Matricule « 46 005 » à Auschwitz
Marcel Poullain : né en 1904 à Saint-Denis (Seine, Seine-Saint-Denis) ; domicilié à Pierrefitte (Seine / Seine-St-Denis) ; manœuvre ; communiste ; arrêté le 24 juin 1941 ; interné au camp de Compiègne ; déporté le 6 juillet 1942 à Auschwitz où il meurt le 16 octobre 1942.
Marcel, Léon, Auguste Poullain est né le 8 octobre 1904 à Saint-Denis (Seine, aujourd’hui Seine-Saint-Denis).
Il habite 10, impasse du Quartier neuf à Pierrefitte-sur-Seine (Seine, aujourd’hui Seine-Saint-Denis), au moment de son arrestation.
Il est le fils d’Irma, Marie Blain, 18 ans, tailleuse d’habits et d’Auguste Poullain, 20 ans ajusteur. Ses parents qui se sont épousés le 5 novembre 1904, habitent au 8, rue Franklin à Saint-Denis.
Conscrit de la classe 1924, il fait son service militaire dans la marine nationale, à Brest.
Il est manœuvre, d’après les renseignements communiqués par la mairie de Pierrefitte (néanmoins, il a indiqué « Landwirt », agriculteur ou ouvrier agricole lors de son immatriculation à Auschwitz, mais il est possible qu’il ait indiqué ce métier en espérant pourvoir travailler aux jardins ou dans les champs).
Marcel Poullain épouse Henriette Lépée le 16 janvier 1932 à Pierrefitte. Il a 27 ans, terrassier, domicilié au 8, avenue Potier à Pierrefitte. Elle a 19 ans, née en Côte d’Or, le 4 juin 1907 à Thoisy-la-Berchère (arrondissement de Montbard). Elle est domiciliée au 119, rue Galliéni à Pierrefitte avec sa mère, veuve de guerre. Le couple emménage à cette adresse (la même année il s’inscrit sur les listes électorales avec cette adresse).
Le couple a une fille, Jeanne.
Marcel Poullain est membre du Parti communiste et secrétaire de cellule selon les Renseignements généraux.
Après 1936, La famille vient habiter au 10, impasse du Quartier neuf à Pierrefitte.
Le 13 juin 1940 la Wehrmacht occupe Pantin. Le 14 juin 1940, l’armée allemande occupe Drancy et Gagny et entre par la Porte de la Villette dans Paris, vidée des deux tiers de sa population. La ville cesse d’être la capitale du pays et devient le siège du commandement militaire allemand en France. Les troupes allemandes occupent toute la banlieue parisienne les jours suivants. Le 22 juin, l’armistice est signé. Le 10 juillet 1940 le maréchal Pétain, investi des pleins pouvoirs par l’Assemblée nationale, abolit la République et s’octroie le lendemain le titre de « chef de l’Etat français ». Il lance la « révolution nationale » en rupture avec nombre de principes républicains (confusion des pouvoirs législatifs et exécutifs ; rejet du multipartisme, suppression des syndicats et du droit de grève, antisémitisme d’état…)
« De par son appartenance au Parti communiste, il avait dû une première fois se cacher pour ne pas se faire arrêter. Son épouse et sa fille ont dû partir se cacher également. La famille n’a plus jamais eu de signe de vie ni d’Henriette et de sa fille, même à ce jour. Ce qui a pu leur arriver reste un mystère. Pensant que les choses s’étaient calmées, Marcel est revenu à Pierrefitte où sur une dénonciation, il a été arrêté par la police française ». « C’est ce que les Allemands ont dit à la sœur de Marcel lorsque celle-ci a essayé de voir son frère à Compiègne » (Marylène Royer).
Pour Fernand Devaux (rescapé, de Saint-Denis) Marcel Poullain est arrêté dans la même période que Robert Tiradon et Camille Watremez, tous deux de Pierrefitte. Or les archives des Anciens Combattants (Ministère de la Défense au DAVCC à Caen) indiquent que Camille Watremez est arrêté le 26 octobre 1940 alors que seul le nom de Marcel Tiradon figure sur la liste de la Préfecture de police des militants communistes arrêtés le 6 décembre 1940 en vue de leur internement à Aincourt.
