courriel que le nom de Justin Daguts figurait sur une plaque érigée le 7 décembre 1947 à l’hôtel des Postes d’Alençon à la mémoire des 12 postiers déportés et fusillé d’Alençon. Le travail des élèves de 3ème du Collège Balzac d’Alençon complète cette information. « Les fonctionnaires des P et T jouèrent un rôle important mais méconnu, en interceptant des lettres adressées à la Kommandantur, en assurant les transports de courriers et d’armes, en détraquant les lignes au service de l’occupant, en fournissant des renseignements à nos alliés ». La profession d’électricien que j’avais indiquée lors de la rencontre de Caen en 2001 et qui a été reprise dans l’ouvrage « de Caen à Auschwitz », résulte d’une confusion avec la fiche de Maurice Denis, électricien, travaillant à Aube.
- Note 3 Centre de Recherche d’Histoire Quantitative (CRHQ). Biographies de résistants de l’Orne, par Thomas Pouty et Stéphane Robine.
Sources
- Liste des déportés de l’Orne (Mme Ventillard, archives départementales, juillet 1991).
- Témoignage d’Eugène Garnier.
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- Bureau des archives des victimes des conflits contemporains (BAVCC), Ministère de la Défense, Caen (fiche individuelle consultée en juin 1992).
- © Site www.mortsdanslescamps.com
- © Site Résistance et déportation : les stèles commémoratives (Orne).
- © Dessin de Franz Reisz, in « Témoignages sur Auschwitz », ouvrage édité par l’Amicale des déportés d’Auschwitz
(1946). - © Archives en ligne : Etat civil et Registres matricules militaires du Tarn.
- Courriels de Madame Béatrice Boudon (mars 2017), pour rectification des nom et prénom de jeune fille de l’épouse de Justin Daguts, illisibles sur l’acte de naissance de celui-ci à la mention du mariage, mais dont elle a retrouvé l’acte de naissance à Moularès (état civil en ligne du Tarn). Acte de naissance de Gabriel Boudon, 1er mai 1920.
Notice biographique réalisée en avril 2001 (modifiée en 2011, 2017, 2018 et 2021), pour l’exposition organisée par des enseignants et élèves du collège Paul Verlaine d’Evrecy, le lycée Malherbe de Caen et l’association «Mémoire Vive». Par Claudine Cardon-Hamet, docteur en Histoire, auteur des ouvrages : « Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942″ Editions Autrement, 2005 Paris et de «Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des 45.000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000. En cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique prière de citer les coordonnées du site https://deportes-politiques-auschwitz.fr . Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com