En fait Marcel Poullain est arrêté l’année suivante, le 24 juin 1941, dans le cadre d’une grande rafle concernant les milieux syndicaux et communistes. En effet, le 22 juin 1941, jour de l’attaque hitlérienne contre l’Union soviétique, sous le nom «d’Aktion Theoderich», les Allemands arrêtent plus de mille communistes dans la zone occupée, avec l’aide de la police française. D’abord placés dans des lieux d’incarcération contrôlés par le régime de Vichy (ici l’Hôtel Matignon), ils sont envoyés en vue de leur déportation comme otages, à partir du 27 juin 1941, au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), le Frontstalag 122 administré par la Wehrmacht.
La liste des Renseignements généraux répertoriant les communistes internés administrativement le 24 juin 1941, mentionne pour Marcel Poullain : « Communiste notoire. Ex secrétaire de cellule. Meneur actif et dangereux ».
Depuis ce camp administré par la Wehrmacht, il va être déporté à destination d’Auschwitz.
Pour comprendre la politique de l’Occupant qui mène à sa déportation, on lira les deux articles du site qui exposent les raisons des internements, des fusillades et de la déportation : La politique allemande des otages (août 1941-octobre 1942) et «une déportation d’otages».
Depuis le camp de Compiègne, Marcel Poullain est déporté à Auschwitz dans le convoi du 6 juillet 1942.
Cf Article du site : Les wagons de la Déportation.
Ce convoi est composé au départ de Compiègne, de 1175 hommes (1100 « otages communistes » – jeunes communistes, anciens responsables politiques et élus du Parti communiste, syndicalistes de la CGT et délégués du personnel d’avant-guerre, militants et syndicalistes clandestins, résistants – de cinquante « otages juifs » et de quelques « droits communs »). Il faisait partie des mesures de terreur allemandes destinées à combattre, en France, les judéo-bolcheviks responsables, aux yeux de Hitler, des actions armées organisées par le parti communiste clandestin contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941. Lire dans le site le récit des deux jours du transport : Compiègne-Auschwitz : 6-8 juillet 1942.
Sur les 1175 otages partis de Compiègne le 6 juillet 1942, 1170 sont présents à l’arrivée du train en gare d’Auschwitz le 8 juillet 1942.
Ces derniers sont enregistrés et photographiés au Stammlager d’Auschwitz (camp souche ou camp principal, dénommé en 1943 Auschwitz-I) entre les numéros « 45 157 » et « 46 326 », d’où le nom de « convoi des 45 000 », sous lequel les déportés du camp désignaient ce convoi. Ce matricule – qu’il doit apprendre à dire en allemand et en polonais à toute demande des Kapos et des SS – sera désormais sa seule identité.
Lire dans le site : Le KL Auschwitz-Birkenau.
Il est enregistré à son arrivée à Auschwitz le 8 juillet 1942 sous le numéro 46 005 (la photo de l’otage portant ce matricule a été identifiée en comparaison avec les photos de famille).
Sa photo d’immatriculation (1) à Auschwitz a été retrouvée parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz.
Lire dans le site le récit de leur premier jour à Auschwitz : L’arrivée au camp principal, 8 juillet 1942. et 8 juillet 1942 : Tonte, désinfection, paquetage, « visite médicale ».
Après l’enregistrement, il passe la nuit au Block 13 (les 1170 déportés du convoi y sont entassés dans deux pièces). Le 9 juillet tous sont conduits à pied au camp annexe de Birkenau (Brzezinka), situé à 4 km du camp principal. Le 13 juillet il est interrogé sur sa profession. Les spécialistes dont les SS ont besoin pour leurs ateliers sont sélectionnés et vont retourner à Auschwitz I (approximativement la moitié du convoi. Les autres, restent à Birkenau, employés au terrassement et à la construction des Blocks.
Aucun des documents sauvés de la destruction ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation d’Auschwitz, ne nous permet de savoir dans quel camp il est affecté à cette date.
Marcel Poullain meurt à Auschwitz le 16 octobre 1942 (date inscrite dans les registres du camp et transcrite à l’état civil de la municipalité d’Auschwitz ; in Death Books from Auschwitz, Tome 3, page 961).
Sa fiche d’état civil établie en France à la Libération portait la mention «décédé le 31 décembre 1942 à Auschwitz (Pologne)». Il est regrettable que le ministère n’ait pas corrigé cette date, à l’occasion de l’inscription de la mention « mort en déportation » sur son acte de décès (Journal officiel du 27 janvier 1998), ceci étant rendu possible depuis la parution de l’ouvrage publié par les historiens polonais du Musée d’Auschwitz en 1995. Lire dans le blog Les dates de décès à Auschwitz.
Une cellule du PCF de Pierrefitte porte son nom en 1946, et tient un stand à la fête locale du PCF (in La Voix Républicaine, canton de Saint-Denis, du 28 juillet 1946, p 7).
Son frère, Auguste Poullain, résistant, responsable du service d’ordre du Parti Communiste à Saint-Denis a dû se cacher en Bretagne.
A l’hiver 1942, alors que les policiers venaient l’arrêter, il se sauve en traversant une rivière à la nage. Il tombe gravement malade, et il est transporté à l’hôpital Cochin. Il meurt à 33 ans de complications pulmonaires (d’après «Résistants et Résistantes en Seine-St Denis», Ed de l’Atelier p. 178).
Son nom est honoré sur le monument aux morts de Pierrefitte, dans le cimetière communal. Son nom a été donné à la colonie de vacances communale de Pierrefitte, à Cuzy (Saône et Loire) au cours de la cérémonie d’inauguration qui a eu lieu le 19 juillet 1959 en présence de Madame Poullain, sa mère, de Waldeck-Rochet, député, et de M. Fréville, maire de Pierrefitte.
- Note 1 : 522 photos d’immatriculation des « 45 000 » à Auschwitz ont été retrouvées parmi celles que des membres de la Résistance intérieure du camp avaient camouflées pour les sauver de la destruction, ordonnée par les SS peu de temps avant l’évacuation du camp d’Auschwitz. A la Libération elles ont été conservées dans les archives du musée d’Etat d’Auschwitz. Des tirages de ces photos ont été remis par Kazimierz Smolen (ancien détenu dans les bureaux du camp d’Auschwitz, puis devenu après-guerre directeur du Musée d’Etat d’Auschwitz–Birkenau) à André Montagne, alors vice-président de l’Amicale d’Auschwitz, qui me les a confiés.
Sources
- © Documents et photos reçus par courriel le 5 février 2011 de Marylène Royer, d’après les souvenirs du grand-père de son époux, grand-père qui était le beau-frère de Marcel Poullain.
- Daniel Biotton, maire de Pierrefitte, 18 octobre 1989.
- Fernand Devaux, «Témoignage pour Aincourt» http://www.amicale-chateaubriant.fr/sommaire.php
- Listes – incomplètes – du convoi établies par la FNDIRP après la guerre (archives de la F.N.D.I.R.P).
- Death Books from Auschwitz, Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau, 1995 (basé essentiellement sur les registres – incomplets – de l’état civil de la ville d’Auschwitz ayant enregistré, entre le 27 juillet 1941 et le 31 décembre 1943, le décès des détenus immatriculés).
- © Site Site Internet Mémorial-GenWeb : Photo de Marcel Poullain jeune, sur la sépulture individuelle dans le cimetière communal, © Alain Claudeville.
- © Site www.mortsdanslescamps.com
- Plaque Auguste Poullain © Pierre Cardon.
- Archives en ligne de Pierrefitte.
Notice biographique rédigée à partir d’une notice succincte pour le 60è anniversaire du départ du convoi des « 45 000 », brochure répertoriant les “45 000” de Seine-Saint-Denis, éditée par la Ville de Montreuil et le Musée d’Histoire vivante, 2002, complétée en novembre 2007 (2014, 2019, 2020, 2022 et 2024) par Claudine Cardon-Hamet (docteur en Histoire, auteur des ouvrages : Mille otages pour Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45 000 », éditions Graphein, Paris 1997 et 2000 (épuisé) et de Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45 000 », éditions Autrement, Paris 2005 (dont je dispose encore de quelques exemplaires pour les familles). Prière de mentionner ces références (auteur et coordonnées de ce site) en cas de reproduction ou d’utilisation totale ou partielle de cette notice biographique.
Pour la compléter ou la corriger, vous pouvez me faire un courriel à deportes.politiques.auschwitz@gmail.com